Magazine Cinéma

Les chiens de paille - 7/10

Par Aelezig

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Un film de Sam Peckinpah (1971 - UK, USA) avec Dustin Hoffman, Susan George, Del Henney

Un poil déçue.

L'histoire : David, américain, s'installe avec son épouse Amy dans le village natal de celle-ci, en Angleterre, dans un petit coin retiré près de la mer. Amy demande à ses copains d'enfance, au village, désoeuvrés, de venir refaire la toiture d'une de leurs bâtisses. Les hommes voient en David un étranger, un bourge, un gars qui sait tout, comme tous les Américains. En plus, il leur a piqué la belle Amy, sur laquelle ils fantasment tous depuis l'adolescence... 

Mon avis : Les critiques annonçaient un chef d'oeuvre, et le film a été controversé pour son extrême violence et sa tension constante. Je m'attendais à une sorte d'Orange mécanique, auquel il a été comparé (ainsi qu'à Délivrance), ou bien sûr aux Funny games d'Haneke. Est-ce parce que ça a beaucoup vieilli ? Non, puisque le Kubrick a le même âge. Donc c'est autre chose qui cloche. Selon moi.

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Le côté insoutenable des trois films précités tient non pas dans la seule violence, extrême, mais dans son aspect totalement gratuit. Les agresseurs, visiblement tous agités du ciboulot (délinquants purs et durs pour le premier, neuneus de la campagne profonde pour le second, petits bourgeois oisifs et amoraux pour le troisième), frappent pour le plaisir, pour observer et se délecter des réactions de leurs victimes, pour le pouvoir jouissif qu'ils en retirent, le sentiment d'être les maîtres abolus de toute chose vivante. C'est extrêmement dérangeant, car on sait que personne ne pourra les raisonner, on comprend dès le départ que ces personnes ont un truc qui ne va pas bien dans la cervelle.

Ici, on retrouve certes le thème du "bouseux" de Délivrance, mais il ne fonctionne pas pareil. Les Etats-Unis sont un immense pays, la nature y est encore largement sauvage dans divers endroits et on sait que quelques petites communautés vivent en presque totale autarcie, ne voient personne d'autre et qu'ils s'accouplent entre eux, ce qui à la longue produit quelques dégénérés. Rien que le gamin au banjo vous file les chocottes. Dans Les chiens de paille, ça se passe en Angleterre, près d'un petit village. C'est petit l'Angleterre, à côté des States ; c'est très urbanisé. Il y a bien quelques coins sauvages, comme partout, mais pas de "tribus primitives". Il est difficile d'imaginer que ces gars, bien que peu éduqués, aient tous les quatre, et seulement eux (ils sont entourés par un tas d'autres personnes "normales"), la même propension à faire le mal pour le mal. On nous fait donc comprendre qu'ils admettent mal la présence de cet "étranger" qui vient en quelque sorte leur voler la fille du pays. OK, pourquoi pas. Admettons. Mais on a des mobiles : la jalousie, l'esprit de territoire, les pulsions sexuelles et une mauvaise éducation. Ils violent et ils frappent. C'est pas gentil... mais on voit ça dans des milliers de films, et même au JT de 20h00. C'est la violence "ordinaire", je dirais. Elle ne m'a donc pas scotchée au plafond comme les trois autres films. Ensuite, c'est une histoire de harcèlement, de vengeance, lorsque notre homme, attaqué, se venge de toutes ces bêtes humaines, leur rendant coup pour coup. Quasiment normal. "Humain", en tous cas.

