Brace the Wave est le dernier album de Lou Barlow. Six années après le lumineux Goodnight Unknown, l'enfant du rock revenait apaiser les consciences de moult adulescents ce soir d'octobre par l'habile truchement d'une guitare, d'un ukulélé et d'un synthé mollasse. Plus d'une heure et demie de morceaux qui donnaient tous, les uns à la suite des autres, la virile impression de posément s'écouler à travers les sinueuses et graciles courbes de la mélancolie. Ils se ressembleraient presque tous, ces titres, portant pour chacun la même trace d'évidente peine et de fragile espoir, laissant un par un la même vague image d'un ami rassurant. Car, bien évidemment, Lou Barlow, tout le monde le connaît.
Clairement. Lou Barlow, tout le monde le connaît. Dinosaur Jr., Sebadoh, Folk Implosion: tout ces groupes souillons comme salaces sauçant du larsen à tout va. Personne n'omet cela, personne n'ignore sa brillante carrière. Absolument personne. Et pourtant. Quelque chose cloche. Dans l'apparence. Quelque chose ne va pas. Observez un instant, la réponse est claire. Cet enfant est un maléfice hygiénique. Il est impossible de se présenter de la sorte. Faire le rock n'excuse pas tout. Une chemise, certes. Cela vous rend élégant. Attire l'œil, le regard. Vous jouez la séduction. Clairement. Deux chemises : mais qu'est-ce que c'est que ce bordel ? L'une sur l'autre ? Comment voulez-vous ? Comment considérer cette folie ? Putain de merde, mais cela veut dire qu'il transpire doublement ? Ce n'est pas envisageable. Je ne peux pas envisager ce genre de réalité. Je ne veux pas. On n'enfile pas une chemise sur une autre chemise. Diable. C'est élémentaire.
Ce n'est pas tout. L'animal est fort poilu. Cela recouvre son visage. Comment voulez-vous percevoir une quelconque émotion, l'apparence d'une saine constitution sous cette brouillonne muraille de poils qui recouvre son museau... ? C'est pourtant simple : à travers une élégante collection de morceaux touchant sans peine la grâce de ceux qui ont vécu. Lou Barlow est touchant. Il est tendre, doux comme un agneau, laisse pendre quelques histoires, entre chaque morceau, quelques histoires drôles. Seul, il gratte son ukulélé, valorise chaque émotion sur sa guitare, se laisser aller au synthé. Il n'y a rien à redire : il faut mettre en avant le fait équivoque qu'il joue la musique idéale pour une fin de semaine, un dimanche soir d'honorable paresseux. On espère se ressourcer, goûter des chansons qui n'ont pas d'âge, qui semblent s'adresser comme parler à tout le monde. La majorité de son dernier album est jouée, plus, bien évidemment, une paire de titres de ces anciens projets, de Dinosaur Jr. comme de Sebadoh. Fameuse performance de l'américain, toujours aussi prompt lorsqu'il s'agit de sérénader tranquille une assemblée à tête reposée.