Ce matin, j'ai couru les 20 kilomètres de Paris. La dernière fois que j'avais participé à cette épreuve (et la seule jusqu'à présent), c'était il y a treize ans. De l'eau a coulé sous le pont Mirabeau depuis, dans la Seine et sur ma vie. C'était une course dont j'ai conservé un souvenir très précis, sans doute parce que cela reste une des meilleures "perf" de ma vie, en terme de résultat sportif pur. J'avais couru ces 20 kms en 1h05, et terminé 15e de l'épreuve, autant dire qu'il n'y avait pas grand monde devant moi en dehors des kenyans. Je me souviens vraiment bien de cette journée; la ligne de départ où je retrouve Eric Lacroix et Philippe Rémond, avec qui je cours les premiers dix kilomètres, puis le duo que je forme avec un coureur algérien, cette spectatrice stupide au 15e kilomètre qui nous demande ce que nous "foutons", les kenyans sont loin devant... Puis l'arrivée, mon père qui m'attends et qui est ému de voir son fils si bien placé dans cette course internationale.
C'était aussi une semaine bien particulière. Le mercredi, j'avais passé l'oral du concours de conservateur des Bibliothèques. Mon avenir professionnel se dessinait donc, pour quelques années, puisqu'un peu plus tard j'apprenais que j'étais reçu à ce concours et au début de l'année 2003, partait en formation post-concours à Lyon.
Je n'avais pas du tout eu le sentiment de toucher mes limites lors de cette participation aux vingt bornes parisiens. J'avais commencé à m'entraîner à forte intensité seulement deux ans auparavant, et je pense qu'avec encore quelques années à ce régime, qui ne me posait pas trop de problème au niveau physique, j'aurai pu faire bien mieux, puisque je possédais la puissance et la vitesse de base. C'est peut-être le seul petit regret de ma vie de coureur.
Arrivé à Lyon, je tentais vainement de maintenir mon niveau en jonglant avec de nouvelles contraintes pas évidentes, puis après une certaine désillusion au marathon local le printemps suivant, où je terminais en marchant en 2h35, je décidais d'axer ma pratique vers le trail et le plaisir du défi. Depuis, j'en ai vécu beaucoup, je crois...
Mais bien sûr, en me rendant avec ma jolie bretonne sur la ligne de départ de cette 37e édition des 20 kms de Paris, devant la tour Eiffel, je pensais pas mal au jeune coureur que j'étais à l'époque. Première différence, je dois vadrouiller pas mal dans la foule avant de trouver ma place sur la ligne de départ, même si je bénéficie encore (grâce à ma performance sur la course du train patate!) d'un dossard préférentiel, j'avais droit au sésame "élite" il y a treize ans. C'est un peu le bordel sur cette ligne de départ, que je trouve moins bien géré que celle de la semaine passée, même si je n'ai pas trop à me plaindre personnellement (certains des amis que je retrouverai après la course sont tout de même partis avec une heure de retard!).
Dans une ambiance qui bat déjà son plein, le départ est donné. Il fait assez frais mais surtout le ciel est bleu et le soleil brille sur Paris aujourd'hui. Je pars en tentant de trouver un rythme proche de celui de mon 10 km de la semaine passée, mais au 5e kilomètre, alors que ça ne va pas si mal, une douleur assez fulgurante dans l'ischio jambier me stoppe net dans mon effort. Contracture soudaine. Peut-être le fait de partir à froid, ou la vieillerie! Je m'arrête, puis repars, puis m'arrête à nouveau pour desserrer un peu mes chaussures et soulager la chaîne musculaire. Bien entendu, il n'est plus question de chrono, je reprends la course avec l'objectif de finir sans tirer sur ma foulée, que je réduis donc tout en tentant de maintenir un petit rythme.
Du coup, mon effort est un peu moins intense et paradoxalement, quand la douleur musculaire n'est pas trop préoccupante, je profite mieux de l'ambiance et du parcours, en admirant un peu les vues depuis les quais. Ca passe assez vite ( en terme de temps, 18'39" au 5 kms, après un premier arrêt, 39'20 au 10e, après le second...) et je pointe à l'arrivée au bout d'1h18 minutes et 36 secondes de course. Treize minutes piles de plus qu'il y a treize ans...