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Adoptabilité des enfants et respect du droit de la vie familiale de la mère

Publié le 18 octobre 2015 par Elisa Viganotti @Elisa_Viganotti

Adoptabilité des enfants et respect du droit de la vie familiale de la mèreCEDH, 4ème Section, S.H. c. Italie, Requête n°52557/14, 13 octobre 2015Madame S.H. est une ressortissante italienne née en 1984 et résidant à Sacile, mère de trois enfants, R., P. et J. nés respectivement en 2005, 2006 et 2008.
Elle reproche aux autorités italiennes d’avoir déclaré l’adoptabilité de ses enfants alors qu’il n’existait aucune situation d’abandon en l’espèce, mais seulement des difficultés familiales transitoires, liées à sa pathologie dépressive et à l’interruption de sa cohabitation avec le père des enfants, difficultés qui pouvaient être surmontées avec la mise en place d’un parcours de soutien avec l’aide des services sociaux.Madame SH souligne que les juridictions internes ont coupé tout lien avec ses enfants alors que l’expertise avait établi que d’autres mesures visant à sauvegarder le lien familial pouvaient être adoptées et de ce fait elle estime que les autorités internes ont manqué à leur obligation positive de déployer tous les efforts nécessaires afin de sauvegarder le lien parents-enfants, inhérent à l’article 8 de la Convention.La Cour note que l’expert commis par le tribunal avait envisagé un parcours de rapprochement parents-enfants, avec une intensification des rencontres et un réexamen de la situation après six mois. La solution proposée se fondait sur l’existence de liens affectifs forts parents-enfants, ainsi que sur l’évaluation globalement positive de la capacité des parents d’exercer leur rôle et sur leur disposition à collaborer avec les services sociaux. La Cour remarque que l’expertise en question fut déposée au greffe le 13 janvier 2011 et c’est seulement deux mois après, à savoir le 1er mars 2011, que le tribunal, contrairement aux indications de l’expert, a déclaré les enfants adoptables et ordonné l’interruption des rencontres. La décision de couper de manière immédiate et définitive le lien maternel a par conséquent été prise très rapidement, sans aucune analyse attentive de l’incidence de la mesure d’adoption sur les personnes concernées et en dépit des dispositions de la loi italienne selon lesquelles la déclaration d’adoptabilité doit rester l’extrema ratio. De ce fait, le tribunal, en refusant de prendre en considération d’autres solutions moins radicales praticables en l’espèce, telles que le projet de soutien familial envisagé par l’expertise, a écarté définitivement toute possibilité pour le projet d’aboutir et pour Madame SH de renouer des liens avec ses enfants (§ 47).
Or, à la différence d’autres affaires que la Cour a eu l’occasion d’examiner, les enfants de Madame SH n’avaient pas été exposés à une situation de violence ou de maltraitance physique ni à des abus sexuels.En réalité, la procédure de déclaration d’adoptabilité des enfants a été ouverte uniquement en raison de l’aggravation de la maladie de Madame SH, qui avait conduit à son hospitalisation, et de la dégradation de la situation familiale, par suite de la séparation de corps du couple parental.La Cour doute toutefois du caractère adéquat de l’intervention choisie et estime que les autorités nationales n’ont pas suffisamment œuvré afin de sauvegarder le lien mère-enfants. Elle observe en effet que d’autres solutions étaient praticables, telles que celles envisagées par l’expert et notamment la mise en place d’une assistance sociale ciblée de nature à permettre de surmonter les difficultés liées à l’état de santé de Madame SH, en préservant le lien familial tout en assurant la protection de l’intérêt supérieur des enfants (§ 53).Eu égard à ces considérations et nonobstant la marge d’appréciation de l’État en la matière, la Cour conclut que les autorités italiennes, en envisageant que la seule rupture définitive et irréversible du lien familial, alors que d’autres solutions visant à sauvegarder à la fois l’intérêt des enfants et le lien familial étaient praticables en l’espèce, n’ont pas déployé des efforts adéquats et suffisants pour faire respecter le droit de la requérante à vivre avec ses enfants, méconnaissant ainsi son droit au respect de la vie familiale, garanti par l’article 8 de la Convention. Il y a donc eu violation de cette disposition. (§ 56).
Préjudice moral : 32 000 €. Rejet de la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Pour aller plus loin :Arrêt SH contre Italie +Viganotti Elisa Avocat de la famille internationaleAdoptabilité des enfants et respect du droit de la vie familiale de la mère
 

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