La grande muraille verte: ralentir la désertification au coeur de l’Afrique

Publié le 16 octobre 2015 par Erwan Pianezza

Crédit Photo : Unesco Green Citizen / Cahen / Sipa

11 pays de la région du Sahel et du Sahara (Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Soudan, Tchad, Niger, Nigeria, Mali, Burkina Faso, Mauritanie et Sénégal) se sont unis pour mener un projet ambitieux, destiné à lutter contre la désertification : planter une barrière d’arbres qui traverserait l’Afrique du Nord d’Ouest en Est, du Sénégal à Djibouti. Cette grande muraille verte, entamée en 2010 et dont l’échéance est fixée à 2025, prévoit de relier Dakar à Djibouti sur une longueur de 7700 km environ et sur une largeur de 15 km.   

S’entendre sur l’idée de désertification

Selon Jean-Marc Sinnassamy, spécialiste de l’environnement travaillant pour le programme  Global Environment Facility de la Banque Mondiale : « nous ne combattons pas le désert ». En effet, dans la plupart des pays concernés, le désert n’avance pas ou peu, comme au Sénégal, en Mauritanie et au Nigéria. Mais d’un point de vue géographique, le Sahara est depuis longtemps relativement stable.

La grande muraille verte ne combat donc pas une avancée du désert qui n’a pas vraiment lieu; elle est en réalité destinée à lutter contre la dégradation et à l’appauvrissement des terres : c’est en ce sens qu’il faut comprendre la notion de désertification.

La dégradation des sols : une origine naturelle et humaine

Si les sols s’appauvrissent, c’est bien évidemment en partie à cause de la sécheresse qui sévit dans la région. Les effets du changement climatique se sont fait sentir par des saisons des pluies plus aléatoires ces dernières années. Mais c’est surtout l’action des hommes qui fragilise l’environnement : le surpâturage, par exemple, ne fait qu’aggraver une situation déjà préoccupante, en accentuant la diminution de végétation.

Comment ça marche ?

La présence d’une couverture végétale a  pour effet de réduire l’érosion des sols et de favoriser l’infiltration des eaux de pluie, de restructurer les sols dégradés et ainsi d’enrayer la dégradation des ressources naturelles, la baisse des productions agricoles et une situation d’insécurité alimentaire.

Evidemment, s’il s’agit d’un défi écologique, ce n’est pas non plus projet irraisonné : les espèces végétales sélectionnées sont des espèces endogènes, capables de s’adapter à un climat semi-aride. Pour exemple, les 10 000 dattiers plantés pendant 6 ans au Sénégal, de manière à reconstituer une végétation et aussi à offrir une source durable de revenus et d’alimentation pour les populations.

Impliquer les populations locales

Pour encourager la fertilité des terres, il n’est pas suffisant de planter un rideau d’arbres. L’idée est certes séduisante, mais sans implication de la population locale, elle ne vaut pas grand-chose. L’objectif final est bien d’arriver à une gestion durable des ressources naturelles. Pour ce faire, la population locale doit être investie et formée pour entretenir ses terres. Toujours au Sénégal, plusieurs actions éducatives ont été mises en place, notamment à l’école où les enfants apprennent l’importance de leur environnement. Mais si l’exemple sénégalais est souvent brandi pour donner une vision optimiste du projet,  il n’en est pas de même pour tous les autres pays concernés. Pour Patrice Burger, directeur du CARI (Centre d’action et de réalisation internationale) et représentant des ONG au sein de la Convention de la lutte contre la désertification de l’ONU, interrogé au moment du 3ème sommet des chefs d’états africains de la grande muraille verte le 27 juillet dernier : si la plantation de cette grande muraille verte ne permet pas une amélioration des conditions de vie des populations, elle n’a plus lieu d’être. Il faut donc que cette initiative intègre des activités comme le pastoralisme qui permettent aux gens de vivre chez eux. Et pour que le projet soit viable, chaque pays doit l’adapter à son territoire.

Où en est le projet aujourd’hui ?

Le 3ème sommet des chefs d’états africains s’est tenu en Mauritanie, le 27 juillet 2015. Le bilan du premier plan quinquennal (2011-2015) est plutôt mitigé et les objectifs sont loin d’être atteints. La mise en œuvre du projet n’est pas concluante dans l’ensemble des pays. Il faut dire que les obstacles sont nombreux : situation politique instable dans certains pays comme au Mali qui a vu surgir des mouvements fondamentalistes, problèmes financiers nationaux et internationaux.

Malgré certaines actions concrètes de reboisement, les avancées restent minimes et les populations locales n’y voient pas toujours leur intérêt.  Le succès de ce projet ambitieux dépend donc de l’implication de l’Afrique et des autres pays qui doivent l’aider à se prendre en main. Selon Patrice Burger, cela va même plus loin : il s’agit d’une situation d’urgence : « Il n’y a pas d’autre alternative. Ou alors de ces régions, on estime qu’en 2050 il pourrait en sortir 45 millions de migrants. Il faut savoir ce que l’on veut : soit on est capable de prendre les taureaux par les cornes, d’agir sur le terrain et d’offrir un minimum d’avenir à ces populations, soit il faut d’ores et déjà préparer leur venue dans tous les ailleurs où bien sûr personne ne les attend ». Pour Patrice Burger, « il faut résolument y croire et c’est peut-être de l’intensité de cette résolution que se trouve la solution ».

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