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Chère « Diaspora » africaine, rentrer au bercail n’est pas une dette.

Publié le 15 octobre 2015 par Maybachcarter

Etre moins présente sur Twitter aura au moins pour mérite de m’avoir fait retrouver les chemins du blogging lol. J’en profite pour faire quelques petites mises au point ça et là.

Par la force des choses, je réalise que je deviens progressivement malgré moi une espèce de madonne médiatique quand il faut parler du retour en Afrique. Cela fait plusieurs mois que j’enchaîne les sollicitations de différents organes de média sur la question, de Médiapart à RFI ou encore plus récemment, Le Point Afrique. Si je suis reconnaissante bien sûr que des plateformes ayant pignon sur rue se penchent sur mon histoire/parcours, je tiens clairement à rappeler que ce n’est que cela, justement, MON histoire, MON parcours. Comme je l’ai précisé dans mon précédent post sur la question des femmes, l’essentiel pour moi est vraiment de penser à SOI en priorité, et non en fonction de ce qui est tendance. Faire comme tout le monde en matière de mode ou de préférences musicales, ça va. Mais appliquer ça à des choix de vie, c’est tout sauf recommandé.

Sur le sujet du retour en Afrique, je ne pense absolument pas que tous les africains devraient le faire. On ne peut pas prendre des histoires individuelles, les mettre dans le même sac et dire aux gens concernés ce qu’ils ont à faire ou non. Les raisons qu’une personne ou que ses parents ont eu d’immigrer sont variées, nombreuses et souvent complexes. Tout comme sont les raisons que certains ont de ne pas vouloir « rentrer », que ce soit plus tard ou même jamais. A commencer par ma propre famille… il y a des gens comme moi qui ont pris leur sac à dos et sont partis d’Europe, tout comme j’ai des cousins qui même pour tout l’or du monde ne remettraient jamais les pieds au Cameroun, tant ils sont écoeurés par leur propre pays d’origine pour des raisons qui leur sont propres.

Est-ce que quelqu’un qui a failli mourir à cause d’un système de santé défectueux dans son pays d’origine va se forcer à quitter un pays européen où les soins sont de bien meilleure qualité ? Est-ce que quelqu’un dont le seul emploi permet de faire vivre une famille au pays va tout claquer pour la simple possibilité de pouvoir dire « je suis rentré au bercail » ? Est-ce que quelqu’un qui a toujours dû vivre son orientation sexuelle dans la peur et le déni va abandonner (sans y être forcé) la petite tranquillité qu’il/Elle a pu acquérir ailleurs..par patriotisme ? Est-ce qu’un étudiant dont les parents se sont saignés une vie entière pour qu’il fasse les meilleures écoles va tout lâcher et assumer la déception parentale ?

Je pourrais continuer longtemps comme ça, il y a autant de raisons de rentrer en Afrique qu’il y en a d’en partir (quand on en a les moyens), ça dépend vraiment de l’angle d’approche. J’ai trouvé mon épanouissement ici, mais selon un agencement de choses et un contexte qui correspondait à ce que je cherchais…Et qui ne serait sûrement pas pertinent ou intéressant pour quelqu’un d’autre.  Dans mon interview pour Le Point Afrique justement , j’ai dit à un moment (mais ça n’a pas été publié…) que la question du « Je repars ou je reste » pour les gens de la diaspora, c’est très simple en fin de compte et ça tient en une formule: « Il faut choisir ses emmerdes ». Ou plus précisément, évaluer le type d’emmerdes que l’on a envie d’affronter au quotidien:

« Vivre dans un état de droit, mais être tout le temps discriminé à cause de ses origines » ou « Etre chez soi mais devoir monnayer/corrompre en permanence même quand ça n’a pas lieu d’être » ? « 

« Bénéficier des allocations pour les enfants mais galérer pour les faire garder » ou « Devoir tout payer soi-même mais n’avoir aucun souci de crèche ou de nounou » ?

« Etre dans un cadre où pullulent les structures de financement de start-up mais faire face à un marché saturé » ou « Se lancer dans l’entrepreneuriat sans Business Angel dans les alentours, avec de multiples barrières à l’entrée mais de plus grandes marges en cas de réussite car le terrain est vierge et il n’y a aucun concurrent » ?

« Avoir l’eau et l’électricité en permanence mais ne pas pouvoir épargner car le loyer et les impôts absorbent les 3/4 de sa paie » ou « Subir les coupures, les mauvaises routes, mais avoir un train de vie qui permet de mettre des sous de côté » ?

Là encore, c’est déclinable à l’infini. Les raisons varient en fonction des ambitions, responsabilités et personnalités. Pour ma part, je l’ai déjà dit, j’avais à la fois des raisons personnelles et professionnelles de partir et je ne regrette pas mon choix. Mais maintenant que je suis là, je réalise vraiment que ce n’est pas fait pour tout le monde. Certaines choses du quotidien ici qui ne me dérangent pas spécialement seraient probablement un cauchemar pour d’autres. C’est pourquoi je considère qu’il n’y a pas de « bonnes » ou « mauvaises » raisons de partir ou rester. Si quelqu’un ne veut plus avoir à gérer la chaleur/les moustiques et qu’il préfère le climat anglais ou canadien, même si ça semble futile ou dérisoire, c’est vraiment son droit le plus absolu.

Peut-être que les « Repats » donnent l’impression de l’extérieur que c’est facile de rentrer. C’est même fort probable, mais l’on ne sait pas dans quelles conditions ni sur qui/quoi comptent ceux qui rentrent en Afrique. Chacun son parachute doré, sa voie de secours et ses moyens de repli au cas où ça tourne mal. Pour ma part, l’Afrique est le continent par essence du pragmatisme. Là où il faut un plan A et B, ici, faut en prévoir un C, D, E, F, voire tout l’alphabet. Ce type d’environnement n’est donc pas fait pour tout le monde. Cela ne veut pas pour autant dire que ceux qui font le choix de rester là où ils sont seraient des traîtres/lâches. Oui, ce continent manque cruellement de cerveaux formés à l’étranger/aux standards internationaux, on s’en rend compte très vite quand on évolue dans certains corps de métiers ici. Mais pour autant, je suis vraiment contre le fait de fustiger ceux qui restent de l’autre côté, tout comme d’ailleurs, je suis (forcément) contre ceux qui pensent que rentrer en Afrique est une solution de facilité. A nouveau, choix personnels ou replis stratégiques en fonction de ses ambitions personnelles/son carnet d’adresses, il n’y a pas de honte à avoir.

Donc. Ne vous sentez pas coupable si vous n’avez pas envie de rentrer ou que vous ne vous en sentez pas capable, ce n’est ni une course, ni un concours. Si vous n’en êtes pas profondément convaincu(e), je conseillerai d’attendre et de bien évaluer si vous gagnez au change. Et pour finir, quitte à me répéter, je raconte mon histoire et mon parcours parce qu’on m’interroge dessus et que ça ne me pose pas de problème de partager mon expérience,  je ne suis pas en train de vouloir convaincre la planète entière que tous les africains de la diaspora doivent tout abandonner pour revenir en Afrique. Ce ne serait rendre service à personne que de faire cela.


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