Magazine Régions du monde
Le 18 mai.
J'ai quitté Arica, les plages du pacifique, et les vagues de pélicans qui échouent sur les jetées du chantier naval, pour faire sécher leurs ailes au vent. J'ai quitté les vagues de l'océan, et les surfeurs Brésiliens, pour traverser le désert.
A San Pedro, 7 heures du matin, les routes du village sont poussiéreuses, le soleil est brulant, mais peine a rechauffer la ville. Je trouve l'Eden. L'hôtel Eden, soyons clairs. Ici c'est plutôt un village pour touristes. L'atmosphère n'est pas ordinaire. Les maisons sont basses, les voitures soulèvent la poussière, les gens marchent a l'ombre, la ou il fait froid, car au soleil on brûle. Mieux vaut être de passage.
16 heures.
Je suis assis dans le jardin de l'Eden, et je travaille mes cours d'espagnol. Je déplace ma chaise toutes les quinze minutes pour éviter le soleil qui me poursuit jusqu'au dessous du parasol quand Yves et Fannie déboulent, dans le jardin, avec leurs gros sac a dos. Un gros sur le dos et un petit sur le ventre, comme tous les mochileros (en Amérique du sud les porteurs de sacs a dos sont des mochileros).
Nous voilà donc a échanger sur le monde, dans le jardin de l'Eden, a San Pedro de Atacama, ville aux allures de far west, ou ne manquent que de virevoltants tumbleweeds pour nous convaincre d'acheter des colts et nous pousser au crime fratricide de tous ces touristes.
Ils ont l'air a peu prêt normaux nos baroudeurs, j'ai même l'impression de les avoir quittés hier. Leurs seules blessures visibles semblent être d'ordre capillaire, Fannie a malheureusement succombé a la haute coiffure Pekinoise, et Yves a malheureusement accepté de se faire couper les cheveux par Fannie. Pas de quoi en faire des empanadas. Sinon nos routards bien qu'un peu fatigués vont bien, ils ont acquis un certain goût pour le confort, et un paquet d'histoires.
Le lendemain on loue des vélos, des planches de surf, et on se taille dans la vallée de la mort. On gravit les dunes colossales, et on surfe, tombe, saute, chute, caracole, dégringole, on enlève le sable de nos chaussettes, on se dit qu'on est bien fatigues et que ca tombe mal car on a encore 35 km de désert a parcourir avec nos foutues planches sur le dos qui nous font mal et nous font ressembler a des libellules (selon Fannie). Alors on arrive dans la vallée de la lune, un peu trop tard, morts de fatigue mais on se réjouit des paysages. La nuit tombe, on prend des photos sur le lac de sel et on rentre au clair de lune. On dévale la montagne, comme des libellules, on use nos dernières forces. On se réveille a quatre heures du matin pour aller visiter les geysers du Tatio.
20 mai - six heures du mat - sommeil profond – dans le bus.
Une brusque secousse nous réveille. Des bruits de roues qui patinent. Le pare brise est givré, le chauffeur prie pour son emploi, le bus est planté dans le sable du bas coté. Un mètre de plus et on basculait dans le fossé.
On sort, un bus de passage s'arrête. Il y a trois places de libre. Sans se retourner sur nos compagnon de route on profite de la providence.
Le soleil se lève sur les 85 geysers du Tatio et nous régale de ses reflets dans les volutes de vapeurs blanches. Les vigognes se promènent paisiblement, les moins quinze degrés de la nuit se font oublier, on rentre heureux trois heures plus tard. On croise sur le bas coté les 17 compagnons d'une infortune dont nous fumes les seuls rescapés.
La suite de cette histoire revient a qui de droit, elle se déroule sur les routes de la Bolivie, dans l'Altiplano andin ou les vigognes paisibles paissent.
So long, Martin
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