L’inénarrable Craig Joubert dans ses oeuvres
En effet, le Pays de Galles et l’Irlande dominent l’Europe depuis 4 ans, ils progressent pendant qu’Angleterre et France régressent. Difficile dès lors de juger réellement les progrès du trèfle et du poireau. Pour autant, outre leur incapacité à battre le numéro 1, ils ne sont désormais plus très loin si ce n’est au même niveau que les Australiens et les Sud-Africains et parviennent à les battre lors des tournées d’Automne. Par ailleurs, l’absence de ces deux là dans le dernier carré semble conjoncturelle au vue du nombre de blessés, mais cela ne veut pas dire que leur sort en aurait été autrement avec les effectifs au complet. Pour la France, le mal est profond, il est structurel bien entendu et c’est tout le rugby Français qu’il faut restaurer, savoir ou non si Ligue et Fédération s’accordent pour remettre l’église au centre du village ou si l’on continue de se développer autour de la multinationale Top 14. L’Angleterre elle, se situe à mi-chemin des deux causes, mais semble raffûter une issue à la Française, en témoigne le potentiel de cette équipe, apparue bien trop inexpérimentée pour sortir des poules. Enfin l’Écosse, inexistante depuis des lustres, est revigorée depuis l’avènement de Vern Cotter et n’hésite pas à naturaliser à tour de bras pour progresser et concurrencer les meilleurs.
Aux antipodes, la Nouvelle-Zélande reste fidèle à elle-même et semble ne connaître aucune limite à sa progression, l’Australie se restructure progressivement et voit l’avenir bien plus clairsemé qu’il y a encore un an, l’Afrique du Sud préfère rester tankée sur ses solides bases et l’Argentine continue de surprendre et de progresser à vitesse grand V depuis 10 ans, et cela ne risque pas de décroître avec sa progression en Rugby Championship et l’arrivée prochaine d’une franchise Argentine au sein du Super Rugby.
Focus sur le Grand-Chelem de l’hémisphère Sud
AFRIQUE DU SUD vs PAYS DE GALLES : 23 – 19
L’essai en fin de rencontre de Fourie du Preez après une superbe chistera de Duane Vermeulen
Ils ont pourtant essayé de mettre du volume à leur jeu, plus de mouvement et de passes sur les extérieurs. Ils ont essayé un temps, durant le Rugby Championship dernier, mais on ne balaye pas une culture juste avec de bons joueurs de rugby. Difficile de jouer contre nature, et peut être contre la volonté profonde. Car l’apparente suffisance durant la compétition des sudistes remportée par l’Australie en guise de préparation à la Coupe du Monde, s’est prolongée durant cette dernière, d’entrée même face aux Japonais (sans enlever le mérite et la grande prestation des hommes d’Eddie Jones). Une suffisance ou une arrogance que sais-je, ô combien déconcertante.
Malheureusement pour les valeureux Gallois très (très, très, très) handicapés, les hommes d’Heyneke Meyer se sont véritablement retrouvés Samedi à Londres. Le manque d’adversité en poule ne permettait pas réellement de juger cette équipe après la déconvenue de la première journée. Désormais, à 4 jours d’une ½ finale face aux All Blacks, on sait à quoi vont s’en tenir les Boks. Du défi, du défi, et encore du défi. Un rouleau compresseur, remis en route pour récidiver 2007, en s’appuyant sur une grosse conquête, une usure physique de l’adversaire et du pragmatisme.
