Ce dimanche 11 octobre 2015, nous avons eu la chance de pouvoir assister à l’avant-première de En mai fais ce qu’il te plaît, dernier long-métrage de Christian Carion, l’auteur de Joyeux Noël. Après la guerre des tranchés, la meurtrière et fratricide première guerre mondiale, le réalisateur et scénariste s’attaque à la seconde guerre mondiale du côté civil en suivant l’exode éprouvant des populations françaises pendant la défaite française de 1940.
Fuyant l’invasion allemande, les habitants d’un petit village du Nord-Pas-De-Calais partent sur les routes pour se mettre à l’abri des exactions. Parmi eux se trouve un petit allemand, Max (Joshio Marlon) dont le père, Hans (August Diehl), résistant au régime nazi, a été emprisonné à Arras pour avoir menti sur sa nationalité. Libéré sous les bombardements, il fait équipe avec un soldat écossais, Percy (Matthew Rhys) séparé de son contingent pour retrouver son fils.
Suzanne (Alice Isaaz que l’on avait vu dans l’immonde La crème de la crème et dans Fiston) et Max (Joshio Marlon)Nouveau manifeste de la part de Christian Carion pour la paix entre les peuples, En mai fais ce qu’il te plaît s’attache davantage à décrire les moments de solidarité que les combats. Ceux-là ne sont mis en scène que pour en décrire froidement l’horreur et l’absurdité. D’autant plus qu’il s’agit ici de montrer les crimes de guerre nazis envers les populations civiles. Sorte de mise en abîme, Carion met subtilement en scène un réalisateur de propagande nazie, Arriflex (Thomas Schmauser) qui croise plusieurs fois la route du convoi. De cette manière, il signe quasiment un manifeste. Le cinéma peut-être politique et doit être porteur d’idée. A la barbarie, le cinéma moderne doit opposer la fraternité. En ces temps où la plus grosse radicalisation sociétale n’est pas là où l’on croit mais certainement dans les appartements proprets de français plus blanc que blanc, il est plus que nécessaire de faire œuvre de mémoire sur les ravages des idéologies d’extrème-droite. Chose rare, En mai fais ce qu’il te plaît a d’ailleurs le bon goût de mettre en lumière, le sacrifice des bataillons de tirailleurs sénégalais. Dans l’une comme l’autre des guerres mondiales, où se sont enrichis impunément tous les grands groupes industriels, les autochtones des colonies ont payés le prix fort pour défendre la France.
Mado (Mathilde Seigner) et Paul (Olivier Gourmet)Porté par la musique d’Ennio Morricone, En mai fais ce qu’il te plaît réussit, sans tomber dans le sentimentalisme mièvre, à faire de chaque scène un moment d’intense émotion. Soit parce que les moments d’entraide nous émeuvent, soit parce que la détresse des personnages nous fait trésaille dans les tréfonds de nos êtres comme des souffrances pouvant être profondément intimes. Nous doutons fortement qu’En mai fais ce qu’il te plaît ne parvienne pas à vous tirer même la plus petite larme de joie ou de tristesse. D’un côté, il y a les bombardements et la peur de croiser les troupes allemandes, avec leur lot de massacre et de tragédies. D’un autre côté, et c’est sûrement ce qui a retenu le plus notre attention, il flotte comme le spectre d’une paix ratée, au-delà des nations. Emblématique, une scène regroupant Hans, Percy et un agriculteur du coin joué par Laurent Gerra (avouons-le, très à l’aise dans son rôle, contre toute attente) illustre l’essentiel. Un allemand, un écossais et un français échange leurs souvenirs de la guerre de 14-18, celle dont on disait « plus jamais ça ». Un rendez-vous raté avec l’histoire dont nous ne sommes pas sur d’avoir définitivement compris les leçons.
Hans (August Diehl), Percy (Matthew Rhys) et Albert (Laurent Gerra)En mai fais ce qu’il te plaît sortira le 4 novembre 2015. Pour les passionnés d’histoire et pour les autres, cette fresque sachant allier grande histoire et petites histoires devrait convaincre un large public. L’émotion affleure partout et Carion délivre un message dont on ne cessera jamais de répéter l’inlassable nécessité à tous les va-t-en-guerre et à tous les nostalgiques de l’État Français. Ces guerres ne sont pas les nôtres, nous n’aspirons qu’à vivre en paix avec nos semblables.
Boeringer Rémy
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