On peut reprocher à Éric Naulleau beaucoup de choses, mais certainement pas sa fidélité en amitié ni sa persévérance pour faire connaitre au plus grand nombre l’objet de son admiration.
Personnellement, avant de le suivre fidèlement en tant que chroniqueur hebdomadaire de l’émission "On n’est pas couché" (la seule émission du PAF que je regarde toutes les semaines depuis presque dix ans maintenant), je n’avais jamais entendu parler de Graham Parker (et pourtant j'aurais du, sa musique est parfois utilisée dans les films notamment le si culte "Un monde sans pitié" d'Eric Rochant, comme le début du livre nous l'indique), qui, est à ses yeux en tout cas, l’équivalent anglais d'un Bruce Springsteen ou d'un Bob Dylan, bref l'un des plus grands compositeurs de l'histoire du rock.
Et dès qu’il le pouvait, que ce soit lorsqu’un chanteur était invité sur le plateau, Éric Naulleau ne manquait pas de citer le nom de son dieu vivant, tant et si bien que lorsqu’en 2010, il publia "Parkeromane", un livre tout à la gloire de son idole, je n" étais pas le moins du monde surpris. Pas surpris mais quand même assez admiratif devant cette ténacité, étant donné la notoriété équivalente à zéro de son idole (qui visiblement, si l’on croit ce que dit Nauleau dans son livre, a donné des concerts parisiens devant une dizaine de spectateurs seulement).
Mais comme le personnage-Naulleau pas Parker évidemment- m’agaçait quelque peu (bon, moins que son comparse Zemmour évidemment, mais quand même), j’étais délibérément passé à coté de cet ouvrage, et ce n’est que 5 ans après, à l’occasion d’une nouvelle édition de ce livre Parkeromane, chez un nouvel éditeur, Belfond et réactualisé ( même si les ajouts récents ne m’ont pas semblé les plus intéressants du bouquin) que je prends enfin connaissance de ce livre et que j ai 'approfondi cette addiction que ressent Eric N. pour son maitre Graham.
Car, comme le titre de l’ouvrage l’illustre parfaitement, il s’agit bien d’une addiction que Naulleau a ressenti pour ce Graham Parker dès l’instant même ou il l’a entendu pour la première fois ( grâce à un camarade de lycée qui n’est autre qu’Yves Calvi, le monde du show bizz est petit!) et pour avoir sa dose régulière de Parker, il est prêt à sauter dans le premier avion ( Parker joue très rarement en Europe) pour le suivre dans tous les concerts qu’il donne et même parfois à lui souffler tel ou tel nom de titre d’album lorsque la mémoire du rockeur lui fait défaut !!
C’est donc tout l’objet de cette idolâtrie et même de sa dévotion dont il est question dans "Parkeromane" : essayer de disséquer la nature de cette relation quasi charnelle queNaulleau entretient avec Graham Parker, et en même temps, aller ( un peu comme l'avait fait le génial documentaire Sugar Man avec Sixto Rodriguez- qui est de la même génération que Parker) sur les traces de ce musicien qui n'a pas eu la considération attendue et certainement méritée.
Personnellement, n’étant pas fan de rock roll et n’étant, de façon plus générale fan absolu de quiconque, cette relation peut me sembler étrangère, mais elle n’en reste pas moins assez fascinante à comprendre.
S’appuyant sur une construction pas linéaire pour un sou (le livre est en fait sorte de puzzle qui nous fait voyager dans le temps et l'espace grâce à une suite de petits paragraphes), ce roman nous perd parfois, tant il peut sembler un peu trop aride pour les néophytes en Parkeropholie, mais rarement le lien d’admiration qui lie un artiste à un autre (qu’on le veuille ou non Naulleau peut être considéré comme un artiste) avait été aussi efficacement analysé et rendue palpable à ceux qui ignorent tout de cela.
Et ce qui fait l'intérêt de son livre, c'est aussi de voir Naulleau sous un autre jour, appréhender l'animateur-sniper par le prisme de son adulation, lui qui avait tendance à mépriser pas mal d'artistes à la TV, nous le rend forcément plus humble et plus humain.
Bref, un livre vraiment captivant pour toutes ces raisons, même si je ne saurais occulter un gros regret que j'ai éprouvé à la lecture de ce "Parkeromane" : l’absence de traduction des textes qui sont très nombreux et qui fait encore plus défaut lors de la dernière partie du livre, lorsque Graham Parker est appelé à donner sa propre interprétation des paroles des chansons que Naulleau préfère de lui. Le sentiment de rendre peu accessible l’univers de l’auteur et de réserver Parker à une niche d’initiés, un sentiment que l’on ressent plusieurs fois au cours de ce livre, se fait alors, encore plus prégnant que jamais.
Mais gageons aussi que tel est le but- plus ou moins- avoué de l’auteur : faire connaitre Parker au commun des mortel, oui; donner toutes les clés permettant d’accéder à son univers, non…Comme pour toute drogue digne de ce nom, il vaut mieux que tout le monde ne soit pas au courant des bienfaits de cette drogue, afin sans doute d'éviter une pénurie qui serait trop préjudiciable à la personne dépendante…
Quoiqu’il en soit, ce livre réussit largement son objectif premier : celui de foncer sur Deezer ou sur Dailymotion (il y a bien des codes à flasher en dessous de tous les titres des chansons, mais ca ne marche jamais avec moi, ce genre de trucs) pour aller illico presto écouter du Graham Parker et se dire que oui quand même ce type possède définitivement un truc indéfinissable…
Graham Parker - That's What They All Say