Schalk Burger s’offre une seconde jeunesse
A l’heure de jeu, alors que Dan Biggar donne l’avantage aux siens (19-18) grâce à une pénalité, l’Afrique du Sud met la main sur le ballon avec insistance et s’installe de plus en plus durablement dans le camp adverse. Le monstre à 30 pattes continue le travail de sape, les Gallois reculent de plus en plus à l’impact et semblent flancher, à l’image de la sortie sur blessure de leur ouvreur à la 74ème minute. Ils plient sans romprie. Jusqu’au coup de grâce à 5 minutes du terme, une mêlée qui tourne, et les patrons qui s’imposent. L’action se passe sur le petit côté à 15 mètres de la ligne d’essai Galloise, Duane Vermeulen ramasse le ballon, résiste à la sangsue Lloyd Williams accrochée à ses chevilles, et glisse une chistera décisive pour son ½ de mêlée au moment où Alex Cuthbert vient tenter de contester le ballon au néo-toulonnais. Tout un symbole de renaissance pour cette équipe que ce soit son capitaine, Fourie Du Preez – auteur au passage d’un grand match – qui file inscrire l’essai de la délivrance, celui de la qualification.
Les 24 plaquages de Dan Lydiate, les 19 d’Alun-Win Jones, les 18 de Toby Faletau, les 17 du capitaine Sam Warburton auteur également de 4 turn-over justifient l’impressionnante activité défensive et la démultiplication des Gallois pour résister à la pression Boks. Auteur d’une grande Coupe du Monde, Warren Gatland et ses troupes sortent par la très grande porte, tandis que pour l’Afrique du Sud, une montagne au moins aussi haute que le Mont Cook, se dresse sur le chemin de la finale. Pas certains que les coéquipiers de Richie McCaw cèdent sous le seul défi physique, un défi donc pour l’Afrique du Sud.
NOUVELLE-ZELANDE vs FRANCE : 62 – 13
Julian Savea marque en puissance en ridiculisant le XV de France
Ce n’est pas le match le plus agréable à résumer, qu’on se le dise. D’autant que, mis à part un flot de louanges à adresser aux coéquipiers de Keven Mealamu, peu de choses à dire sans mettre les pieds dans le plat des maux du rugby français et de la refonte de tout un système obsolète et qui se meurt dans la dérive du professionnalisme, entendu sous le sens du Rugby Business.
Dès lors, je préfère me délecter de la mystification de Brice Dulin par Nehe Milner-Skudder, de la puissance dévastatrice de Julian Savea en mode boule de bowling, du talent et de la classe de Dan Carter, de la roublardise déconcertante mais tellement diabolique de Richard McCaw, de cette paire de centre historique Ma’a Nonu – Conrad Smith qui n’a plus que 2 rencontres à vivre – au grand dam de tout puriste – de la lecture d’un Ben Smith, de l’omniprésence de l’attelage Brodie Rettalick – Sam Whitelock, de la mobylette ultra-mobile Dan Coles, de la démultiplication ou dois-je dire tout simplement, du niveau hors norme de Kieran Rean et Jerome Kaino.
Ben Smith 1 – Louis Picamolles 0
En bref, malgré la faible résistance et le score fleuve, les All Blacks ont rassuré tout leur beau monde, mais doivent s’attendre à une toute autre opposition et à un tout autre match samedi en ½ finale. S’ils ne déjouent pas et ne sont pas dans un mauvais jour, difficile d’envisager une élimination, ni même une perte du trophée Webb Ellis pour ces demi-dieux de l’ovalie.
IRLANDE vs ARGENTINE : 20 – 43
Deux essais pour l’ailier du Racing 92 Juan Imhoff
Ils sont tout simplement exceptionnels ces Argentins et n’ont véritablement pas froid aux yeux. La recette paraît simple : détermination, émotion, entrain, plaisir et volonté de produire du jeu. Pourtant, derrière cette furia patriotique exacerbée, il y a bel et bien un projet défini et parfaitement bien assimilé et maîtrisé par les hommes de Daniel Hourcade. La star c’est l’équipe, et ses composantes pratiquent le jeu avec intelligence. Autour des tauliers Agustin Creevy, J-M Fernandez-Lobbe, Marcos Ayerza, J-M Hernandez, la charnière est à la baguette, que ce soit Martin Landajo ou Tomas Cubelli associé à Nicolas Sanchez, le jeu de l’équipe ne s’en porte pas plus mal. Pour apporter de la fraîcheur et ce supplément de grinta, les acolytes assurent le job et apparaissent aux yeux de tous, pétri de talents ; ce sont les Tomas Lavanini, Facundo Isa, Matias Moroni – lequel a parfaitement supplée Marcelo Bosch – et autre Pablo Matera. Dans le sillage de cet entrain, les feux-follet Juan Imhoff, Santiago Cordero, Joaquin Tuculet font le show, et bien plus. On ne voit pas cette équipe céder sous la pression de l’événement dimanche prochain. Face à une équipe d’Irlande certes amoindrie, les Pumas, comme face aux All Blacks lors de la première journée, ont démontré une capacité et une volonté à vouloir tout gagner, tout prendre tels des morts de faim. Il semble qu’il n’y ait qu’une limite dans l’ascension de cette équipe, elle se nomme Nouvelle-Zélande.