Autre problème : l'actrice. Joue-t-elle comme un pied, ou bien ont-ils raté la psychologie du personnage. J'avoue que j'ai eu du mal à la trouver sympathique. Elle m'a même légèrement exaspérée avec son jeu très très maniéré. Question d'époque ? Non, les autres acteurs sont très bien eux. Cette jeune femme a dès le début une attitude assez équivoque. Bon, OK, elle a été élevée chez les bouseux, probablement comme la jeune Sally qui aguiche tout le monde. Elle se promène en micro-jupe, écarte les jambes quand elle sort de sa voiture, ne porte pas de soutif et les lolos se trémoussent allègrement sous son pull, au plus grand plaisir de ces messieurs. Sauf le mari. Je ne dis pas que c'est normal de violer une allumeuse ! Les mâles doivent se contenir. Mais en échange, les filles doivent garder un minimum de pudeur. Ca me fait toujours marrer les copines qui se plaignent de se faire reluquer alors qu'elles se baladent avec des décolletés jusqu'au nombril... "Ils n'ont qu'à pas regarder" répondent-elles quand je leur dis qu'elles peuvent cherchent un peu. "Mais pourquoi tu leur montres, alors, si tu ne veux pas qu'ils regardent ?" Pas de réponse. En attendant que les petits garçons d'aujourd'hui soient élevés comme des hommes respectueux, et non comme des machos en puissance (hélas ça existe toujours)... mieux vaut contenir la bête. 

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Bref. Lorsqu'Amy se fait agresser, d'abord elle se trouve en présence d'un ancien pote d'enfance. Elle a donc confiance en lui, même si elle lui fiche régulièrement sous le nez ses cuisses de nymphe et ses nichons. Elle lui propose un verre. Le garçon la viole... et là, la scène est hyper bizarre. Les mimiques de son visage, on ne sait pas si c'est de la douleur... ou du plaisir ! Et ses mains, on ne sait pas si elles le repoussent, ou... si elles l'attirent. Sur la fin, on voit carrément qu'elle n'est plus hostile du tout. Bizarre. Quand arrive le copain, ça se corse, évidemment ; là, elle aime moins. Mais faut bien dire que la nana est quand même un peu dérangée elle-même, je trouve. D'ailleurs ensuite, elle n'en parle pas à son mari. Elle joue les grandes traumatisées : tremblements intempestifs, moues de douleur, mais elle ne dit rien. Peur de s'avouer qu'elle a pris du plaisir au début et donc trompé son mari ? Bizarre, je vous dis, bizarre. J'ai rien compris à cette gonzesse. 

Il n'y a pas que moi : à la sortie du film, beaucoup ont reproché à Peckinpah l'ambiguïté de la scène. Il s'en est défendu, affirmant que c'était bien un viol, point barre. On pourrait aussi le qualifier de misogyne : la nénette, outre ses attitudes provoquantes, n'aime pas le métier de son mari, trop intellectuel, défend toujours ses amis de jeunesse lorsqu'il blâme leur comportement, et semble toute vibrante d'admiration quand à la fin il est devenu "enfin" l'homme fort de la maison !

En fait, le viol est vite banalisé (puisqu'elle n'en parle à personne...), c'est plutôt le fait que David défende Henry, "l'idiot du village" accusé de meurtre, qui déclenche leur véritable haine et le siège de la maison. Après, c'est règlement de comptes à OK Corral, oeil pour oeil, dent pour dent, du déjà vu donc. Il paraît que c'est pour dénoncer les "bas instincts" de l'homme, qui, pour survivre, piétine les idéaux pacifistes dont il se revendique parfois. Message simpliste. Même si Jésus a dit de tendre l'autre joue, 99,99 % des gens voudront, eux, se défendre. Rien de nouveau sous le soleil donc.

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Même la réalisation ne m'a pas vraiment emballée. C'est très lent au début. Trop long. Tout est normal, même si ces gars-là... moi justement j'aurais évité de leur confier les clés de ma maison et de leur montrer mes cuissots. Il n'y a pas un long et pénible harcèlement qui va crescendo. Soudain, on a le chat, pendu dans le placard. Puis hop, ça passe en mode violence. Pas vraiment de transition. Ensuite, après le viol, Amy a constamment des flashes de la scène qui reviennent. Au ralenti en plus. Ils sont courts, mais au ralenti. Le procédé n'est ni efficace ni esthétique...

Ca reste un bon film à suspense, mais pas un chef d'oeuvre, et en aucun cas comparable au trois films cités là-haut.  

Le titre ? Pas pigé. Il paraît que ça vient d'une phrase de Lao Tseu, philosophe chinois : ""Rudes sont le ciel et la terre qui traitent en chiens de paille la multitude d'êtres. Rude est le sage qui traite le peuple en chien de paille." Ca vous parle, vous ? Pas moi.

Il y a eu un remake en 2011. Faudrait peut-être que je le voie...


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