Dès la première rencontre avec Bruno Boudjelal dans le quartier Université de Nanterre, les habitants présents ont compris que se dessinait là une chance. Mais aussi le réveil de quelques peines. Ainsi va la mémoire.
Bruno Boudjelal est né en 1961 à Montreuil d’une mère française et d’un père algérien. Un prénom français et un nom algérien. C’est en 1993 qu’il décide d’aller en Algérie, où, parce que photographier dans la rue était dangereux, il mettra en oeuvre une technique particulière : des appareils non professionnels et des cadrages sans regarder dans le viseur. Mais ce qu’il propose à Nanterre en 2015, c’est de sortir et exposer des « paysages du départ », des photos qui évoquent, pour celles et ceux qui les lui confient, des moments d’avant, avant d’arriver ici, avant de partir de là-bas, du pays de naissance.
Plusieurs rencontres, des échanges chargés d’émotions, d’humanité, aboutissent dès le mois de septembre à l’accrochage de photos sur les pignons d’immeubles de la « cité historique », celle des Provinces françaises, en pleine rénovation (depuis de longs mois déjà).
Ce va-et-vient entre passé et présent, cette façon d’inscrire au présent des images du passé redonnent vie à quelque chose que les kilomètres, l’exil, parfois l’impossibilité de raconter l’histoire familiale ont occulté.
Dans cette visite que je fais avec quelques personnes fréquentant le Centre social et culturel « La Traverse », j'entends : - Là, c'est mon papa, c'est la dernière photo que j'ai de lui. - C'est moi, la petite qui tient l'ardoise sur la photo de classe. - Ici, c'est moi quand j'étais jeune, oui... Autant de portraits et de bâtiments, des parents, des frères et soeurs, des gens et des lieux qu'on porte en soi, presque en secret, et qu'on partage enfin.
De plus, les photos sont visibles également dans la vitrine de l’Espace d’Art « La Terrasse », qui donne sur la place Nelson Mandela. Visibilité maximum, dans une exposition plus large intitulée « Lointain proche », inaugurée le 8 octobre, à propos de laquelle j’écrirai un peu plus tard.