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Entre le bâton et la vaseline, les É-U hésitent

Publié le 12 mai 2008 par Mercure

L’économie des États-Unis prend de plus en plus la forme d’une peau de chagrin, car elle rétrécit à vue d’œil. Il devient donc impératif que le gouvernement de ce pays bouge, et qu’il trouve des solutions rapides et efficaces pour redresser la barre. Mais peut-il en trouver et les appliquer ? En existe-t-il seulement une ?
George Bush et Henry Paulson, son secrétariat au trésor, renouvellent de temps à autre leur proclamation pour un dollar fort, mais cela ne l’empêche pas de baisser continuellement. Il ne faut pas en effet se leurrer sur sa bonne tenue apparente, car elle est essentiellement due aux apports des fonds souverains aux banques étasuniennes en difficulté : quelques dizaines de milliards de dollars. Cet effet factice une fois passé, la tendance lourde du dollar à la baisse se manifestera à nouveau.
D’ailleurs Bernanke, le président de la FED, se garde bien de tout pronostic à ce sujet. Il sait en effet que des deux stratégies qui s’offrent à lui, aucune n’est satisfaisante :
— augmenter les taux d’intérêt pour juguler l’inflation qui progresse. Bernanke voit bien que le prix des matières premières ne cesse de monter, tant en raison de la croissance continue des pays émergents que de l’augmentation des coûts d’accès au pétrole. Une augmentation des taux d’intérêt serait donc la bienvenue pour modérer cette inflation, ainsi que pour rendre plus attrayants les placements en dollars de capitaux étrangers, indispensables pour boucher les trous des deux énormes déficits jumeaux du pays, ceux du budget de l’État et du commerce extérieur. Cela permettrait aussi de freiner la chute du dollar et de reprendre un peu de terrain à l’euro.
Mais augmenter les taux d’intérêt, c’est aussi freiner les investissements nécessaires pour soutenir l’emploi qui s’étiole, accroître la productivité et réduire la consommation, laquelle a tellement besoin de crédit en raison de l’endettement délirant de la population et de la baisse de ses revenus.
— mais si, au contraire, la FED baissait le coût du crédit pour relancer la production comme la consommation, alors l’afflux des capitaux étrangers se tarirait inévitablement. Le cours du dollar verrait sa baisse s’accélérer, renchérissant ainsi le coût des produits importés et notamment le précieux pétrole. Si seulement les Chinois voulaient bien augmenter leur taux de change ! Mais ils s’entêtent à ne le faire qu’au compte-goutte, ce qui renforce la tendance des entreprises étasuniennes à se délocaliser selon un flux qui ne cesse de s’enfler, vidant progressivement le pays de sa substance, c’est-à-dire le privant de sa capacité à résister à la crise.
Que le taux d’intérêt augmente ou baisse, les É-U se trouvent donc coincés dans un garrot financier dont ils ne peuvent se débarrasser. À moins que…
À moins qu’ils ne comprennent enfin que leur hégémonie leur coûte trop cher, et qu’ils ne se débarrassent d’un fatras de dépenses qui siphonnent leurs forces vives. Il leur faudrait ainsi renoncer à leur présence militaire un peu partout dans le monde en d’innombrables bases. Supprimer aussi leurs nouvelles fabrications de guerre, seul résidu notable de leur industrie en déroute, mais d’une utilité bien discutable compte tenu de leur supériorité militaire actuelle, si ce n’est pour limiter la croissance du chômage qui vient de redémarrer chez eux, faute d’autres productions plus utiles, désormais réalisées au-delà de l’océan pacifique.

Mais ce serait mal connaître les Étasuniens que de les croire capables d’une telle humilité et d’un tel réalisme. Il leur est tout à fait impossible de comprendre que leur déclin est à leur porte, et plus encore d’accepter la perte de l’hégémonie dont ils jouissent depuis tant d’années.
Alors pourquoi ces extraordinaires dépenses militaires ?
Ne seront-ils pas tentés, dans une manœuvre désespérée, de reprendre leur destin en main en envahissant des zones stratégiques comme le Moyen-Orient (Syrie et Liban compris, fermant le pont Israël-Irak), mais aussi le Caucase (la Géorgie est actuellement présidée par Mikheil Saakachvili, fermement pro-américain et candidat à l’OTAN), le Pakistan, verrou possible à revers de l’Iran et de l’Afghanistan, et les cinq républiques musulmanes entre Caspienne et Chine, coin pétrolier et gazier entre Chine et Russie. Les É-U y possèdent des bases militaires depuis le 11 septembre 2000, susceptibles de constituer des têtes de pont efficaces pour l’exécution d’une telle stratégie.
Au travers du Pakistan, les É-U aimeraient bien pouvoir également contrôler le port en eau profonde que la Chine y a construit sur la mer d’Oman pour son approvisionnement en pétrole, dans le but d’éviter le détroit de Malacca, sous le contrôle actuel des escadres étasuniennes. Il y a un précédent : par ce moyen, les É-U ont bloqué l’approvisionnement en pétrole du Japon en 1941 pour stopper son expansion militaire en Asie.
On sait bien que les É-U ne possèdent pratiquement pas de troupes terrestres, mais leur état-major n’a pas encore totalement abandonné sa stratégie de destruction massive par voie aérienne, précédant une occupation légère du terrain associée à une subversion dollarisée des élites locales.
Leur visée serait ainsi stratégiquement double : étouffer la croissance exponentielle de la Chine qui rongent leur économie jusqu’à l’os, puis rétablir l’empire universel du dollar, actuellement en dégénérescence cancéreuse rapide, en l’imposant par la crainte à une Europe sans muscles, à une Russie revancharde, mais encore militairement faible, ainsi qu’à une Chine affamée par un blocus terrestre et maritime.
Ce n’est là qu’une hypothèse, un peu théâtrale, mais si elle devait voir le jour, sous cette forme ou sous une autre, ce serait le Stalingrad des É-U. Eux ne le savent pas, mais Hitler non plus ne l’avait pas prévu, et pourtant il y est allé.
Bon vent pour tous !

©André Serra

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