Du 1er au 31 octobre, en ouverture de la saison de Tropiques Atrium Scène nationale et de l’hommage à Suzanne Roussi, trois artistes, Agnès Brézéphin, Raphaëlle Hayot , Sophie Jean-Paul partagent avec le public leur « rencontre » avec Suzanne Roussi Césaire.
« Lettre à Suzanne » fut l’occasion pour nous de chercher dans nos vies, nos émotions des points de résonances avec ce personnage singulier. Découvrir un peu plus Suzanne Roussi à ce moment-là de nos vies ; ce fut confronter sa parole à notre réalité, de Martiniquaises, de Caribéennes, de mères, de compagnes, d’amies, d’artistes au travail… Sentir l’énergie folle de son engagement à travers ses mots. S’éblouir de sa poésie. Recevoir le tranchant de son discours. Entendre la femme sans compromis qui écrit de tout son être. Ce fut une belle rencontre, une de celles qui bousculent le quotidien, à nous de la faire vivre.
En collectant des photos anciennes, Agnès a reconstitué des alliances, des ensembles de personnes unies par des fils qui se font, se défont sous la couleur velours, l’encre noire, l’aiguille et les motifs-cachettes. En créant les liens qui les unissent, elle place l’homme et la femme dans des jeux de déséquilibre et d’actions contradictoires. Elle interroge les enjeux de domination dans le couple par la vanité, la place de l’objet-souvenir, les symboles d’une union d’apparence. L’homme est figé, statique ; la femme devient armure, s’enveloppe de couleurs fortes et protectrices, se vêt d’ouvrages sensibles et délicats.
Raphaëlle utilise la force de la presse de gravure pour faire se rencontrer ses personnages sur le papier. L’être choisi, la femme qui porte un enfant, l’homme en attente, le groupe en marche ; tous ses personnages de papiers fins, s’animent et se lient dans l’estampe. En superposant la couleur, le trait et l’empreinte du carborundum, elle crée à chaque tirage l’occasion unique d’une nouvelle histoire. La narration s’inscrit dans les interactions, les rencontres, le geste qui fait sens, l’attitude signifiante des corps. Il s’y dit parfois un bonheur inquiet, un empressement à aller vers l’autre, un cheminement discret mais affirmé parmi la foule.
Sophie imagine une forêt d’Absalon bien à elle, magnifiant ce moment crucial de la vie de Suzanne Roussi qui fut sa rencontre avec André Breton et le surréalisme. La forêt devient merveilleuse, onirique, elle l’anime de femmes qui ont compté dans sa vie, par le dessin, le trait fort ou léger. Le travail de la bichromie en sérigraphie sublime son trait sans repentir. Dans le dessin elle cherche par le motif, l’équilibre, la densité et la répétition. La femme devient végétale, sa peau se couvre d’une écorce qui la rend à la fois forte et cachée.
Agnès Brézéphin, Raphaëlle Hayot et Sophie Jean-Paul.