... Car on oublie de dire que s'il est un gosse de Manhattan fasciné par sa ville et qu'il aime la raconter, il n'a jamais vraiment travaillé pour les majors Hollywoodiennes. Que s'il a fait parti du courant des années 70 qu'on identifie sous le terme " New Hollywood " il ne s'est jamais plié à la politique des studios parce que trop indépendant, trop maître de son œuvre qu'il a toujours tenu à contrôler du début à la fin. Aujourd'hui il fait appel à des mécènes pour garder sa liberté (des mécènes !!! En 2015 !!! Quand on s'appelle Scorsese !!!).
On oublie de dire que s'il a fait des films qui ont " marché ", voire même " bien marché", il n'a jamais cartonné, pulvérisé les records du nombre d'entrée, jamais fait de films " grand public ", même avec des têtes d'affiche. Scorsese fait son cinéma, sans concession, et aucun de ses films (y compris les premiers, y compris les courts métrages que l'on fait à vingt ans quand on est influençable) ne ressemblent à des films déjà fait avant. Scorsese a dès le début développé son propre style. Il a les références, il est cinéphile, il a bouffé de la pellicule en veux-tu en voilà encore, il connaît tous les cinémas et tous les courants cinématographiques du monde, mais il n'a jamais essayé de ressembler à... de faire un film à la manière de... (Vous pourrez d'ailleurs le voir s'en amuser dans le jouissif The key to Reserva, film marketing réalisé pour une marque de Champagne, en se prenant pour Alfred Hitchcock à qui il voue il véritable culte).
On oublie de dire que si De Niro et DiCaprio ont permis à Scorsese d'obtenir des succès populaires, ils n'ont jamais été aussi bons et marquants que dirigé par lui et que cela a permis à leur carrière respective de décoller, de se relancer ou tout simplement d'évoluer. Véritable complicité comme il en existe régulièrement au cinéma c'est vrai, mais qui ne comptabilise même pas (en ressemblant les films tournés avec De Niro et les films tournés avec DiCaprio) la moitié de l'œuvre réalisée par Scorsese. Celui que l'on nomme Marty n'a pas besoin de ses " doubles " estampillés Stars pour s'exprimer ou tout simplement exister.
On oublie de dire que ses films sur les truands ne sont pas de simples histoires de gangsters mais qu'ils lui permettent de réunir, de traiter et de transposer tous les thèmes qui lui sont chers : la famille et ses codes sacrées dont il ne faut pas sortir sous peine de se faire taper sur les doigts, la fratrie (de sang ou pas) où l'un doit toujours prendre soin de l'autre jusqu'à en assumer les fautes ou en subir les mauvaises actions et dont il ne peut souvent s'émanciper qu'en passant par la case trahison, le sacrifice façon religion qui mène à la rédemption.
On oublie de dire que trop d'artistes s'obstinent à mettre en scène la violence, le sexe, la drogue et la décadence sans y parvenir et que de savoir le faire demeure l'apanage des plus grands.
On oublie de dire que quand on a une filmographie qui compte des réalisations aussi diverses que Alice n'habite plus ici, La couleur de l'argent, La dernière tentation du Christ, Hugo Cabret, New York, New York, Raging bull, Shutter Island, La valse des pantins, Le loup de Wall Street ou Casino, on cesse de faire du cinéma de genre pour devenir soi-même un genre à part entière.