J’ai vieilli.
Je ne pensais pas, à 29 ans, tenir le genre de discours qu’aurait une vieille blasée des concerts que presque plus rien n’émeut ou ne surprend (ce qui n’est évidemment pas le cas), mais je crains que ce jour funeste soit arrivé.
Il y avait quelques temps que je n’avais pas clos la saison estivale des festivals avec le Rock Altitude qui a lieu chaque année au Locle. Personnellement, j’adore ce festival! Site sympa, bon public, excellente programmation, autant de raisons qui me poussent à monter régulièrement à plus de 1’000 mètres d’altitude, avec trois pulls, en plein mois d’août.
Cette année, au programme de la 10ème édition: Lofofora. Un groupe français, loin de faire l’unanimité auprès des amateurs de hard, surtout en 2015. Pas grave… «Lofo», c’est le groupe de mes 15 ans, ma Madeleine de Proust, un album et deux concerts mythiques sont inscrits dans ma mémoire sensorielle au même titre que la cuisine de mes grand-mères. Mais, il faut l’avouer, ils ont eu un bon gros passage à vide d’environ dix ans, qui ont eu de grosses répercutions sur leur popularité et mon estime. Lueur d’espoir cette année : un nouvel album, que je trouve pas mal du tout ou mieux, dirons-nous.
Bref, nous voici au Locle avec mon amie de longue date, celle avec qui j’écume les concerts en tous genres depuis plus de 10 ans. La musique est notre trait d’union depuis toujours et Lofo y occupe une place particulière. Le plan : se mettre au premier rang, contre la barrière, «comme à l’époque» (je vous l’ai dit: vieille blasée). Quelques bières et un relent de nostalgie plus tard, nous voici au deuxième rang, oui deuxième car devant nous sont accoudés deux «jeunes», modèle 17 ans et demi, qui n’ont pas daigné réagir à notre redoutable argument: «On est des filles vas-y laisse nous passer s’te plaît»! Pourtant on l’a dit avec le sourire, en étant presque aimables – et sûrement un peu pathétiques. Mais rien à faire, il nous répond qu’il est un fan, lui, se retourne et continue sa partie de Candy Crush en attendant que le concert commence.
Bon. On garde notre calme, le concert va commencer, ça va être cool, ça va bien masser, on va bien se marrer. Et le concert alors, c’était comment? Hé bien, c’était nul. Mais pas parce que le mec chantait mal ou que les musiciens étaient mauvais! C’était nul parce qu’ils n’ont fait que deux anciens morceaux de tout leur set, qu’en fait nous nous sommes rendues compte que le public entier était composé des mêmes individus que ceux qui étaient devant nous, que ça ne massait pas du tout (comprenez par là: pas de coups de coude/boule/genou dans la figure, de compression contre la barrière, de litres d’eau ou de bière dans les cheveux, pas de geulades le poing levé, etc.) mais en même temps, nous aurions probablement râlé si ça avait été trop le cas (ça commence à devenir compliqué). Pour tout dire, nous sommes parties avant la fin, déçues, mais pas si surprises que cela au final.
En bref, je ne suis pas vieille, mais j’ai vieilli. Et à un moment donné, ça fait quand même un peu drôle de ne plus ressentir la même émotion et de ne plus retrouver la même énergie face à un groupe qu’on a tant adoré. Cette soirée m’a laissée un peu perplexe et donné l’impression qu’avec le temps, ce qui me fait réellement apprécier un concert ou non devient beaucoup plus flou ou plutôt, un peu moins simple. Certains me diront simplement que je n’avais qu’à pas aller voir Lofo. C’est vrai quoi, ils ont vieilli eux aussi.
(photo © Rebelradio)