L’Arsenal : havre de paix méconnu

Publié le 15 octobre 2015 par Jebeurrematartine @jbmtleblog

A l’occasion de la dernière journée du Patrimoine – un événement dont nous, peuple de la culture, nous réjouissons tout particulièrement – nous avons eu la chance de pénétrer les entrailles de la prestigieuse et pourtant méconnue bibliothèque de l’Arsenal. A deux pas de la Garde républicaine, avec laquelle elle partage le bâtiment historique, se cache un havre de tranquillité investi de nombreux trésors. Bibliothèque de pointe dans son domaine, l’Arsenal a su conserver son prestige au fil des siècles. Alors, poussiéreuses nos bibliothèques ? 

Salle de lecture – Bibliothèque de l’Arsenal © Photo : Agathe Torres

A l’origine, l’Arsenal était un immense bâtiment qui occupait tout le pâté de maison entre la Seine et la Bastille. Fondé par Louis XII, il s’adossait à la muraille de Charles V. Dès lors, tous ses résidents furent les nobles porteurs de la fonction de Grand maître de l’artillerie : s’y succèdent le duc de Sully – ministre d’Henri IV -, puis le duc de la Meilleraye – qui y fait construire l’impressionnant salon Louis XIII -, ou encore le duc du Maine – fils de Louis XIV et de la Montespan. 

C’est avec l’arrivée du marquis de Paulmy en 1756 que le bâtiment de Boffrand se transforme en écrin de collections. Ce dernier inaugure les tout débuts de la bibliothèque – qui n’est alors ouverte qu’aux érudits – en rassemblant une impressionnante collections d’ouvrages rares. Puis, la Révolution passe par là : en 1793, l’Arsenal devient la Bibliothèque nationale littéraire et tous les ouvrages précieux récupérés par les révolutionnaires vont y converger : de quoi concevoir un fond extraordinaire.

Au XIXe siècle, l’Arsenal devient un foyer ardent de la vie culturelle : le tout Paris se presse aux salons littéraires organisés par Charles Nodier, qui a pris la direction de l’institution : Alexandre Dumas, Ingres, Gérard de Nerval ou encore Huysmans feront partie, entre autres, de ces privilégiés. Voilà pour l’Histoire. 

Aujourd’hui, c’est un département singulier de la Bibliothèque Nationale. Absorbée par la BNF en 1934, la bibliothèque reste la demeure incontournable de la littérature française du Moyen-Âge jusqu’à l’époque moderne. Dépôt légal de toutes les publications littéraires, elle conserve, non seulement toutes les parutions, mais également d’impressionnants chefs-d’oeuvre sur ses étagères : près d’un million de volumes imprimés y sont réunis et les quelques 1 500 manuscrits médiévaux en font la deuxième plus grande collection de manuscrits en France. Et c’est sans compter sur plusieurs centaines d’incunables (les premiers manuscrits imprimés), près de 100 000 estampes, 15 000 manuscrits, partitions de musiques etc.  

Et pas que de vieilles choses à l’Arsenal. Le bâtiment conserve un exemplaire de chaque ouvrage littéraire publié, et récupère par exemple chaque année un spécimen des travaux des élèves de l’Ecole Estienne, ce qui permet à l’institution de se continuer à enrichir ses collections, essentielles pour l’histoire de l’art et de la littérature. 

Parlons mobilier désormais. Le bâtiment ancien a été très bien conservé et il cache des surprises pour son visiteur curieux. Les amateurs du Paris historique notamment y trouveront sûrement délectation, avec le salon de musique, daté de Louis XIV, et surtout les appartements de la duchesse de la Meilleraye, dont les magnifiques décors sont dans un exceptionnel bon état. Mention spéciale à la galerie des Femmes Fortes qui a été l’élue de notre coeur ; avec ce défilé de noms célèbres et évocateurs de femmes puissantes ou exemplaires, on se dit que le féminisme après tout, c’était déjà quelque chose au XVIIIe siècle.

Dernière évocation peut-être, qui nous a été soufflée par notre visite lors des Journées du patrimoine. Celle-ci se clôturait par la présentation d’un atelier de restauration des livres anciens. Si l’activité est moins populaire dans les média que la restauration des peintures des Temps Modernes, elle n’en est pas moins intéressante, loin s’en faut. L’atelier était l’occasion de la mise en lumière d’un art délicat et spécialisé, indissociable de la pratique bibliothéconomie et dont l’existence est essentielle à la conservation d’un patrimoine littéraire français phénoménal.  

Atelier restauration – Bibliothèque de l’Arsenal © Photo : Agathe Torres

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L’Arsenal – Bibliothèque Nationale de France
1, rue de Sully, Paris 11ème 
Salle de lecture sur inscription ouverte du lundi au vendredi de 10h à 18h et le samedi de 10h à 17h.
Visites : tous les mercredi et samedi, sur réservation au 01.53.79.49.49, 3€


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