Roy GAINES
C'est probablement l'événement de ce 20e anniversaire des IG.Roy Gaines, son nom ne vous dit peut-être rien si vous n'êtes pas un amateur de blues, pourtant c'est un des derniers ambassadeurs du Texas blues dans la lignée de T-Bone Walker, son maître et idole auprès duquel il a beaucoup appris.
Il débute d'abord avec le piano dans le style Nat King Cole avant de se tourner vers la guitare à l'adolescence. Rapidement il va jouer dans des clubs de Houston. Dans les années 50 il se fait un nom et devient un musicien de studio extrêmement réputé, notamment aux côtés de Chuck Willis à New-York.
Il enregistrera avec Billie Holliday .
En 1966 c'est la consécration, il intègre le big-band de Ray Charles pour qui il écrit " No use Cryin " sur l'album Crying Time. Il accompagnera ensuite Aretha Franklin ou The Supremes.
Les années passants, il poursuit une carrière solo et en 2011 il obtient le Grand Prix de l'Académie du Jazz en France pour son dernier album Tuxedo Blues. C'est aussi le nom de son orchestre, presqu'au complet (6 sur 7) ce soir au Jam.
" Jazz, blues, R&B et soul, le légendaire guitariste-chanteur-compositeur Roy Gaines, célèbre pour sa capacité à transcender les styles, poursuit une carrière de premier plan en insufflant toute son expérience à son Tuxedo blues. A la tête d'un orchestre de jazz, comme on peut rarement en entendre aujourd'hui, Gaines fait revivre les jours de gloire des big bands avec un son à la fois classique et contemporain. " (All About Jazz)19h45 - La queue est longue face à la porte du Jam, encore close.
" Vous avez déjà vos billets ? "
" Oui, mais nous voulons une bonne place "
Les téléphones entrent en jeu. " Je suis déjà arrivée, ne traîne pas ? Je ne sais pas si je pourrai te garder un siège, dépêche-toi ! "
20h - Les portes s'ouvrent et, en ordre respectueux des convenances, le public avance, pas à pas.
La salle est prête, les sièges ont été installés, il y en jusque devant la scène
20h30 - La salle est pleine, près de moi les marches d'escaliers se garnissent, il n'y aura pas de vide.
Je m'adresse à mes voisins, un couple sympathique.
" C'est une bonne soirée qui s'annonce ".
Monsieur est partie vers le bar, mission délicate.
Je discute avec Madame.
On évoque l'âge du public : " Mais où sont les jeunes ? "
" Le blues ce n'est plus à la mode. Mais être jeune, qu'est-ce que cela veut dire ? Être jeune ou avoir su le rester ! "
20h40 - Le directeur des IG, Talaat El Singaby, prend le micro pour, en quelques mots, présenter la soirée et remercier le Jam, un soutien fidèle depuis les premières années. Remerciements aux partenaires, aux sponsors, brefs mais sincères. Et puis, inévitablement un hommage appuyé au héros du soir, Roy Gaines, une légende vivante !
20h45 - Les musiciens, baignant dans une lumière bleu intense, viennent prendre place.
Ils sont six, il en manque un : Roy Gaines.
Les vedettes arrivent toujours les dernières. Le voici ! Flamboyant. Un frac noir, à queue de pie, un pantalon rouge brique et un chapeau noir ! La chemise à col cassé, le gilet impeccable, la cravate piquée d'une épingle d'or et des " vernis " aux pieds, curieuse tenue entre soirée à Buckingham et club de Harlem.
La machine se met en route. Premier morceau, occasion de mettre en vedette tous les membres de l'ensemble : Ben Burget au saxophone, Walter Simonsen à la trompette, David Melton à la guitare rythmique, James Paxson à la batterie, Richard Reed à la basse et Harlan Spector aux claviers.
Deux heures et quart de Blues et de spectacle. Un orchestre au top, chacun de ses membres, tour à tour, nous donnant un aperçu de ses talents. Des sons inattendus, sous les doigts de David Melton, un spécialiste du bottleneck. Le plus jeune, Ben Burget au saxo, faisant preuve d'une virtuosité et d'un tonus presque comparable à ceux de l'autre " jeune " de la bande, Roy Gaines. Né en août 1934, ce jeune homme de 82 printemps, pimpant dans son pantalon rouge, offre facéties et jeux de scène sans se départir d'un allant et d'un professionnalisme hors de pair. Très vite la redingote est tombée, la serviette éponge blanche entre en jeu. Le visage de Roy ruisselle. Les premiers morceaux riches d'un son rond et explosif s'enchaînent. Cela tourne à plein régime. Le bluesman s'anime, le siège de bar est un support pratique où il s'installe, à l'aise. La guitare noir et or, la Gibson de BB King ( ?), vibre sous ses doigts. Il s'essaie, même, au dialogue avec la salle. En anglais du Texas, ce n'est pas gagné. Roy pose des questions, il regarde les spectateurs du premier rang. Cabotine un peu avec les photographes. La minuscule et charmante photographe, posée au sol, à quelques centimètres de mes pieds, a droit à quelques pas bien rythmés. La photo sera bonne. Il s'amuse, la " légende " ! Quelques commentaires sur Ray Charles, avant d'interpréter deux de ses compositions, suivis de questions sans réponse et un faux départ.
21h 55 - Time break !
22h - Roy, le retour. Et nous voilà reparti pour cinq nouveaux morceaux, dont un brillant " Johnny be good ". Un passage interprété à l'aveugle, guitare glissée dans le dos, à la T. Bone, on joue les prolongations. Mais qui s'en plaindra. Ma voisine me glisse : " Il ne s'arrêtera plus ! ". On n'en a pas envie, en tout cas.
Dans ma poche, le téléphone vibre, j'avais un rendez-vous à 22h. Au bout de sept ou huit appels, dans le noir, je compose : " Toujours au Jam, c'est parti pour ne pas finir et tant mieux ! " J'espère qu'elle comprendra.
23h - Plus de deux heures après le début du concert, sur " Bluesman for life ", final ébouriffant d'énergie dont les derniers accords résonnent encore, lentement la salle s'évacue. Dans la foule, vers la sortie, ce petit homme au chapeau noir, qui nous dépasse rapidement, c'est encore Roy Gaines filant vers la sortie pour sacrifier au rite des autographes. Au passage je lui glisse " Thank you. Good, very, very good ! ". En réponse, un sourire.
A l'arrêt du tram, tout proche, trois personnes attendent. Ils repartent à Pézenas et leurs yeux brillent. " Une super soirée, les IG c'est toujours très bon et Roy Gaines un des derniers dinosaures. Bel hommage à T. Bone Walker et le " Night beat " de Gaines est super ! Mais comment fait-il pour être en forme après un concert de deux heures ? "
Je laisserai à ma voisine de siège, inconditionnelle de Roy et de Texas blues , le soin de conclure ce mémorable concert : " Le Papy, il assure ! ".
La bio est au début, succincte.
Un lien incontournable, l'interview de Roy Gaines sur :
http://www.bluesmagazine.net/L_monographies/Roy%20gaynes/ROY_GAINES.htm