Depuis le 12 octobre, date de l’incident, de nombreux médias en France et à l’étranger relatent l’événement : Nikita Bellucci (@nikitabelluccix ), actrice de films « pour adultes » fait le buzz suite à un échange plus que vif sur Twitter avec la compagnie aérienne Transavia (@transaviaFR), ou plutôt avec l’un de ses community managers.
Malgré l’engouement des média, il faut malheureusement constater que la plupart ne font que relater l’échange, probablement compte tenu de l’activité professionnelle de l’actrice, sans mettre en lumière ce qui pourtant est au cœur du problème : nous assistons en fait à une relation entre une entreprise et l’une de ses clientes, rien de plus. Et ce qui devrait être au centre des articles ne devrait pas tant porter sur la qualité de la jeune femme que sur la faute professionnelle commise par le community manager. Après tout, les médias qui ne mettent pas en avant l’erreur du salarié se comportent finalement comme ce dernier en minimisant le problème et en focalisant sur l’actrice.
Retour sur l’origine de l’incident
A l’origine de l’affaire, une jeune femme qui, s’adresse à une compagnie aérienne via Twitter pour obtenir une réponse qu’elle n’arrive pas obtenir par ailleurs.
Utiliser Twitter ou tout autre moyen mis à disposition pour entrer en contact avec une entreprise afin d’obtenir un renseignement est aujourd’hui tout à fait habituel. Les entreprises ont d’ailleurs bien compris qu’elles avaient tout intérêt à proposer différents leviers de communication que les clients choisiront d’actionner en fonction de l’urgence de la situation et du délai de réponse escompté.
Si certaines entreprises proposent à leurs clients de les contacter par Twitter, cela répond normalement à une volonté d’apporter un service de qualité adapté à certaines situations, notamment celle de l’urgence.
Maheureusement, trop d’entreprises proposent ce genre de service sans pour autant être en mesure de l’assurer réellement. Certaines proposent ce que j’appelle « un faux service Twiter ». C’est-à-dire que l’on va permettre aux clients d’adresser des questions, et celles-ci seront redirigées dans le processus ‘standard’ qui bien souvent est à l’origine de la réclamation. Trop rares sont encore les entreprises qui assureront via Twitter un véritable service au client, en terme d’aide et de résolution de problèmes. Sans compter les entreprises qui ne prendront pas la peine de répondre…
Qu’en est-il de la promesse d’un service client via Twitter ?
Une étude d’ Eptica début 2015, « Les marques françaises et l’expérience omnicanal en ligne », confirme cet état de fait :
- 59% seulement des questions posées via Twitter à une entreprise obtiennent une réponse. Si un effort est nécessaire sur la prise de conscience de l’importance d’assurer la promesse du service, 2 autres aspects doivent également être améliorés.
- Le délai de réponse est également un problème par rapport à l’instantanéité de l’outil : 51% des réponses sont faites dans les 24 heures et 45% dans les 4 heures. Trop lent pour un levier en temps réel.
- Mais cela pourrait encore être acceptable si la pertinence de la réponse était irréprochable. Or, les résultats de cette étude sont catastrophiques. Seules 58% des réponses sont pertinentes, et ce chiffre est en baisse de 10% par rapport à l’année précédente.
Professionnaliser le Community Management des entreprises
Si la question posée à la Compagnie était légitime, la réponse apportée n’est absolument pas celle qu’elle aurait dû être.
Imaginons la même question adressée par courrier ou par email. La Compagnie se serait-elle autorisée ce type de réponse ? Certainement pas.
Alors pourquoi se permettre cela sur Twitter ?
Cette volonté de tourner en dérision et de dédramatiser une situation avec l’humour n’était absolument pas justifiée. Un client pose une question, il attend en retour une réponse, qui plus est, professionnelle.
