La pauvreté gagne en intensité. Les plus pauvres sont de plus en plus pauvres. Et les plus riches, de plus en plus riches… Entendez-vous cette petite musique médiatico-mondialisée? Depuis la dernière cession de l’ONU, où les puissants de la planète devaient tirer le bilan des fameux Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), adoptés il y a quinze ans, «la pauvreté recule», nous dit-on à cor et à cri, et plus d’un milliard de personnes seraient sorties de «l’extrême pauvreté». Chacun sait que les critères choisis pour «entrer» ou «sortir» officiellement de la misère sont contestables. La mise en œuvre de ces « objectifs » a certes connu quelques «résultats» –preuve qu’un chemin est possible–, mais surtout d’indéniables échecs dans leur réalisation, notamment en raison de nombreux choix discriminants. Réjouissons-nous quand même? Non. Désolons-nous. Car ces statistiques n’effacent pas le reste – et ce reste continue de nous hanter. Chaque année, six millions d’êtres humains meurent de pauvreté, de malnutrition, de maladies. Une forme de crime contre l’humanité perpétuel que nous regardons passivement, au risque de sombrer dans l’habitude, voire dans une sorte de nihilisme désabusé qui attise la cruauté d’une réalité déjà insupportable. Car jamais le monde n’a produit autant de richesses, jamais ceux qui ont déjà tout n’ont accumulé autant de cash. Lisez bien ceci: 1% des plus riches possèdent plus que 99% de la population mondiale. La richesse comme la pauvreté restent, d’abord et avant tout, le miroir révoltant des inégalités !
Et la France? Parlons-en. Ces six dernières années, plus d’un million de personnes supplémentaires sont passées sous le seuil de pauvreté. Désormais, 8,5 millions de nos concitoyens, près de 14% de la population, vivent avec moins de 900 euros par mois. Conclusion: la pauvreté gagne en intensité. Les plus pauvres sont de plus en plus pauvres. Et les plus riches, de plus en plus riches… Si notre monde vit une période totalement inédite, conjuguant toutes les crises (de civilisation, économico-globalisante, morale, sociale, etc.), les moyens sont pourtant là, à portée de main, afin d’arracher aux ornières du capitalisme un nouveau mode de développement. Qui n’existera jamais sans une réelle et équitable répartition des richesses. [EDITORIAL publié dans l’Humanité du 16 octobre 2015]