Manifeste pour une contre-offensive intellectuelle et politique de Geoffroy de Lagasnerie et Edouard Louis publié dans Le Monde daté du 27-28 septembre 2015, appelle à une contre-offensive intellectuelle et politique : « Depuis quelques semaines, deux débats sont trop souvent posés séparément : celui de la proximité manifeste de plus en plus grande d’un certain nombres d’essayistes et d’écrivains avec les thèses de l’extrême droite d’une part, et, d’autre part, celui du silence des intellectuels sur les problèmes politiques. Mais comment ne pas voir que tout cela forme une seule et même configuration. »
Les auteurs s’empressent alors de redéfinir et de transformer la scène intellectuelle et politique en adoptant « quelques principes éthiques pour la pensée et l’action » auxquels nous répondrons succinctement :
1. Principe de refus : fuir les débats imposés, refuser de constituer certains idéologues comme des interlocuteurs, certains thèmes comme discutables, certains problèmes comme pertinents.
Qu’il y ait des « problématiques incompatibles entre elles » ne saurait en aucun cas nous interdire de les exposer et d’en débattre.
2. Principe de nomination : nommer les individus tels qu’ils sont, ne plus ratifier leurs tentatives de falsification
D’accord ! Mais est-ce que ces auteurs réalisent que les ennuis, des ennuis sérieux, commencent dès que l'on nomme les individus et les choses ?
Qu'ils demandent à Dieudonné et à Alain Soral s’ils ont un doute à ce sujet ! Ou bien alors, ces deux comparses se proposent-ils d'enfoncer des portes ouvertes tout en privilégiant les encyclopédies et les archives des rubriques nécrologiques ?
3. Les risques de la théorie du genre, ne sont pas des sujets de discussions, ce sont des insultes et des mensonges.
« Bonjour caroline Fourest ! » ; une Caroline Fourest qui passait sans doute par là au moment de la rédaction de ce manifeste ; une commande puisqu'elle ne sait pas non plus écrire.
La théorie du genre est un sujet de discussion et doit le rester d’autant plus cette théorie n’est qu’une affaire d’opinion intéressée qui plus est, puisque développée par le lobby LGBT. Cette théorie n’est le fruit d’aucun travail scientifique même à un niveau universitaire ; cette théorie n’est donc qu’une affaire d’opinion et toutes les opinions sont discutables.
4. Principe de redistribution de la honte : Il y a des individus dont on préférerait qu’ils se taisent, non par la force, comme on ne manquera pas de nous en accuser, mais, au contraire, en leur faisant comprendre que leurs discours ne méritent rien d’autre que le mépris.
La liberté d’expression n’est pas divisible. Que ceux qui se taisent cessent de le faire. Mais si vous ne pouvez pas répondre à ceux qui tiennent le haut du pavé, alors c’est vous qui avez un problème, pas eux !
Dans cette perspective, la gauche sera à nouveau confrontée à une classe populaire qu’il lui faudra une fois encore conspuer et condamner tout en lui demandant de se taire : c’est le retour des années Lang, SOS racisme et d'une bourgeoisie PS donneuse de leçon ; précisément ceux qui ont livré les classes populaires à un mondialisme vorace et cruel : chômage, ressentiment, désespoir, colère ; abstention massive aux élections et le vote FN. Retour à la case départ donc.
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Outre le fait que ce manifeste « occulte 15 années de contestation, d’échecs, de doutes dans le monde universitaire » comme nombre d’intellos d’Etat leur feront remarquer, la thèse sous-jacente de ce manifeste semble être "l'invasion subreptice du discours de "gauche" par un discours "de droite (honteuse ?)" qui chercherait tout de même à se faire passer pour "de gauche", ce qui permet la conjonction domination symbolique de la gauche + domination idéologique de la droite" - par Antoine P.
Quant à parler d’"intellectuelle" à propos de Simone de Beauvoir comme ce manifeste tente de nous le rappeler : c’est une mauvaise plaisanterie ! Et pour Jean-Paul Sartre, encore faut-il savoir de quel Sartre il s'agit ? Le Sartre stalinien avec son « On en fait pas d’omelette sans casser des œufs !», aux dizaines de millions de morts ? Ou bien, le socialiste libertaire des boat-people ?
D’autres n’ont pas manqué de faire remarquer aux auteurs ceci : « Qu'est- ce qui empêche de parler de "nation, de peuple, de souveraineté ou d'identité nationale, de désagrégation" et de" classes, d'exploitation, de violence, de répression, de domination "?
