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Dans le domaine du traitement du diabète, les sujets de discussion tendent à se centrer sur l’efficacité de l’auto-administration, de la précision des doses d’insuline, sur l’évitement à court terme de la lipohypertrophie et des complications de santé à long terme résultant de l’imprécision des doses administrées. Cependant, depuis la publication de la directive européenne sur la prévention des blessures dues à des objets tranchants1, et de la date limite de sa mise en application fixée au mois de mai 2013 dans tous les pays de l’Union Européenne, l’attention se focalise actuellement sur les consignes de sécurité et les mesures de protection du personnel soignant à respecter au moment de l’acte d’injection des traitements aux patients.Les spécialistes du diabète sont-ils des personnes à risque ? Et prennent-ils plus de risque ou moins de risque que leurs collègues occupant d’autres fonctions dans le domaine de la santé ? La réponse à cette question requière une perception objective de la situation. Il ressort de notre expérience que de fausses hypothèses à propos des risques de blessure par piqûre d’aiguille (BPA) et d’infection dans le cadre du traitement du diabète sont souvent objet de conversations avec les organismes sanitaires. Ce court article passe en revue les idées fausses les plus communément répandues, et fournit des arguments impartiaux pour les réfuter.Mythe Numéro Un : les malades diabétiques ont moins de probabilité d’être atteints par des virus dangereux que les personnes de la population généraleCela est faux. Les personnes atteintes par le diabète se situent à un niveau au moins équivalent à celui de la population générale, sinon plus élevé. Selon une étude2, de l’ADN viral de l’hépatite B (VHB) a été décelé chez 11% des patients diabétiques type 2, en comparaison des 3% de sujets atteints dans la population contrôle, ce qui représente une différence significative sur un plan statistique. De ce fait, les spécialistes dans le domaine travaillant dans ce groupe devraient donc présenter plus de risques - sur ce plan - de contracter une infection en se blessant par piqûre d’aiguille que ceux travaillant avec des patients à injecter appartenant à la population générale. Le contrôle du risque reposant sur le fait qu’une proportion élevée de professionnels de santé en contact avec des patients diabétiques sont vaccinés contre le VHB reste insuffisant. De fait, la proportion des professionnels de santé couverts par la vaccination est loin d’être à 100%3 ; et même, les personnes vaccinées peuvent ne pas être totalement protégées, du fait de la diminution des titres en anticorps protecteurs avec le temps. De plus, il y a encore bien d’autres virus dangereux (comme le VIH, le virus de l’hépatite C (VHC)) contre lesquels il n’existe pas de vaccin. Lorsque l’on considère le risque de manière plus générale, il fait prendre en compte que ce sont plus de 30 maladies virales transmissibles par BPA - avec le VHC et le VIH pour les plus dangereux - ; et dont la prévalence parmi les personnes atteintes de diabète est plus élevée que la prévalence du VHC4 ou égale à celle du VIH5 dans la population générale. Mythe Numéro Deux : il n’y a pas autant de BPAs lorsque l’on injecte des patients diabétiques à l’aide d’aiguilles spécifiques, des aiguilles plus petites présentent moins de risque d’infection, la prophylaxie empêche les infections, et, de toute façon, les aiguilles d’injection utilisées chez les patients diabétiques ainsi que les dispositifs d’injection ne peuvent pas être contaminéesEn fait, la situation se situe très exactement à l’opposé. Les BPAs provoquées par aiguilles ou seringues, comptent, chez les diabétiques, parmi les blessures aigües les plus fréquentes en environnement médical6. De fait, il n’existe aucune branche de la médecine où le risque de BPA soit faible ou nul. De plus, la plupart des personnes atteintes de diabète sous traitement dans un service de médecine interne sont celles qui présentent le risque le plus élevé de BPA. D’aucuns ont pu remarquer que les diabétiques utilisent des aiguilles d’injection de petite dimension, qui, du fait même de leur taille, seraient censées ne représenter qu’un faible risque de blessure. Là encore, on passe à côté de l’essentiel. En fonction, les stylos à injection aspirent des cellules humaines, qui se retrouvent dans la cartouche de produit à injecter. Ces cellules, potentiellement infectées, se retrouvent stockées dans la lumière de l’aiguille, pouvant ainsi être accidentellement en cas de BPA. De la même façon, les aiguilles à l’usage des diabétiques