Cette erreur dans la gestion de la réponse est une nouvelle preuve du manque de professionnalisme de certaines organisations concernant l’utilisation des réseaux sociaux. Tout ne doit pas être ‘fun’ et drôle parce-que l’on échange sur des réseaux sociaux. Si une entreprise fait le choix d’intégrer ces outils de communication, elle devra porter une attention particulière aux risques de débordements facilités par la rapidité de traitement.
Aurait-on répondu de la même façon à une personnalité politique ou toute autre personne publique ?
Doit-on s’attendre à un niveau de réponse en fonction de notre notoriété ou de notre activité professionnelle ?
Les clients doivent pouvoir attendre un traitement identique et équitable pour tous ; quel que soit le moyen utilisé pour entrer en relation. A fortiori, en cas d’échanges publics comme c’est le cas sur les réseaux sociaux, toute référence personnelle au client doit être prohibée.
Pour être efficace, le community management doit donc répondre à des règles strictes :
- Organisation interne et définition d’un processus de traitement des échanges
- Délai de réponse
- Qualité de réponse
- Ligne éditoriale stricte par rapport à l’objectif du compte Twitter et de l’audience ciblée
- Ton à utiliser (n’oublions pas que l’on s’exprime au ,pm de l’entreprise)
- Autonomie laissée au Community Manager, notamment dans le maniement de l’humour
- Processus d’escalade
- Et enfin, ne pas chercher à ‘faire’ le buzz mais à apporter un service de qualité aux clients. La satisfaction des clients impactera positivement l’image de l’entreprise et permettra de convaincre de nouvelles personnes de devenir clientes à leur tour.
N’oublions pas le principe du 1-9-90 : au sein d’une Communauté, 90% des membres sont inactifs mais seront influencés par les actions de 10% d’entre-eux. La réponse du Community Manager, si elle n’est pas satisfaisante pour la cliente, donne en plus une perception négative de la façon dont l’entreprise gère les questions et les remarques à un nombre beaucoup plus important de personnes.
L’entreprise devra donc veiller à ce que les réponses apportées soient de qualité, objectives et factuelles. Montrer de l’empathie est nécessaire pour prouver la bonne volonté et maintenir le lien nécessaire à la fidélisation de ses clients. Un client peut être déçu d’un service mais sera d’autant plus conciliant qu’il aura la preuve que l’entreprise a par ailleurs compris son problème et tenté d’y apporter une solution.
Dans le cas présent, l’image de l’entreprise s’en trouve forcément dégradée. Les réactions amusées de certains concernant la réponse faite initialement à cette cliente ne sont basées que sur l’image qu’ils se font de l’activité professionnelle de cette personne. Quelle serait leur réaction s’il s’agissait d’un client anonyme, ou mieux encore, s’il s’agissait d’eux-mêmes. Il y a fort à parier que dans ce cas, la réponse de l’entreprise n’aurait pas été jugée correcte.
Savoir gérer l’erreur pour le bien du client et de son image
L’entreprise a compris que la réponse adressée à cette cliente n’apportait aucun bénéfice à l’image de l’entreprise et assume l’erreur en reconnaissant le dérapage. C’est une première étape indispensable vis-à-vis de la cliente et des « 90% » qui regardent comment l’entreprise gère les relations avec ses clients.
On voit combien une erreur de communication avec des leviers d’une extrême visibilité peuvent produire d’effets négatifs.
- image donnée
- intervention officielle et recadrage
- énergie nécessaire pour rétablir la confiance de la cliente
- indemnisation financière éventuelle
Depuis, la réaction justifiée de la cliente montre à quel point l’entreprise va devoir renouveler d’efforts pour rétablir la situation vis à vis d’elle et au-delà.
Il faut rappeler que la bonne gestion de la communication au travers des réseaux sociaux a notamment pour but de donner une meilleure image de l’entreprise, pas de contribuer à sa détérioration.
Cet exemple supplémentaire d’erreur de gestion dans le community management montre à quel point cette fonction doit se professionnaliser et être encadrée par des règles sérieuses et indispensables dans le cadre de la communication d’entreprise.