Paru dans libération du 9 octobre 2015
LES RENDEZ-VOUS DE L'HISTOIRE
Enseignement de l'Afrique à l'école, un oubli coupable
Par Jean-Pierre Chrétien, Historien et Pierre Boilley , Professeur d’histoire de l’Afrique contemporaine à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, Institut des mondes africains —Dans le nord du Kenya.Photo Siegfried Modola. Reuters
L'apprentissage des civilisations de l’Afrique en classe de 5e a été discrètement retirée des programmes. Oubli ou nouveau repli vers le «roman national»?
- Enseignement de l'Afrique à l'école, un oubli coupable
Une exigence intellectuelle
Aujourd’hui ce même obscurantisme est donc de retour. Il ne s’agit pas de remettre en cause la priorité de l’enseignement de l’histoire de notre pays dans les collèges, mais, à une époque où, plus que jamais, la connexion avec les autres parties du monde est essentielle dans la compréhension de cette histoire, il s’agit d’ouvrir les esprits à cette réalité. Un impératif moral, diront certains, mais d’abord une exigence intellectuelle. L’Afrique en particulier est à nos portes, les Africains sont dans notre histoire. Comment comprendre la rupture dramatique causée par la traite des esclaves, comment comprendre le sens des interventions coloniales, si l’on ignore tout de l’histoire qui les a précédées !Ce ne sont pas seulement les enfants d’origine africaine, nombreux dans nos classes, qui méritent de connaître les aspects les plus brillants du passé de leurs ancêtres, mais tous les élèves si on veut leur éviter l’étroitesse de vues, les préjugés et les retombées d’un racisme hélas toujours vivace. Ce sont donc les valeurs si souvent avancées de «la République» qui sont en cause. Mais surtout c’est le respect de la discipline historique faite d’héritages et de ruptures, mais aussi, à chaque époque, de connexions, proches ou lointaines, qui est en jeu.Le retrait de la question d’histoire africaine en classe de 5e résonne comme un signal de repliement, d’ignorance et de mépris. Les responsables de la rédaction de ces programmes doivent reprendre leurs esprits, ne pas se laisser intimider par des préjugés d’un autre âge et rectifier cet étrange «oubli».Jean-Pierre Chrétien Historien ,Pierre Boilley Professeur d’histoire de l’Afrique contemporaine à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, Institut des mondes africains