Le film Straight Outta Compton (Tout Droit Sorti de Compton) sorti le 14 août aux États-Unis, est de ces films qui nous bouleversent au point de rentrer à l'instant dans notre top 10, en l'espace d'une séance. Il est vrai qu'il avait déjà été plébiscité Outre-Atlantique, et que la spectatrice que je suis s'attendait donc un peu à ne pas être déçue. Ce furent 2 heures et demie trépidantes, où à aucun moment le spectateur n'a eu à s'ennuyer.
L'histoire, c'est celle du N.W.A. ou Niggaz Wit Attitude, un groupe de Compton, qui était formé de DR. DRE, EAZY E, ICE CUBE, MC REN et DJ YELLA. Cinq jeunes qui ont révolutionné le monde de la musique en étant les pionniers du Gangsta Rap, en étant aussi (par DR. DRE surtout) les mentors de plusieurs artistes comme Tupac Shakur, Snoop Doggy Dogg (avec le label Death Row), ou encore Eminem.Le film retrace le quotidien des jeunes dans la ville de Compton, dans la banlieue de Los Angeles, en Californie, avec les arrestations outrancières d'une police corrompue et injuste, où les seules armes de ces jeunes étaient leurs textes percutants.L'environnement de Los Angeles est richement retranscrit avec la vie dans les clubs, les familles meurtries, et les substances illicites.Ces cinq jeunes qui débutent pour s'amuser sont loin de s'imaginer qu'ils vont déchaîner un véritable ouragan. La chanson Straight Outta Compton qui sert de titre, est celle qui a propulsé le groupe, issue de l'album du même nom, sorti en 1988. De plus, Fuck the police, chanson écrite par ICE CUBE après une expérience désagréable avec la police, avait été le cri de rassemblement d'une génération qui en avait assez d'être maltraitée et arrêtée en raison de la couleur de sa peau. Cette chanson avait été interdite par le F.B.I, car elle « incitait à la haine » et pouvait pousser à la rébellion.
Le film montre aussi la dissolution du groupe, avec le départ de ICE CUBE, puis de DR. DRE, et les bagarres interposées des anciens compères via des textes, soldées par la chanson No Vaseline de ICE CUBE, qui gagna définitivement le match. Toutefois, l'époque N.W.A. c'est celle où ces jeunes produisaient des textes dans lesquels se reconnaissait toute une génération. Les chansons étaient provocantes mais traduisaient les réalités. Celles-ci rencontrèrent du succès et avec lui les styles de vies des jeunes gens changèrent. Le monde des affaires devint dangereux, initiant les rappeurs à un environnement où l’argent devint presque le mobile. Certains se retrouvèrent emmêlés dans des situations complexes. DR. DRE fonda Death Row Records avec le psychotique Suge Knight. Eazy E, sans doute celui dont l'interprétation dans le film est la plus bouleversante, finit enlisé dans les dettes, et meurt séropositif, après une jeunesse vécue à cent à l'heure. Cependant, on est touché par ce jeune homme qui ne voulait pas être un rappeur, et dont la voix et le visage devinrent l'emblème du groupe. C’est Eazy E, alors que ICE CUBE et DR DRE font leur chemin solo, qui propose de reprendre le N.W.A, c’est lui qui fera l’effort de les rassembler à nouveau, par-delà les conflits, en leader du groupe qu’il avait été et qu’il était finalement resté, avant d’être terrassé par la maladie. Eazy E bouleverse le film, avec sa franchise, son honnêteté, portées à l’écran par le brillantissime Jason Mitchel. Si le fils dudit rappeur Lil’ Eazy E, avait été approché pour le rôle, puis écarté lors des sélections car il n’avait finalement pas été retenu; on ne regrette pas la performance de Jason Mitchel, qui a permis au rappeur de revivre, même si selon le jeune acteur “EAZY E avait une voix incroyable, et c’était un travail très dur” dit-il sur son instagram. La scène de la mort du leader du N.W.A nous bouleverse au point où le film se cristallise finalement sur ce moment, et qui marque définitivement la mort du groupe. Eazy E avait tenu à faire passer à ses fans le message qui suit:« Je sens juste que j'ai des milliers et des milliers de jeunes fans qui doivent encore être informés sur le SIDA. Comme d'autres avant moi, je voudrais juste essayer de tourner cette situation en y apportant quelque chose de bon qui pourra préserver les gens. Parce que je veux les aider à se sauver avant qu'il ne soit trop tard. »Sans doute, la force du film réside dans sa dénonciation d'un système judiciaire qui annihile toute force créative de la jeunesse, en les ridiculisant, en les incarcérant. La police injuste, d’une certaine façon, les oblige à la révolte. La force du film s'appuie aussi sur un scénario magistralement conçu qui a su peaufiner les dialogues, car à plusieurs reprises, on rit, et on pleure aussi. Le film nous fait entrer dans une époque, où l'on voit à l'écran des stars décédés comme Tupac, et même Eazy E et on réalise l'immense hommage qui leur est fait (le film est dédié à EAZY E, comme mentionné à la fin).
De plus, la musique est magistrale, et les textes poignants, percutants. On sent toute la créativité de ces jeunes qui disaient tout sans 'second degré' comme l'aura compris ICE CUBE dans No Vaseline, avec l'affaire Jerry Heller, où il fut accusé d’antisémitisme. Ajoutez à cela des scènes grivoises, et vous avez les raisons d'un succès, qui, avec le meurtre de Ferguson dernièrement, ont résonné dans toute l'Amérique.