peuvent présenter des traces de sang. Les petites dimensions des aiguilles à l’usage des diabétiques ne réduisent pas le risque. Il suffit d’une infime quantité de sang pour transmettre le VHB ou le VHC ; il vaut donc la peine de se pencher sur des notions mathématiques simples pour évaluer le nombre de personnes pouvant potentiellement être infectées par le sang contenu dans une aiguille creuse. Le volume moyen inoculé lors d’une blessure provoquée par une aiguille de calibre 22 est approximativement de 1.0 – 2.0 μL7, pouvant contenir une dose infectieuse de virus à diffusion hématogène. La charge virale d’un millilitre de sang infecté peut s’élever jusqu’à environ un milliard (109) de particules virales, pour ce qui est de HBV8. À supposer qu’une charge virale classique soit d’environ 10 millions (107) particules par millilitre de sang infecté, cela correspondrait à une charge virale de 10 000 particules virales par μL. Cela est suffisant pour contaminer un grand nombre de personnes avec le HBV. La charge en HCV est moins élevée, mais toutefois suffisante pour faire un grand nombre de victimes. Si nous traduisons le risque en termes de contaminations concrètes, cela conduit à des faits réellement préoccupants, avec des études montrant des séroconversions du VHC s’échelonnant entre une et deux pour cent événements de BPAs (expositions percutanées).Quel est l’impact de la prophylaxie chez les personnes qui ont malheureusement subi une BVA, et l’infection qui en a résulté ? Certainement, les derniers médicaments prophylactiques peuvent empêcher une séroconversion. Cependant, il existe cette « heure d’or » au cours de laquelle une action d’urgence peut être efficacement entreprise. De plus, même si l’on reçoit un traitement prophylactique, on ne peut empêcher certains effets indésirables de la thérapie - non seulement physiques, mais aussi professionnels et psychologiques. Les personnes affectées sont conduites à changer leurs habitudes de travail, et vivre une période prolongée de stress extrême avant de savoir si elles ont contracté ou non une infection menaçant leur vie10. De même, certains changements doivent intervenir dans d’autres domaines comme la sexualité, mettant la vie familiale et relationnelle sous pression. Mythe numéro trois : les diabétiques encapuchonnent leurs aiguilles d’injection et les jettent dans les poubelles qui leur sont destinées ; il n’existe pas d’aiguilles de sécurité pour le traitement du diabète ; les nouvelles directives édictées par l’Union Européenne relatives à la prévention contre les lésions par aiguilles n’ont pas pris le traitement du diabète en considérationC’est une erreur de croire que les personnes diabétiques suivent scrupuleusement les procédures d’élimination des déchets, en encapuchonnant leurs aiguilles et en les jetant dans des réceptacles qui leur sont destinées. De fait, une étude11 a montré que seulement 33% des aiguilles usagées sont jetées dans des containers prévus à cet effet. 12% d’entre elles finissent dans une bouteille ou un emballage carton vide, et 46% d’entre elles vont directement à la poubelle après encapuchonnage, et il en est de même pour 3% d’entre elles, qui s’y retrouvent sans même être encapuchonnées. Indépendamment de l’élimination sûre des aiguilles, il y a maintenant un nombre important de dispositifs médicaux de fabrication sûre sur le marché, comprenant des dispositifs actifs (où le fourreau est activé manuellement par l’utilisateur) ou passifs (où l’aiguille se rétracte automatiquement après usage). Un grand nombre de personnes n’en connaissent même pas l’existence. Beaucoup d’études12,13 ont montré que les BPAs voient leur fréquence baisser considérablement lorsque des dispositifs médicaux de sécurité sont utilisés. Le coût paraît souvent rebutant pour les organisations, toutefois, un rapide examen des études 14, 15, 16sur le sujet révèle que la prévention des blessures mène à un excellent retour sur investissement, notamment en atténuant les risques juridiques, réglementaires, financiers, ainsi qu’en matière de réputation des traitements. Finalement, la Directive Européenne et la législation associée qui est maintenant entrée en vigueur, stipule spécifiquement que quel que soit le risque encouru de blessures par piqûre d’aiguille, les utilisateurs ainsi que tous les professionnels de santé doivent être protégés par les mesures de précaution adéquates, notamment l’usage de dispositifs médicaux incluant des mécanismes de protection sûrs17.En conclusion, le traitement des personnes diabétiques ne devrait, logiquement, pas faire exception dans le suivi des pratiques les plus sûres. Les