Par Amélie Miljours
Je dis qu’elle m’a choisie parce que je n’ai pas eu mon mot à dire. En fait, tout était une question de position géographique. Il aurait suffit que je naisse à quelques kilomètres plus à gauche du pays pour que je me range du côté de la langue de Shakespeare plutôt que de celle de Molière. Si tel avait été le cas, je ne serais pas en train d’écrire ces mots aujourd’hui.
La langue française, je suis tombée dedans quand j’étais bébé, mais je n’ai su l’apprécier à sa juste valeur que lorsque je suis devenue suffisamment grande pour faire partie du monde des adultes.
Mon enfance et mon adolescence ont été bercées par cette langue douce et mélodieuse, mais je n’ai découvert tous ses trésors et sa richesse qu’au moment où j’ai choisi une carrière dont elle allait être le point central.
J’ai appris à aimer ma langue comme on aime une famille que l’on n’avait pas choisie au départ. Je l’ai
analysée, décortiquée, travaillée et transformée selon mes émotions.
Je me suis réfugiée dans ses bras réconfortants quand plus rien ne semblait avoir de sens. J’ai vu en elle toutes les possibilités d’un monde qui n’attendait plus que moi.
Je me suis donné comme mission d’en faire la promotion et d’en prendre soin comme si c’était mon propre enfant.
Ma langue, je l’aime parce qu’elle me distingue des autres en m’incluant dans une minorité culturelle unique et riche de talents.
Elle me donne envie de me battre pour sa survie et pour tout ce bagage de culture qu’elle porte pour nous depuis toutes ces années.
Ma langue française, je l’aime parce que c’est la langue de l’amour et des plus grands auteurs romantiques.
Je l’aime parce que de grandes choses ont été prononcées en son nom, comme les droits universels de l’homme.
Je l’aime parce que l’étendue de son vocabulaire permet à mes idées de prendre vie et d’être exprimées de façon juste, précise et nuancée.
J’aime mon français, car il réussit à réunir des gens des cinq continents sur lesquels il a choisi de s’établir.
Je l’aime pour sa complexité et son petit côté sauvage qui le rendent plus difficile à maîtriser, mais qui nous remplissent de fierté lorsque l’on réussit à relever le défi.
C’est précisément pour toutes ces raisons que j’ai décidé de devenir enseignante de français au secondaire et de partager mon amour pour cette langue avec les citoyens de demain.
Et c’est pour ces mêmes raisons que j’ai choisi de faire partie de l’équipe de La Mallette et de partager avec vous, lecteurs et lectrices, ma passion pour cette langue qui m’a choisie et que j’ai finalement choisie moi aussi…