Les hommages au film (interdit aux mineurs), affluent en félicitant le jeu des acteurs, dont particulièrement Jason Mitchell en Eazy E et le jeune O'shea Jackson Jr, le fils de ICE CUBE, jouant avec maestria son propre père. Pour ce dernier, le rôle lui a demandé du travail, travail qu’il a pu effectuer pendant deux ans, lors d’auditions. O’Shea Jackson Jr crève l’écran et les spectateurs du film Barbershop reconnaîtront beaucoup du père en lui, dans la ressemblance frappante ainsi que dans le jeu.
Le film a été plébiscité par toute la critique, F. Gary Gray, le réalisateur est déjà courtisé par Hollywood et doit réaliser le prochain Fast and Furious 8 ! A l'heure où j'écris, le biopic a rapporté plus de 160 millions de dollars, détrônant la saga très attendue (et très excellente) Mission Impossible, Rogue Nation. Il est à ce jour le biopic qui a le plus remporté dans l'histoire du cinéma !
Ce qui nous fait dire un GRAND BRAVO, et on attend la possible suite du film avec cette fois, la suite du N.W.A probablement axé avec Aftermath du milliardaire DR. DRE. (la fin du film le laisse entendre).Une des choses qui a sans doute contribué au succès réside peut être dans la présence de ICE CUBE et DR. DRE comme producteurs. Certains parlent d’une vision du film qui magnifie les deux hommes, et nie leurs défauts; surtout le rôle de DR. DRE (campé par Corey Hawkins), plus que parfait dans le film, film qui ne fait pas état de sa violence envers les femmes à une certaine époque; mais se contente de montrer un jeune homme exemplaire, bosseur et réservé. Une ou deux critiques en ce qui concerne la femme noire que je suis, questionne la présence des femmes dans le film. La majorité des femmes sont ultra claires. On se demande à quoi cela est dû. Des rumeurs de castings préférant des femmes très claires pour le film ont fuité. Vraisemblance?Il est vrai que dans la vie la femme de DR. DRE, Nicole, semble blanche. Outre la question de la mélanine, on peut aussi évoquer l’absence d’images relatives aux agressions dont DR. DRE a été accusé sur ses copines dont Dee Barnes qu’il avait tabassé et Michel’le qu’il maltraitait régulièrement. (voir: http://www.slate.fr/story/106869/femmes-ombre-straight-outta-compton)Cette omission sur la violence faite aux femmes est grave et licencieuse et elle témoigne encore du machisme dans le monde de l’entertainment, ou du cinéma. Les femmes sont vues dans S.O.C comme des objets sexuels, et d’ailleurs, on ne leur réserve quasiment que des scènes de sexe; à part Tomica Woods-Wright qui dans le film assiste son mari EAZY E jusqu’à la fin.
Autre point et dernier, les films afro-américains sont souvent réputés très ‘hot’, tant par le langage que par les scènes de sexe, et le film Straight Outta Compton ne déroge pas à la règle où à plusieurs reprises ceux que cela gène encore (la pudeur et l’innocence existent encore) sont forcés de détourner les yeux. On est certes face à une retranscription d’un style de vie qui a existé (DR DRE et ICE CUBE n’ont pas effacé ces faits, donc ils cautionnent cela, et le valident); mais on réalise aussi combien le milieu du cinéma devient ‘hard’ et ne pense peut-être plus à la pudeur, la décence.Hormis toutes ces remarques, le film reste d’une bonne facture, très bonne même; et cela en partie parce que peut-être il met en scène les figures dont on connaît désormais l’ascension, notamment celle de DR. DRE qui a vendu la marque Beats Bye Dre à Apple, dont il est aussi le consultant (Apple a d’ailleurs tenu à disculper son consultant lors des critiques sur l’omission de l’affaire Dee Barnes); et d’ICE CUBE, connu et reconnu en tant qu’acteur et producteur.L’héritage du N.W.A est immense quand on sait l’impact qu’il a eu dans l’univers du gangsta rap, héritage qui tend à se corrompre avec encore une fois une image de la femme comme objet (véhiculée dans les clips), le bling bling (le luxe), et la frime.On peut aussi regretter les mauvaises orientations comme celle de DJ YELLA un des membres du N.W.A qui a été réalisateur et producteur de films adultes. Ce dernier a réalisé et produit au moins 300 films pornographiques. Cette orientation de la carrière de l’ex membre du N.W.A est quelque peu étrange et peut peut-être révéler des manquements financiers (qui l’ont motivé à faire cela), ou un manque de volonté de tenir dans l’industrie musicale (?)
Straight Outta Compton ou S.O.C est entré dans l’histoire du cinéma, et est devenu une légende, ne fut-ce que par l’engouement qu’il a suscité. Le film a été porté dans les médias et les réseaux sociaux, et de nombreuses stars afro-américaines en ont fait l’éloge ou l’ont affiché sur leurs pages instagram ou autres réseaux sociaux: Oprah Winfrey, Magic Johnson, Nicki Minaj, Beyoncé, Lebron James... Et on ne peut qu’être fier d’une telle réussite! On souhaite également une belle vie de carrière aux jeunes acteurs qui entrent avec furie dans le monde du cinéma! Pénélope Zang Mba