S'interrogeant sur les bibliothèques et leurs propriétaires, Jacques Bonnet propose ici un petit traité sur l'art d'aimer les livres et les problèmes qui en découlent : comment classer ses livres, comment vivre parmi eux, quels rapports entretenir avec les personnages sont autant de questions qui émergent dans ces pages et interrogent le lecteur sur ses propres pratiques.
J'avais adoré La bibliothèque, la nuit d'Alberto Manguel, découvert alors que je préparais mon concours et j'ai voulu revenir sur ces questions de bibliothéconomie et de pratiques de lecteur. Cet essai m'en a donné la possibilité et j'ai éprouvé du plaisir à sa lecture. Moins fouillé et approfondi que l'essai de Manguel, il complète parfaitement cette lecture en proposant une analyse personnelle de l'auteur sur les bibliothèques et les pratiques qui découlent de la lecture. Le style est fluide et très accessible pour quiconque a envie de se pencher sur la question et permet de rentrer facilement dans le raisonnement de Pierre Bonnet. Pour ma part, et parce que j'aime particulièrement les essais traitant des livres et de la lecture - déformation professionnelle - j'ai passé un agréable moment en compagnie des fantômes des bibliothèques évoquées par Pierre Bonnet et j'ai apprécié son hommage aux livres.
"Les livres sont coûteux à l'achat, ne valent rien à la revente, sont hors de prix lorsqu'il faut les retrouver une fois épuisés, sont lourds à porter, prennent la poussière, craignent l'humidité et les souris, sont à partir d'une certaine quantité quasi impossibles à déménager, nécessitent un classement précis pour pouvoir être utilisés et, surtout, dévorent l'espace." (p.16)
"Je m'aperçus après un certain temps que les livres n'étaient pas simplement un moyen d'évasion salutaire mais qu'ils contenaient aussi les outils permettant de décrypter la réalité environnante." (p.21)
"Or la lecture démultiplie notre réalité forcément limitée, et nous permet de pénétrer les époques éloignées, les coutumes étrangères, les coeurs, les esprits, les motivations humaines, etc." (p.35)
"Avec l'écriture, et donc la lecture, l'homme n'a pas effectué un saut culturel simplement quantitatif, il a mentalement changé d'échelle." (p.59)
"Le nom d'un livre lu (conquis ?) n'a plus rien à voir avec ce qu'il représentait auparavant. Le livre va ensuite vivre sa propre vie dans notre mémoire. Il va, souvent, tomber dans l'oubli. Mais il arrive aussi qu'il se développe de manière autonome, que l'intrigue se transforme, que la fin n'ait plus rien à voir avec celle écrite par l'auteur, que sa longueur se modifie radicalement." (p.62)
"Les destructions volontaires et systématiques de livres ont été innombrables dans l'histoire et ont, presque toujours, annoncé ou accompagné la persécution de leurs lecteurs potentiels." (p.128)