Dans l’œuvre de Picasso, la céramique occupe une place particulière, presque confidentielle. Cette discipline du feu et de la terre souffre encore aujourd’hui d’une image moins liée à l’art qu’à l’artisanat. Pourtant, le maître y prenait plaisir. Entré comme apprenti à l’atelier Madoura de Vallauris, Dominique Sassi, qui en deviendra l’un des piliers, travailla avec Picasso pendant vingt ans. Il décide aujourd’hui de livrer ses souvenirs sous un titre bien choisi, Dans l’ombre de Picasso (Hugo Doc, 158 pages, 17 €).
Certes, son style n’est pas celui d’un écrivain, mais qu’importe, puisque tel ne fut pas son métier. En revanche, son témoignage apportera au lecteur une foule d’anecdotes et d’informations précises sur la manière dont le peintre abordait la céramique, support de recherches qui le conduisirent à mettre au point quelques belles trouvailles techniques. Adolescent, Dominique Sassi rêvait de « créer des formes qui n’existaient pas ». Ses souhaits devinrent réalité aux côtés de l’artiste ; entre ses mains de décorateur, passèrent par petites séries chouettes, poulettes, têtes de chèvres, plats, assiettes et carreaux aux motifs de corrida ou aux visages barbus inspirés de la mythologie.
Très tôt, lui vint la bonne idée de consigner ce qu’il voyait et entendait sur des carnets ; cette documentation lui permet d’évoquer jusque dans le détail un créateur proche de ses collaborateurs, passionné par cet art du feu, et un homme certes fantasque, mais assez éloigné de l’image de minotaure qui lui fut souvent attribuée. Plus humain qu’érudit comme beaucoup d’ouvrages de témoins qui n’en sont pas moins précieux, parfois émouvant, notamment lorsqu’il est question de Suzanne Ramié ou de Jacqueline Roque, Dans l’ombre de Picasso permet d’observer le peintre sous un angle jusqu'à présent assez peu exploré.