Le Prodige // De Edward Zwick. Avec Tobey Maguire et Liev Schreiber.
Ce qu’il y a de plus terrible dans l’histoire de Le Prodige c’est peut-être qu’elle est vraie. En pleine Guerre Froide, les échecs étaient devenus un terrain important pour les américains et les russes. Surtout quand est apparu Bobby Fischer, le seul prodige des échecs qui pouvait battre le champion du monde en titre, qui était lui russe. C’est une histoire qui mêle échecs et paranoïa de l’époque. Durant la Guerre Froide, beaucoup de gens ont pu spéculer sur le fait qu’ils étaient écouté, encore plus quand ces gens deviennent important. L’histoire de Fischer n’est donc pas un cas isolé mais ce qui est terrible c’est la façon dont il perd la boule, simplement car il va croire qu’il est constamment épié alors que le seul vrai regard qui est porté sur lui, c’est sur son jeu et la façon dont il va pouvoir battre le champion en titre. A plusieurs reprises il va s’enfuir, avoir peur mais aussi faire des demandes démesurées. On pourrait par moment croire qu’il ne veut absolument pas jouer contre Spassky. Cette idée est même suggérée à un moment donné. Edward Zwick nous offre ici un film particulièrement fascinant, jouant à merveille sur cette paranoïa construisant Le Prodige presque comme un film inspiré d’un roman de John le Carré.
L’histoire de Bobby Fischer, le prodige américain des échecs, qui à l’apogée de la guerre froide se retrouve pris entre le feu des deux superpuissances en défiant l’Empire Soviétique lors du match du siècle contre Boris Spassky. Son obsession de vaincre les Russes va peu à peu se transformer en une terrifiante lutte entre le génie et la folie de cet homme complexe qui n’a jamais cessé de fasciner le monde.
C’est l’une des forces de ce film, de faire de cette histoire un film d’espionnage alors qu’il n’y a rien qui laisse imaginer que l’on est face à un tel film. Mais l’ambiance, la façon dont l’histoire est racontée, donne cette malicieuse impression. C’est savamment orchestré, à la fois par le scénario mais également par cette mise en scène feutrée. Steven Knight (Peaky Blinders, Locke) trouve ici l’occasion de créer à nouveau une ambiance claustrophobique après son excellent Locke (avec Tom Hardy). C’est quelque chose qu’il semble maîtriser. Mine de rien, Steven Knight a beau grandi depuis qu’il a créé l’un des jeux télévisés les plus importants de ces dernières décennies : Qui veut gagner des millions. Il aime les choses assez simples et cela se voit dans son script. Le but de Le Prodige n’est pas de passer par quatre chemins pour arriver au bout de l’histoire de Fischer. Au contraire, le film reste assez stricte et suit ainsi un rythme qui nous permet de ne jamais vraiment voir le temps passer. Pourtant, le monde des échecs n’est pas forcément l’univers le plus passionnant du monde. Le Prodige est aussi très loin de Le Tournoi, une autre tentative récente de nous plonger dans le monde des échecs.
Le réalisateur à qui l’on doit Blood Diamond ou encore Love et autres drogues cherche ici une nouvelle palette à son talent. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il semble maîtriser à merveille ce petit film. Car oui, Le Prodige est un petit film qui ne veut jamais être plus que ce qu’il n’est et qui reste donc très humble. Pour un réalisateur habitué à des films un peu plus tape à l’oeil, je dois avouer que je suis surpris (mais dans le bon sens du terme). Le résultat est ainsi plus que satisfaisant. Je dois avouer qu’une fois Le Prodige terminée, je m’attendais à ce que cela puisse évoluer différemment. Les échecs est un monde à part et Le Prodige veut nous démontrer à quel point ce jeu a aussi influencé une bonne partie du jeu qu’il y avait entre la Russie et les Etats-Unis durant la guerre froide. Il y a d’ailleurs des petites piques assez cocasses comme celle des russes qui piquent les Etats-Unis au sujet de la non-venue de leur « futur » champion sur le sol islandais. Et ce n’est pas le seul. Le Prodige parvient également à être drôle. La paranoïa est un angle parfait pour s’amuser et le film fait des choses très intelligentes de ce point de vue là.
Note : 8/10. En bref, rondement bien mené.