Deux expositions pour le prix d'une seule !
Le Petit-Palais présente à la fois l'oeuvre immense d'un des plus grands créateurs d'estampes du XIXème siècle, l'art japonais de l'ukiyo-e, et l'art de la gravure fantastique française, en noir et blanc, en vogue à cette époque romantique qui est aussi celle d'Eugène Delacroix ... Cependant, si l'art du Japon est celui d'un pays qui s'ouvre enfin à la modernité dans la couleur et le mouvement, la présentation des estampes visionnaires européennes sonne le glas d'une époque qui se replie dans le rêve ou plutôt le cauchemar.
Vous connaissez mon addiction pour l'estampe japonaise, et c'est du maître Kiniyoshi que je vous parle aujourd'hui, d'autant plus que le circuit de l'exposition commence par lui.
Utagawa Kuniyoshi (1797 - 1861) est un presque exact contemporain de Hiroshige (1797 - 1858), mon artiste japonais préféré. Mais Kuniyoshi se spécialise plutôt dans les images de personnages plutôt que de paysages. Il excelle dans les images de héros et de guerriers historiques, couverts de tatouages effrayants et souvent percés de flèches, chevauchant des animaux fantastiques.
Il illustre évidemment l'histoire des 47 ronins (samouraïs en chômage), avec une prédilection pour les scènes en version "panoramique" : Il s'agit de la juxtaposition de trois images au format "oban", dont chacune est à prendre en elle-même mais la mise côte-à-côte (39 x 79,5 cm) représente une scène complète.
On reste médusé devant la richesse graphique, les coloris harmonieux (bleu de Prusse, rouge briqué, toutes les nuances de gris ...) et une surface presque complètement utilisée, avec une rapidité de mouvement qui, naturellement, nous évoque l'origine des mangas contemporains.
Pour Kuniyoshi - acteur majeur d'un art populaire - tout change jusqu'à une lubie du shogunat : en 1842, la réforme Tenpo impose une censure visant à faire régner la morale traditionnelle dans le monde des arts. On interdit les portraits de courtisanes, de geishas, d'acteurs. Qu'importe : Kuniyoshi se lance dans la caricature, avec des animaux fantastiques et plus spécialement des chats dont il rafolle ...
J'adore en particulier cette image où l'on voit les clients-chats qui choisissent leur fille-chat patientant en beaux atours, visibles à travers un treillage de bois, dans le quartier chaud d'Edo.
L'exposition est superbe, une découverte dans mon univers d'amateur d'estampe japonaise, celle d'un maître plein d'humour et de talent ... Un délicieux voyage au pays du soleil levant !
Kuniyoshi, le démon de l'estampe, au Petit Palais jusqu'au 17 janvier - fermé le lundi, à partir de 10 heures - 10€ pour les 2 expositions.