Cinq jours après l'interruption du comité central d’entreprise d’Air France par une manifestation de salariés, les négociations ont repris discrètement entre la Direction et les syndicats, certains évoquant l’hypothèse de la nomination d’un médiateur.
Si la chemise déchirée de Xavier Broseta, directeur des ressources humaines, a fait le bonheur des médias nationaux et internationaux, les salariés n'ont pas oublié les propos du 1er ministre Manuel Valls qui s'était dressé en justicier pour dénoncer les voyous de la République… L’attitude de la Direction d’Air France pose toujours de graves problèmes à l’ensemble des salariés inquiets à juste titre de la survie de l’entreprise.
Les propos délirants d’Alexandre de Juniac, président-directeur général d’Air France-KLM contre les salariés grévistes, le droit et la durée légale du travail auraient mérité qu’il soit démis de ses fonctions car d’autres l’ont été pour moins que ça.
Le personnel est toujours choqué également par la diatribe de Manuel Valls qui a conforté ceux qui jettent à la rue les personnels avec leurs familles et ceux qui jouent de la concurrence sauvage imposée dans l'aéronautique, notamment par les princes des monarchies du Golfe, par ailleurs financiers de l'intégrisme rétrograde…
Comment croire alors dans ces conditions au « dialogue social », d’autant que de graves erreurs ont été commises dans un passé récent ?
La lourde addition de la privatisation
Le 10 février 1999, le gouvernement de Lionel Jospin privatisait partiellement Air France. Le 22 février 2002, la compagnie était introduite en bourse au prix de 14 € l’action. Le 10 juillet 2003, l'assemblée des actionnaires d'Air France entérinait la privatisation totale de la compagnie aérienne qui devenait effective le 6 mai 2004.
Depuis cette privatisation, les salariés d’Air France paient cher la politique de financiarisation de leur direction : externalisations, réductions d’effectifs, gel des salaires et des embauches, casse des acquis sociaux, etc. Depuis 2004, 6430 départs n’ont pas été renouvelés auxquels il convient d’ajouter le plan de 1 800 départs volontaires organisé en 2010.
La première phase du plan Transform 2015 (lancé progressivement depuis janvier 2012) a liquidé près de 5 600 postes. L’acte II du plan accentue encore la diminution des effectifs avec la liquidation de quelque 2 900 postes supplémentaires (300 pilotes, 900 hôtesses et stewards, 1700 personnels au sol). « En l’espace de quatre ans, on a perdu entre 12 000 et 15 000 personnes et ça commence à faire beaucoup », s’alarme Didier Fauverte, secrétaire général de la CGT Air France.
Pour faire face à l’endettement d’Air France-KLM, aggravé par la crise de 2008, qui atteignait en janvier 2012, 6,5 milliards d’euros, la direction a misé sur un vaste plan de restructurations concernant ses activités court et moyen-courriers et son activité cargo marginalisée de plus en plus au profit du fret en soute. Or, privilégier les long-courriers, très rentables jusqu’en 2008, au détriment des court et moyen-courriers, cumulé au développement des vols low-cost sur petites distances, a contribué à creuser le déficit des vols courts.
Aujourd’hui, le plan « Perform 2020 » prévoit une réduction de voilure sur le long-courrier en deux phases : cinq avions en moins en 2016, des réductions de fréquences et la non-entrée dans la flotte de Boeing 787. Puis en 2017, la sortie de neuf autres appareils et la fermeture de cinq lignes en Asie.
L’histoire des RafaleEn mai dernier François Hollande est arrivé à Doha, au Qatar, accompagné des ministres des affaires étrangères et de la défense, Laurent Fabius et Jean-Yves Le Drian, pour assister à la signature officielle de deux contrats de vente de 24 avions de combat Rafale. Le Qatar avait mis une condition à l’achat de ces avions : obtenir des droits de trafic supplémentaires vers la France pour sa compagnie aérienne, Qatar Airways. L’émirat a eu finalement gain de cause et ses avions qui desservent déjà Paris, pourront désormais atterrir à Lyon et à Nice, vraisemblablement trois fois par semaine. En agissant ainsi, François Hollande a aiguisé de fait la concurrence avec Air France poussant cette dernière à de nouveaux licenciements. Mais de cela ni Valls, ni Hollande ni les médias n’en disent mot !
Air France, en difficulté, a déjà du mal à résister à la concurrence des compagnies du Golfe. Cette fois, ce sera encore plus difficile car en s’installant dans des aéroports régionaux français, les avions quataris risquent de détourner le trafic vers le hub de Doha, au détriment de Paris.
Cette décision pénalise donc la compagnie au moment même où elle tente de se redresser. Elle pourrait même aggraver la situation car Air France sera peut-être contrainte de revoir ses vols. Or, quand un avion long-courrier est retiré de la flotte, ce sont 300 emplois directs en moins ! La décision apparaît d’autant plus incompréhensible qu’elle est prise par l’Etat, qui est actionnaire de la compagnie aérienne à 17 %. Les Émirats arabes unis, qui sont, eux aussi, intéressés par des avions de combat, pourraient faire la même demande auprès des autorités françaises pour leur compagnie aérienne Etihad ! Dans un communiqué, le syndicat national de pilotes de ligne d’Air France (SNPL) s’inquiète donc de la « mort à terme » de l’ensemble du secteur : « Le seul élément qui protège encore les compagnies aériennes européennes au sein d’une compétition absolument faussée, c’est la non délivrance d’autorisations de desserte supplémentaire des aéroports européens aux compagnies non respectueuses des règles de concurrence ». Le syndicat dénonce « la concurrence déloyale des compagnies du Golfe, qui touchent de la part de leur gouvernement des subventions colossales, estimées à plus de 40 milliards de dollars ces dernières années. » Entre Lionel Jospin, ex-premier ministre socialiste, qui a privatisé Air France en 1999 (l'ensemble des privatisations sur la période 1997-2002 ayant rapporté 210 milliards de francs en cinq ans, un record absolu !), les actionnaires qui veulent maximiser les profits, le PDG, Alexandre de Juniac, qui aurait augmenté son salaire de 70 %, le DRH, Xavier Broseta, qui aurait provisionné une cagnotte de 150 millions € pour les retraites chapeaux des principaux dirigeants, le président de la République, François Hollande, qui autorise la desserte supplémentaire des aéroports français aux compagnies non respectueuses des règles de concurrence, le 1er ministre, Manuel Valls, qui a déjà privatisé partiellement l’aéroport de Toulouse-Blagnac (49,9% au consortium sino-canadien SNC Lavalin et Symbiose), malgré près de 10 millions de bénéfices annuels, le Ministre de l'économie, Emmanuel Macron, qui veut privatiser les aéroports de Lyon-Saint Exupéry et Nice-Côte d’Azur, les voyous ne sont pas ceux qu’on croit... Photo Creative Commons Yahoo images
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