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Mad Max - Fury Road

Par Tepepa
Mad Max - Fury Road


Je me souviens encore des critiques Télérama des Mad Max dans les années 80, elles évoquaient des films affreux, véritables éloges de la laideur et puits sans fin de violence gratuite et d'auto-défense coupable. Dans les années 90, ces films commençaient à être réhabilités, je vis alors Mad Max 2 et j'aimai franchement cette course de camion incroyable, ce monde anarchique et violent, ce nouveau terrain de jeu propre à renouveler l'univers du western spaghetti. Mad Max alors, c'était le top du culte, encore que je trouvais déjà que le premier avait beaucoup vieilli. Aujourd'hui, je n'ai même pas voulu revoir la trilogie avant de voir ce quatrième opus, de peur que ces films accusent leur âge et leur budget, de peur qu'ils soient ringardisés par Miller lui-même.

Pourtant, le cinéaste australien a juste fait ce dont tout le monde rêvait : prendre la course de camion de Mad Max 2, et l'étirer littéralement sur tout un film, sans prétendre à autre chose qu'à ça. A part une séquence de 10 minutes à partir de 1h 14m et 27s où il ne se passe plus rien et pendant laquelle on se fait royalement chier, ce n'est que action, action et action. Les véhicules les plus improbables se coursent les uns derrières les autres, les personnages sautent sans arrêt des bagnoles aux camions et vice versa, certains perchés sur d'immenses bambous flexibles, au milieu des motos qui virevoltent et balancent des cocktails molotov à tout va et provoquent des accidents spectaculaires. En bref, du Mad Max pur jus, pendant deux heures, le tout agrémenté de péripéties plus classiques : bastons, véhicules ensablés, tempête extra-solaire. Bien sûr, Miller déploie dans ses plus grandes largeurs son bestiaire déjà bien développé il y a trente ans: difformités monstrueuses, que ce soit chez les puissants ou chez les exclus, colosses gigantesques et guerriers grimés, scarifiés et tatoués. Les peaux sont tendues et desséchées, les pustules et les ganglions de toute sorte déforment leurs silhouettes. Ces exacerbations de cour des miracles portent tous des costumes extravagants faits de bric et de broc, selon une industrie de récupération à grande échelle, qui donnent au monde de Miller sa poésie du pittoresque si chère aux aficionados du western spaghetti. Les habitants de la petite géographie Millerienne sont tous des guerriers intrépides, bravant en permanence le danger, aucun ne semble avoir peur de la mort,on les voit tous éviter les divers objets contondants qui les menacent à chaque instant par simple instinct de survie, mais pas par peur de la mort. Les femmes sont à l'avenant, en premier lieu, bien sûr, Furiosa qui se couvre de peintures de guerre à la graisse de moyeu pour ne pas que l'on discerne sa fragilité dans son regard ; jusqu'à ces femmes pondeuses, qui, bien que constituant, par leurs seules silhouettes longilignes de mannequins des années 90, une première faute de goût de ce film au demeurant très réussi, n'en deviennent pas moins elle même des guerrières affrontant tous les dangers car c'est tout simplement le monde dans lequel elles vivent.