diabétiques présentent le même risque, voire un risque supérieur, de contamination par des virus dangereux. Qui plus est, la fréquence des blessures par aiguilles est plus élevée que la norme lors du traitement des patients diabétiques, que ces blessures représentent une source importante de possibles infections malgré la taille réduite des aiguilles à l’usage des diabétiques ; l’introduction des dispositifs médicaux de sûreté très faciles à trouver a montré sont efficacité pour ce qui est de réduire les risques de blessure et d’infection.Depuis mai 2013, une directive de l'Union Européenne a rendu obligatoire l'utilisation de dispositifs médicaux de sécurité, dans toutes les situations présentant des risques significatifs de blessures et d'infections par piqûres d'aiguilles. Beaucoup d'organismes de santé de l'Union Européenne ont introduit ces dispositifs de sécurité repectant la législation nouvelle. Il est formellement conseillé à tous les organismes ne l'ayant pas encore implémentée de le faire, afin d'éviter des dommages sur les plans financier, juridique, réglementaire, sur la réputation, et, par dessus tout, sur le plan humain. Dr. Kenneth Strauss, Endocrinologist and Director of Safety in Medicine, European Medical Association, and Global Medical Director, Becton Dickinson (BD), Communication Courte, Texte Intégral, dans Actualités Scientifiques – Médicales, publication en ligne en avant-première, 19 octobre 2015
Références :
1 Council Directive 2010/32/EU, Official Journal of the European Union, L134/71http://eurlex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2010:134:0066:0072:EN:PDF2 Demir M, Serin E, Göktürk S, Ozturk NA, Kulaksizoglu S, Ylmaz U. The prevalence of occult hepatitis B virus infection in type 2 diabetes mellitus patients. Eur J Gastroenterol Hepatol. 2008 Jul;20(7):668-73.
3 De Schryver A, Claesen B, Meheus A, van Sprundel M, François G., Department of Epidemiology and Social Medicine, University of Antwerp, Antwerp, Belgium. European survey of hepatitis B vaccination policies for healthcare workers., Eur J Public Health. 2010 Sep4 Simó R, Hernández C, Genescà J, Jardí R, Mesa J. High prevalence of hepatitis C virus infection in diabetic patients. Diabetes Care. 1996 Sep;19(9):998-1000.
5 Mondy K, Overton ET, Grubb J, Tong S, Seyfried W, Powderly W, Yarasheski K. Metabolic syndrome in HIV-infected patients from an urban, midwestern US outpatient population. Clin Infect Dis. 2007 Mar 1;44(5):726-34. Epub 2007 Jan 22.6 Phillippe Kiss, MD; Merc de Meester, MD; Lutgart Braeckman, MD, PhD; Needlestick Injuries in Nursing Homes: The Prominent Role of Insulin Pens, Infection Control and Hospital Epidemiology, December 2008, Vol.29, No.12
7 Mondy K, Overton ET, Grubb J, Tong S, Seyfried W, Powderly W, Yarasheski K . Metabolic syndrome in HIV-infected patients from an urban, midwestern US outpatient population. Clin Infect Dis. 2007 Mar 1;44(5):726-34. Epub 2007 Jan 22.8 Public Health Agency of Canadahttp://www.phac-aspc.gc.ca/msds-ftss/msds76e-eng.php9 UK Occupational bloodborne Virus report, November 2008
10 See, for instance, Nursing Times, Why we must stop needlesick injuries, 3 October 200611 Journal of Diabetes, 2 (2010) 168-17912 Adams D, Elliott TS. Impact of safety needle devices on occupationally acquired needlestick injuries: a four-year prospective study, J Hosp Infect 2006;64:50-5.
13 Jagger J et al. The impact of U.S. policies to protect healthcare workers from bloodborne pathogens: The critical role of safety-engineered devices, Journal of Infection and Public Health (2008) 1, 62—71.14 Armadans Gil L, Fernandez Cano MI, Albero Andres I, Angles Mellado ML, Sanchez Garcia JM, Campins Marti M, Vaque Rafart J. [Safety-engineered devices to prevent percutaneous injuries: cost-effectiveness analysis on prevention of high-risk exposure] Gac Sanit 2006 Sep-Oct;20(5):374-81.http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/1704064615 Anna H. Glenngard ;Ulf Persson, Costs associated with sharps injuries in the Swedish health care setting and potential cost savings from needle-stick prevention devices with needle and syringe Scandinavian Journal of Infectious Diseases, Volume 41, Issue 4 2009 , pages 296 – 302.http://informahealthcare.com/doi/abs/10.1080/0036554090278023216 HS Scotland, Needlestick Injuries; Sharpen your Awareness, Annex 3, Safer Devices Cost Benefit Assessment.http://www.sehd.scot.nhs.uk/publications/nisa/nisa-13.htm17 Council Directive 2010/32/EU, Official Journal of the European Union, L134/71http://eurlex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2010:134:0066:0072:EN:PDFTraduction et adaptation: NZ