La emoción !!!
Côté Irlandais, la victoire semblait accessible avant le match du fait d’une équipe sûre d’elle et qui sait réciter son rugby sur le bout des doigts. Mais les absences de marque se sont avérées d’une part bien trop préjudiciables, d’autres part, l’Irlande a été trop vite dépassée avec deux essais encaissés dans les 10 premières minutes, et n’a pas su s’adapter au mieux à l’adversaire. Lorsqu’elle ne maîtrise pas le rythme et ne prend pas le match à son compte, l’Irlande s’est montrée friable. Les doublures n’ont par ailleurs pas su faire oublier l’expérience et le charisme des Paul O’Connel, Sean O’Brien, Peter O’Mahony et Jonathan Sexton, qui sont venus s’ajouter rappelons le, au forfait plus tôt dans la compétition de Jared Payne. Malgré l’écart au score, Joe Schmidt regrettera certainement ces absences, mais seule l’inconnue sait ce qu’elle aurait été l’issue de cette rencontre, avec un Trèfle à quatre feuilles et non à trois.
AUSTRALIE vs ECOSSE : 35 – 34
Décevant lors du match, Bernard Foley n’a pas tremblé avant d’inscrire la pénalité de la gagne
Chaud au cul! Passez-moi l’expression, mais je n’ai rien trouvé d’autre de plus adéquat pour décrire la qualification des Wallabies. Car ne faisons pas preuve de mauvaise foi, l’écart pronostiqué avant le match se rapprochait davantage du Nouvelle-Zélande – France que du Pays de Galles – Afrique du Sud. Pourtant, plus faible écart, et c’était la trapinette (expression moscadienne) assurée pour les hommes de Michael Cheika. Devant au score durant la première mi-temps et jusqu’à la pause, l’Écossé a été impressionnante de maîtrise, à l’image de son sélectionneur Vern Cotter, et contrairement à Bernard Foley qui a laissé filer nombre de points au pied durant ce premier acte. Enlisé dans un mano a mano, les Australiens ne paniquent aucunement et réagissent avec expérience lorsqu’il s’agit d’aller inscrire un nouvel essai pour reprendre les devants. Alors que l’issue semblait actée, James Slipper offre sur un plateau l’essai à Mark Bennett qui permet au XV du Chardon de reprendre les devants à 5 minutes du coup de sifflet final. La suite on l’a connaît, et la polémique enfle depuis l’annonce de Wolrd Rugby qui déplore cette pénalité selon eux, qui n’avait pas lieu d’être sifflé au détriment d’une simple mêlée. Qu’importe, Matt Giteau est désigné Man Of The Match pour sa centième, et les Australiens complètent le tableau 100% sudiste des ½ finales. En outre, l’absence de David Pocock est un élément à prendre en compte dans cette difficile victoire de l’Australie. Son leadership, son activité défensive et dans le jeu au sol surtout a énormément manqué aux siens. Dieu sait que son retour se confirme comme une condition sine qua non pour envisager une accession en finale.
Rendez-vous Samedi à 17h00 pour la première ½ finale entre les Blacks et les Boks.