Elle publie aussi bien pour les adolescents que pour les adultes. Elle est de la famille des Blondel, Gallay, Lafon ... Quelque temps enseignante, mais pas que ..., elle rend intelligible le fossé qui sépare, parfois, les collégiens des autres adultes.
Loin des surexpositions médiatiques c'est une auteure qui travaille le matériau de l'intime pour en ciseler des petits bijoux d'écriture. Ce sont les termes que j'employais pour la caractériser et je ne suis pas surprise de lire le mot même d'intime sur la couverture de son dernier opus.
Photographe de guerre, Étienne a toujours su aller au plus près du danger pour porter témoignage. En reportage dans une ville à feu et à sang, il est pris en otage. Quand enfin il est libéré, l’ampleur de ce qu’il lui reste à réapprivoiser le jette dans un nouveau vertige, une autre forme de péril.Avec Otages intimes, Jeanne Benameur questionne la part de nous qui est toujours prise en otage. Car tous, nous sentons parfois qu’un territoire en nous reste inexploré, fermé, un espace dont nous ne sommes pas libres. Mais il faut souvent ce qu’on nomme "une crise" pour aller y voir… se risquer à découvrir.
De retour au village de l’enfance, auprès de sa mère, il tente de reconstituer le cocon originel, un centre depuis lequel il pourrait reprendre langue avec le monde.Au contact d’une nature sauvage, familière mais sans complaisance, il peut enfin se laisser retraverser par les images du chaos. Dans ce progressif apaisement se reforme le trio de toujours. Il y a Enzo, le fils de l’Italien, l’ami taiseux qui travaille le bois et joue du violoncelle. Et Jofranka, “la petite qui vient de loin”, devenue avocate à La Haye, qui aide les femmes victimes de guerres à trouver le courage de mettre en mots ce qu’elles ont vécu.Ces trois-là se retrouvent autour des gestes suspendus du passé, dans l’urgence de la question cruciale : quelle est la part d’otage en chacun de nous ?De la fureur au silence, Jeanne Benameur habite la solitude de l’otage après la libération. Otages intimes trace les chemins de la liberté vraie, celle qu’on ne trouve qu’en atteignant l’intime de soi.
Nous vivons dans un monde où les images de la guerre sont omniprésentes, sur les écrans, dans toutes les actualités. Et la violence des hommes a de quoi exercer une sidération qui ne laisse pas indemne. Surtout quand enfant, à cinq ans, on a vécu la guerre, quand toute sa famille fut attaquée par ceux que l’on connaîtrait ensuite sous le sigle OAS (et dont elle a rendu compte dans le livre Ça t’apprendra à vivre, chez Babel).
On pourra regarder en complément Photographes au front le documentaire d'Auriane Cremieu à partir des sources iconographiques de l'ECPAD et de témoignages de reporters de guerre. Il est diffusé ces jours-ci sur la chaine Histoire.
Orages intimes de Jeanne Benameur, chez Actes Sud