Anne Feitz / Journaliste | Le 11/10/2015
De nombreux projets prévoient de vendre de l’électricité solaire à 70 euros par mégawattheure. Un prix inférieur à celui de l’éolien terrestre.
Cet été, en plein cœur du mois d’août, François Hollande a fait un joli cadeau aux professionnels du solaire. Le président a annoncé le doublement de l’appel d’offres public en cours pour la construction de centrales photovoltaïques en France, de 400 à 800 mégawatts (MW). Cette bonne surprise n’est pas due à un élan subit de générosité, mais au prix auquel les professionnels proposent de vendre leur électricité. Celui-ci n’a jamais été aussi bas : pour les grandes centrales au sol, il s’élève en moyenne à 87 euros le mégawattheure (MWh), un niveau équivalent à celui de l’éolien terrestre (85 euros). « Et de nombreux projets proposent un tarif plus proche de 70 euros », affirme Arnaud Mine, président de la branche solaire du SER (Syndicat de l’énergie renouvelable). « A ce prix, on peut dire que le solaire est compétitif ! »Une véritable révolution. Ce tarif reste certes supérieur au coût de l’électricité produite par les centrales nucléaires existantes (l’Arenh, le prix auquel EDF vend son électricité nucléaire à ses concurrents, s’élève à 42 euros) ou encore au prix de l’électricité sur le marché (autour de 38 euros). Mais les subventions nécessaires au solaire se réduisent de façon spectaculaire. « L’appel d’offres de mars 2012 affichait un prix moyen proposé de 188 euros le mégawattheure », rappelle Antoine Cahuzac, directeur général d’EDF Energies Nouvelles. A 70 euros, l’électricité devient moins chère que celle des nouvelles centrales, notamment nucléaires (EDF a obtenu un tarif garanti de 109 euros pour l’EPR de Hinkley Point, en Grande-Bretagne). En outre, ce tarif restera constant sur vingt ans, alors que le prix de vente de l’électricité est, lui, appelé à augmenter sensiblement sur la période.Baisse du coût des panneaux solaires
La chute des coûts de l’électricité photovoltaïque est largement liée à celle du coût des panneaux solaires, qui a plongé de 80 % depuis 2008, grâce notamment aux panneaux chinois à bas coût. En Europe, cette chute est toutefois limitée depuis que Bruxelles a imposé en 2013 un prix de vente minimum aux Chinois : une mesure antidumping qui a pu donner de l’air aux fabricants européens (en France, Photowatt, Silia, Voltec, etc.) mais fait pester certains développeurs. « Sans ce plancher, nous pourrions gagner encore 10 euros ! » affirme Xavier Barbaro, directeur général de Neoen, qui s’apprête à inaugurer à Cestas, près de Bordeaux, la plus grande centrale solaire d’Europe.Les développeurs ont aussi bénéficié d’économies sur les autres composantes des centrales, qui représentent désormais plus de la moitié du coût total : le système électrique, l’installation, etc. A Cestas, où l’électricité sera vendue à 105 euros/MWh, Neoen a optimisé l’espace au sol. « Le design a été conçu pour que la centrale soit très dense », explique Xavier Barbaro. L’innovation, l’intelligence introduite dans les centrales, a aussi contribué à faire chuter les coûts.Secteur capitalistique
Des professionnels insistent aussi sur le rôle du financement, dans ce secteur très capitalistique où les besoins augmentent avec la taille des centrales : pour certains, la moitié des économies réalisées depuis trois ans sont financières. « Bénéficiant de retours d’expérience positifs, les investisseurs ont réduit leurs attentes en matière de rendement », explique Daniel Bour, président du syndicat Enerplan.Subventionné, le solaire en France est encore lié aux appels d’offres, mais certains estiment qu’ils pourront s’en passer dans un avenir pas si lointain. Solaire Direct a déjà réussi à céder son électricité de gré à gré pour un parc entré en service l’an dernier et développé avec la région Poitou-Charentes à Thouars (Deux-Sèvres) : l’électricité sera vendue à Séolis, un concurrent local d’EDF au prix de 105 euros/MWh sur trente ans. D’autres parient sur un mouvement de société. « On commence à voir émerger une demande de collectivités locales et d’entreprises privées pour de l’électricité 100 % verte », note Edouard Sauvage, directeur de la stratégie d’Engie. Il reste encore du chemin à parcourir : le solaire n’a représenté que 1,1 % de la production d’électricité en France l’an dernier.En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/021395638521-electricite-le-solaire-photovoltaique-devient-competitif-en-france-1164320.php?XSodtgsTiIqMGlHr.99#xtor=RSS-37