En effet : rien, sinon une dogmatisme idéologique qui n'est plus de mise.
Décidément, force est de constater que le manifeste de ces deux auteurs passe à côté de l’essentiel par nostalgie d’une époque qu’ils n’ont d’ailleurs pas connue : les années 70, la gauche, la droite, le programme commun, la constitution d’une majorité de gouvernement autour d’un programme de gauche… alors qu’aujourd’hui il faut impérativement tenir compte de ce qui suit :
1. Après 30 années d’expérience, le constat de l'échec du PS en tant que parti de gouvernement de gauche et de toutes les partis dits "de gauche" européens avec lui.
2. Le mondialisme, cette guerre contre les Etats nations, l’Etat providence, le contrat social européen, la démocratie, qui a remis sur le tapis, après l’idéal d’une construction européenne qui avait un peu endormi tout le monde, la question de la démocratie et l’idée qu’il n’y a pas de démocratie hors du cadre de la souveraineté des nations et des peuples. D’où, soit dit en passant, le caractère fascisant de ce mondialisme et des institutions relais (la Commission européenne en ce concerne notre Continent) qui souhaitent passer par-dessus bord la souveraineté des peuples.
3. Dans ce contexte français, dans la relance du débat à gauche et dans l’occupation de l’espace médiatique, les années 70 ne nous seront d’aucune aide ; en revanche, il faut dès maintenant commencer à réfléchir à une alliance avec les souverainistes gaullistes ; une alliance qui partirait de Dupont-Aignan - seul capable de "rapatrier" l’électorat populaire réfugié dans l’abstention et le FN ; une alliance qui couvrirait tout le spectre de gauche - PC, parti de gauche -, jusqu'à son extrême - pourquoi pas ! - sans oublier Asselineau, les dissidents des Verts qui souhaitent vraiment faire de l'écologie et du PS, cette SFIO des années 2000 avec ses "Guy Mollet" que sont Fabius, Valls, Hollande... car c'est bel et bien d'une alliance patriotique et européenne qu'il s'agit.
On l'aura compris : une nouvelle alliance s'impose ; un travail de refondation du projet politique et des pratiques militantes aussi. En peu de mots : l'exigence d'un retour au Conseil National de la Résistance.
Ce qui implique un décloisonnement du « champ intellectuel » : qui est l’ennemi, où est-il, qu’est-ce qui divise qui, sur quoi, qu’est-ce qui rassemble qui autour de quoi.
Ce manifeste passéiste d’inspiration, de Geoffroy de Lagasnerie, Edouard Louis - les Bouvard et Pécuchet d'une gauche introuvable - passe totalement à côté de cette nouvelle donne que sont la mondialisation et l'échec du PS en tant que parti de gouvernement de gauche.
Pour ces raisons, il semblerait que ce manifeste soit déjà mort-né, pire encore : mort avant même d’avoir vu le jour : une fausse couche a eu raison de sa pertinence.
Contrairement à ce qui nous est donné à penser, les médias travaillent donc à la fois à l'entretien de l’illusion de la souveraineté et à l'abolition des frontières : Valls et MLP. MLP rendant possible Valls : la menace MLP mobilisant tous « les républicains » contre le FN.
Aussi, et là encore... et contrairement à ce qu’affirme le manifeste, on trouvera aucune fascination pour le FN mais la complicité des médias mondialistes dans cette instrumentalisation et ce depuis les années Mitterrand : d’où la priorité accordée à ceux qui peuvent « faire monter » le FN et légitimer quelque peu son programme et ses thèmes de campagne. Car cela ne vous a pas échappé : c’est le mondialisme qui toujours triomphe aux élections depuis 1983 et non le souverainisme et moins encore un nationaliste puéril ; un mondialisme sans joie qui traîne les pieds avec Chirac et son reste de gaullisme, certes ! mais mondialisme triomphant quand même et surtout !
Et si beaucoup d’intellectuels se taisent aux grands regrets de nos deux rédacteurs, qu'ils se méfient néanmoins car il se pourrait bien que ce silence soit d'une nouvelle espèce et d'un type pas très ordinaire : le silence de l'auto-censure face à un terrorisme intellectuel qui frappe toutes les camps et toutes les familles politiques et dont ce manifeste semble s'inspirer sans vergogne.
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