On ne peut pas prendre de photo lors des trajets ; lors du retour au sud, le contenu des appareils photos de la totalité des touristes (plusieurs centaines) sera systématiquement passé en revue.
Philipe Pons du Monde a fait de cette excursion à Kaesong un excellent article :
Alors que l’autre site touristique nord-coréen, le mont Kumgang, ouvert depuis une dizaine d’années sur la côte orientale, est un vaste parc naturel délimité par des grillages et coupé du reste du pays, les visiteurs sont ici en pleine ville. Mais une ville réduite à un décor : les touristes n’ont qu’un aperçu rapide et frustrant de ce que fut cette ancienne capitale devenue par la suite une prospère cité de marchands et de lettrés. (...)
Lorsque les touristes sont en ville - de 9 heures à 16 heures -, les habitants de Kaesong sont tenus à l'écart des sites. Sur le passage du convoi, les rues perpendiculaires aux grandes avenues empruntées sont gardées par des policiers. La dizaine de bus - dont les plaques minéralogiques sud-coréennes sont voilées - évitent les monuments à la gloire du régime, telle la gigantesque statue de bronze du Grand Leader Kim Il-sung, le bras levé indiquant la Voie, qui domine la ville et que l'on ne fera qu'entrevoir sur sa hauteur. Seuls des panneaux muraux représentant un soldat écrasant du poing un char impérialiste ou des slogans en gros caractères sur le Soleil du XXIe siècle (le dirigeant Kim Jong-il) rappellent l'idéologie ambiante.
La visite se fait au milieu d'une armée d'ajumas en casquette, une vision surréaliste en Corée du Nord. On se croirait presque à Gyeongbokgung un jour de fête. La plupart des touristes sont surexcités, mitraillent de photos les endroits autorisés, achètent alcools, ginseng, et bile d'ours. Je me demande comment les Nord-Coréens, impassibles, perçoivent leurs frères du sud, venus se chercher une simple dose de sensations fortes dans ce qui est leur quotidien.
Je n'ai toujours pas eu la chance de visiter la vieille ville, ses belles maisons traditionnelles le long d'un petit canal entr'aperçu du bus… Un jour, c'est promis, j'y arriverai.
Toujours Pons:
Les visites à Kaesong, ouvertes aux étrangers, ont été autorisées par le dirigeant Kim Jong-il lors du sommet intercoréen d'octobre 2007 après trois ans de laborieuses négociations. C'est une opération rentable pour la RPDC qui encaisse 100 dollars sur les 195 déboursés par chaque touriste - soit environ 1 million de dollars par mois (plus de 645.000 euros), presque autant que ce que rapportent les 13.000 employés de la zone industrielle de Kaesong... A ces royalties s'ajoutent les achats de souvenirs dans les boutiques flambant neuves des sites, abondamment fournies en ginseng sous toutes ses formes, alcools locaux variés, champignons séchés (dont raffolent Coréens et Japonais)... Tout est réglé en dollars.
Oui, la Corée du Nord a un intérêt financier à ouvrir Kaesong aux touristes du sud; cependant, à l'instar de ce qui se passe dans le parc industriel, c'est aussi un moyen supplémentaire pour les deux peuples de tenter de se rapprocher. Tous les touristes du sud ne sont pas des décérébrés venus visiter leur Jurassic Park national. Les guides nord-coréens se montrent curieux, et dialoguent ouvertement, posent des questions. Ils sont parfaitement au courant de l'actualité sud-coréenne : Lee Myung-Bak, les accords de libre échange, la réussite économique du sud. Le sujet de la réunification est évoqué en permanence.
Ces échanges sont biaisés, faussés, lourds de non-dits, certes ; mais ils restent des échanges.
Suite et fin au dernier épisode : Visite de Kaesong (3) – Perspectives