Un grand méditant
Petit retour en arrière car l’histoire de cet homme n’a rien de banale. Né en 1966 au pays des Neiges, le Tibet, il est un descendant des mythiques cavaliers Khampas qui vainquirent la dynastie chinoise Tang. Il a grandi en pleine nature, au milieu des chevaux et des troupeaux de yaks. Dans ce monde, les dieux se transforment en oiseaux pour servir de guides. Dès son plus jeune âge, Phakyab Rinpoché a su qu’il devait écouter leur chant pour savoir où aller. Sa vocation de moine s’est décidée l’année de ses 13 ans. Endormi dans les hautes herbes, il rêve. Une silhouette se dessine. Un être de lumière le regarde. C’est le Bouddha Maitreya - le protecteur, la divinité de l’amour - qui lui demande de le suivre. Le veut-il ? « Oui », répond le rêveur qui se réveille aussitôt, le visage baigné de larmes. « Je fais alors le vœu de donner ma vie en offrande à tous les êtres », écrit-il. En quelques minutes, l’adolescent est devenu un autre. Il raconte cette vision à sa grand-mère qui, la première, va l’initier à la voie du Bouddha et aux grands saints du Tibet. Cette initiation n’est pas sans risque. Dans le Tibet occupé, évoquer la religion des ancêtres est un acte de résistance. Un geste politique. Qu’il paiera vingt ans plus tard en étant arrêté, torturé et poussé à l’exil.
Un destin d’exilé
En se réfugiant en Amérique, Phakyab Rinpoché s’inscrit dans le destin commun des lamas. Depuis que les Chinois ont asservi le pays, les plus grands maîtres se sont exilés pour assurer la transmission. Pour la plupart en Inde. Mais beaucoup aussi se sont installés aux Etats-Unis, la terre des Peaux Rouges. Une de leurs vieilles prophéties semble d’ailleurs l’avoir annoncé, il y a bien longtemps : « Quand les oiseaux de fer voleront, quand les chevaux de fer galoperont sur des roues, le Dharma sera chassé du Tibet. Les Tibétains se répandront comme des fourmis sur l’espace de la Terre. Et le Dharma parviendra au Pays de l’homme rouge ». En Amérique Phakyab Rinpoché se confie à une psychologue. Pour la première fois, il parle de sa situation de réfugié, des coups subis, de la violence, de la torture. « Cesser d’être un homme, être réduit à l’état de rebut abject, le corps disloqué, démembré, humilié par des traitements dégradants - comment exprimer cela à des êtres dont l’intégrité physique et morale n’a jamais été bafouée ? » Mais il n’en veut pas à ses tortionnaires - ils ont accumulé tant de mauvais « karma » qu’ils sont à plaindre. Autant victimes que lui, finalement. « Le véritable ennemi est toujours en soi, raconte-t-il en bouddhiste authentique. C’est la haine, la colère, la volonté de posséder, le désir de vengeance. »
La guérison en soi
La victoire
Cinq ans plus tard, Phakyab Rinpoché remarche sans problème. Aujourd’hui, de la gangrène, il ne reste qu’une vieille cicatrice. L’astragale, l’os de la cheville est reconstitué. Mais le lama ne cache pas sa déception: « Pourquoi ces mêmes médecins qui avaient voulu m’amputer ont-ils dédaigné ma guérison ? Ils ont vu les plaies de ma gangrène cicatriser, j’ai progressivement réussi à marcher sans béquille. Pourtant, ils ont préféré ignorer cette évolution. Parce qu’elle contredisait leurs pronostics ? Parce que j’ai fait appel pour guérir au potentiel de guérison de l’esprit ? » Pour le corps médical, son cas relève plus des guérisons spontanées inexplicables. Car les techniques d’imageries médicales les plus sophistiquées ne permettent pas d’observer et de comprendre le phénomène. Pour Phakyad Rinpoché, la réponse est limpide : son intense pratique de la méditation l’a soigné. Et sauvé de l’amputation. C’est en tous les cas la première fois dans l’histoire médicale et celles des miracles recensés par l’Eglise qu’une repousse osseuse a lieu.
(source : Psychologies magazine)