Depuis le premier opus, bien de l'eau a coulé sous les ponts dans le petit musée des horreurs cinématographiques. Miller ne tente pas de surenchérir dans le nauséabond et le malsain, il essaye au contraire de sublimer son univers qui a été décliné ad nauseam depuis trente ans. Les séquences glauques sont minimalistes, les morts violentes et gores sont filmées hors champ pour la plupart. La vie de Mad Max reste violente, mais elle apparaît moins cruelle que dans les premiers opus où l'on n'hésitait pas à crucifier ou à violer à la cantonade. Dans Fury road, les prisonniers sont - relativement - bien traités, les femmes sont des objets mais ne semblent pas titiller l'appétit masculin plus que ça, et par ailleurs, années prudes obligent, vous ne verrez pas un bout de sein à l'horizon.
Miller se concentre uniquement sur l'incessant ballet des véhicules qui ondulent au fil des dunes et s'applique à mettre en scène des accidents les plus spectaculaires possibles. Il y arrive fort bien, refusant dans la plupart des cas la facilité du tout numérique, et réussissant à rendre crédibles la plupart des effets spéciaux, là où d'autres auraient accouché d'une infâme bouillie numérique - c'est une franche réussite à ce niveau là, à une ou deux exceptions près toutefois, dont la séquence de la tempête dans son intégralité, qui, tout en étant assez belle visuellement, est assez ratée sur le plan de la pure vraisemblance technique ; le personnage Nux regardant, en extase, les avatars numériques de ses potes emportés dans les tourmentes pixelisées, comme un gamer qui se repasserait le replay de ses prouesses sur son jeu favori. Mais à part ça, tout ce qui se casse se casse de fort belle manière, et la scène de l'autoroute de Matrix Reloaded, souvent citée en exemple et que moi-même j'avais appréciée, vient, avec la sortie de ce Mad Max, de repasser de la section Cinéma à la section GTA.
Pour le reste, c'est du Mad Max très réussi, les scènes d'action sont très efficaces narrativement, puisqu'on suit en général plusieurs personnages évoluant de part et d'autre du convoi, parfois sur plusieurs véhicules à la fois, sans jamais que l'on ne perde le fil ni que l'on soit sorti de la scène par un effet raté ou une invraisemblance criante. C'est du cinéma d'action à l'ancienne, mais porté à son paroxysme, sans effet d'accéléré, sans découpage brutal et illisible, avec suffisamment peu de ralentis pour ne pas couper le rythme si exigeant d'une séquence réussie. Mad Max Fury Road donne l'impression de reprendre là où Speed ou Die Hard 3 s'étaient arrêté et de faire oublier des années de maelstrom fatigants tels que Transformers ou Pirates des Caraïbes. On n'en ressort pas épuisés comme dans ces actioners récents, pour preuve je l'ai revu une deuxième fois immédiatement après la première, juste pour savourer le montage et le rythme, juste pour retrouver le plaisir de l’enchaînement des séquences.
Pour autant, Mad Max est loin d'être un grand film, il ne véhicule rien d'autre que de l'adrénaline, il dispose d'un personnage principal incroyablement mou et sans une once de charisme, au point que j'aurais largement préféré Mel Gibson dans le rôle malgré son âge, plutôt que cet ersatz sans âme et gras du menton. Furiosa, jouée par Charlize Theron est effectivement largement plus intéressante, mais ce ne sont certes pas les dialogues de ce film - qui n'a pas dû coûter cher en doubleurs - qui révèlent le plus sa personnalité. Ce sont les non-dits, les silences et les regards qui permettent au spectateur de lui façonner une histoire, un vécu et un capital sympathie intéressant. Bref, c'est le spectateur qui travaille le plus pour combler les manques narratifs, et finalement c'est aussi bien comme ça. Même si le film fourmille de petits détails bien sentis (le volant en tant qu'objet de culte à part entière, le chrome sur les dents, ce moment surréaliste où les belligérants crachent de l'essence dans leurs moteurs pour aller plus vite), il peut parfois donner l'impression d'aller trop loin dans le portnawak (le guitariste métalleux navrant à l'avant de l'une des voitures) ou nous saouler avec les visions répétitives de Max qui perturbent le récit au lieu de donner la profondeur voulue au personnage. On constate que le film manque également singulièrement d'humour, à part quand Max récupère tous les flingues planqués dans le camion, qui n'est qu'une redite du début du troisième opus.  Tous ces petits loupés parasitent le film, pas au point de faire faiblir sa locomotive principale, la vitesse, mais ce sont bien des parasites dans un film qui aurait presque pu être un film concept du film d'action à l'état pur. On pourrait imaginer un Mad Max 5 qui démarre directement par la poursuite, sans scènes d'introduction, sans explications préalables de qui poursuit qui et pourquoi. La poursuite, les combats et les péripéties se poursuivraient sans aucun dialogue autre que purement fonctionnel, pas de pause introspective, rien pour venir perturber l'action pure. Les tenants et les aboutissants de la poursuite se révéleraient d'eux mêmes au fur et à mesure des moments de bravoure qui iraient crescendo vers un feu d'artifice final où l'on comprendrait naturellement le fin mot de l'histoire, sans avoir eu besoin d'un seul temps mort. 
On aurait alors vraiment un pur film d'action, quand les films d'action dont on dit qu'ils sont des "purs films d'action" sont en général bavard à 60%. Mais par pitié, trouvez un autre acteur pour Max!

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