Les “emballements médiatiques”, dérèglements du mécanisme politique, se remarquent à la vivacité des discussions. L’émotion se développe selon le régime de l’emportement, qui la fait croître sans cesse. Non moins caractéristiques, les grands discours, pour la laïcité, ou la justice, ou la république.
On peut honorer ces principes et trouver ridicule leur utilisation. Souvent, en les invoquant on se dispense de tout examen. Plutôt que de chercher à connaître précisément les situations, il est commode de se référer à un unique axiome. S’indigner de l’annulation d’un mariage au seul motif que la décision porte atteinte à la laïcité, c’est se dispenser d’aller y voir de plus près, et par exemple de relire les articles du code civil relatifs au mariage.
Ici se manifeste une passion des âges démocratiques aperçue déjà par Tocqueville : le goût pour les idées générales. En des sociétés où chacun est préoccupé par ses affaires, on prise tout ce qui facilite la connaissance des domaines où l’on n’est pas compétent. L’homme démocratique, quittant à regret le soin de ses intérêts et la jouissance de ses biens, aime tout ce qui lui rend immédiatement accessibles les sujets difficiles, que ce soit politique, philosophie, science ou art.
Or les idées générales ont l’avantage d’épargner temps et efforts ; il n’est plus nécessaire de s’inquiéter des circonstances ; on se fait une opinion à bon marché. Mais remarquez comme nous procédons autrement dès qu’il s’agit de nos intérêts privés, dès que nous sommes directement concernés : nous nous passionnons pour les détails et entendons ne rien négliger. Voyez le soin accordé à l’achat d’une voiture, au choix de bureaux ou à la correction d’un manuscrit : le détail importe alors !
L’excessive généralité de nos propos est donc l’indice du peu d’intérêt que nous leur accordons.