20 jours sans t'écrire. Je n'en pouvais plus. J'étais tellement découragée que je n'étais plus capable de rien. Que veux-tu, on se doute que la guerre durera encore peut-être des années. Que deviendrai-je sans nouvelles. Tu me trouverais changée si tu revenais. La femme de ton parrain va revenir chez elle avec ses enfants. Elle ne voit pas la fin non plus, alors elle préfère rentrer.
Le bombardement continue toujours. Hier il y a eu une grande attaque à la Pompelle. Aussitôt les boches nous ont bombardés et il y a eu beaucoup d'incendies rue de Talleyrand, rue de Vesle, etc. Nos batteries avaient bien tapé. Celle d'au-dessus avait à elle seule envoyé au moins 300 coups.
Le prince de Polignac a été tué il y a un mois, le 25 septembre au combat de Champagne d'une balle à la tête. Il était capitaine et avait la croix de guerre et la légion d'honneur. Il a six petits enfants et en attendait un septième. Ils sont riches mais la peine est la même et eux aussi n'auront plus de père. C'est cette chose-là qui m'a rendu mes idées noires car c'est la même blessure que toi.
Mon pauvre Lou, je sens que je faiblis tous les jours.
Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) - Lettres prêtées par sa petite fille Sylviane JONVAL
De sa plus belle écriture, Sylviane Jonval, de Warmeriville a recopié sur un grand cahier les lettres écrites durant la guerre 14-18 par sa grand-mère Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) à son mari parti au front en août 1914 et tué le 23 septembre de la même année à Autrèches (Oise). Une mort qu'elle a mis plusieurs mois à accepter. Elle lui écrira en effet des lettres jusqu'au 6 mai 1917 (avec une interruption d'un an). Poignant.(Alain Moyat)
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