Sauvé de l’amputation par la méditation
Sur le point d’être amputé de sa jambe dévorée par la gangrène, le lama tibétain Phakyab Rinpoché s’est tourné vers la méditation pour se soigner. Il affirme aujourd’hui qu’elle l’a guéri d’un mal jugé… inguérissable par la médecine. Miracle ? Une première mondiale en tous les cas qui interroge toutes nos connaissances sur les capacités thérapeutiques du psychisme comme sur le rapport corps-esprit. Et les révolutionnera peut-être.
Isabelle Taubes
Novembre 2003. Phakyab Rimpoché regarde de sa fenêtre, les éclairs d’orage illuminer le ciel New Yorkais. « Je ferme les yeux et respire profondément pour tenter de contrôler la douleur. Le dos me lance et j’ai aussi, à intervalles réguliers, des sensations de déchirement au pied droit que déforme une gangrène à un stade avancé. Le pansement ne réussit pas à contenir l’odeur insoutenable de chair purulente que dégage ma plaie », écrit le lama tibétain, dans son livre La Méditation m’a sauvé (avec Sofia Stril-Rever - Ed. du Cherche Midi 2014). Selon les médecins de l’hôpital Bellevue où il est arrivé dans le cadre du programme américain en faveur des survivants de la torture, seule l’amputation au dessous du genou pourrait lui permettre de survivre. Les os, le cartilage, les tissus de son pied droit sont en train de se décomposer d’une manière irréversible. De plus, une pleurésie et une tuberculose osseuse épuisent son organisme. Ni les antibiotiques ni les curetages quotidiens n’ont le moindre effet. Son état est la conséquence des tortures infligées par la police chinoise quelques années auparavant.
Un grand méditant
Petit retour en arrière car l’histoire de cet homme n’a rien de banale. Né en 1966 au pays des Neiges, le Tibet, il est un descendant des mythiques cavaliers Khampas qui vainquirent la dynastie chinoise Tang. Il a grandi en pleine nature, au milieu des chevaux et des troupeaux de yaks. Dans ce monde, les dieux se transforment en oiseaux pour servir de guides. Dès son plus jeune âge, Phakyab Rinpoché a su qu’il devait écouter leur chant pour savoir où aller. Sa vocation de moine s’est décidée l’année de ses 13 ans. Endormi dans les hautes herbes, il rêve. Une silhouette se dessine. Un être de lumière le regarde. C’est le Bouddha Maitreya - le protecteur, la divinité de l’amour - qui lui demande de le suivre. Le veut-il ? « Oui », répond le rêveur qui se réveille aussitôt, le visage baigné de larmes. « Je fais alors le vœu de donner ma vie en offrande à tous les êtres », écrit-il. En quelques minutes, l’adolescent est devenu un autre. Il raconte cette vision à sa grand-mère qui, la première, va l’initier à la voie du Bouddha et aux grands saints du Tibet. Cette initiation n’est pas sans risque. Dans le Tibet occupé, évoquer la religion des ancêtres est un acte de résistance. Un geste politique. Qu’il paiera vingt ans plus tard en étant arrêté, torturé et poussé à l’exil.
Un destin d’exilé
En se réfugiant en Amérique, Phakyab Rinpoché s’inscrit dans le destin commun des lamas. Depuis que les Chinois ont asservi le pays, les plus grands maîtres se sont exilés pour assurer la transmission. Pour la plupart en Inde. Mais beaucoup aussi se sont installés aux Etats-Unis, la terre des Peaux Rouges. Une de leurs vieilles prophéties semble d’ailleurs l’avoir annoncé, il y a bien longtemps : « Quand les oiseaux de fer voleront, quand les chevaux de fer galoperont sur des roues, le Dharma sera chassé du Tibet. Les Tibétains se répandront comme des fourmis sur l’espace de la Terre. Et le Dharma parviendra au Pays de l’homme rouge ».
En Amérique Phakyab Rinpoché se confie à une psychologue. Pour la première fois, il parle de sa situation de réfugié, des coups subis, de la violence, de la torture. « Cesser d’être un homme, être réduit à l’état de rebut abject, le corps disloqué, démembré, humilié par des traitements dégradants - comment exprimer cela à des êtres dont l’intégrité physique et morale n’a jamais été bafouée ? » Mais il n’en veut pas à ses tortionnaires - ils ont accumulé tant de mauvais « karma » qu’ils sont à plaindre. Autant victimes que lui, finalement. « Le véritable ennemi est toujours en soi, raconte-t-il en bouddhiste authentique. C’est la haine, la colère, la volonté de posséder, le désir de vengeance. »
La guérison en soi
En ce mois de novembre 2003, les médecins décrètent que l’amputation de la jambe gangrénée est la seule solution. Il ne s’y résout pas car ce serait un obstacle à la circulation des énergies à travers le corps. Indécis, il écrit au Dalai Lama. La réponse ne se fait pas attendre : « Pourquoi cherches-tu la guérison à l’extérieur de toi ? Tu as en toi la sagesse qui guérit. Et une fois guéri, tu enseigneras au monde comment guérir. » C’est une révélation pour Phakyab Rinpoché. En dépit des avertissements de ses médecins, il quitte l’hôpital Bellevue le 1er décembre 2003 pour un petit appartement de Brooklyn qui sera sa grotte de méditation. « J’avais coutume d’appeler sur moi la protection du faucon, j’invoquai ce jour-là la protection de ma lignée. Et rapidement, je perçus une aura de protection lumineuse et bienveillante. » C’est le début d’une retraite de trois ans, trois de méditation et de yoga, trois ans de travail sur les énergies du corps. Ou plutôt des corps. Car dans la tradition bouddhiste, derrière le corps physique visible s’en tient un autre, invisible, « conscient et relié à des niveaux profonds de l’esprit. » La méditation consiste à entrer en contact avec lui.
Le lama effectue également un intense travail de visualisation en imaginant son corps comme une enveloppe vide, sans la chair ni les os. Travail de respiration aussi , « pour chasser les toxines, les expirer », afin de mieux faire circuler les 21 600 « souffles », nos forces de vie. Pendant sa retraite, Phakyab Rinpoché met en place un véritable programme thérapeutique. Basé d’une part sur une véritable ascèse : lever à 5h, coucher après minuit, repas simples à base de farine d’orge, de fromage, de thé. Mais surtout sur un travail spirituel essentiel : prières, offrandes, récitation de mantras, utilisation de pierres médicinales. Des dieux à forme humaine et à tête de cheval ou de buffle sont invoqués pour faire face à la maladie, puis Tara verte, mère de tous les humains. Il se relie ainsi au monde des ancêtres et des forces agissantes. Bien sûr, tout cela ne s’improvise pas. Il faut être initié dès son plus jeune âge pour espérer obtenir des résultats.
La victoire
Cinq ans plus tard, Phakyab Rinpoché remarche sans problème. Aujourd’hui, de la gangrène, il ne reste qu’une vieille cicatrice. L’astragale, l’os de la cheville est reconstitué. Mais le lama ne cache pas sa déception: « Pourquoi ces mêmes médecins qui avaient voulu m’amputer ont-ils dédaigné ma guérison ? Ils ont vu les plaies de ma gangrène cicatriser, j’ai progressivement réussi à marcher sans béquille. Pourtant, ils ont préféré ignorer cette évolution. Parce qu’elle contredisait leurs pronostics ? Parce que j’ai fait appel pour guérir au potentiel de guérison de l’esprit ? » Pour le corps médical, son cas relève plus des guérisons spontanées inexplicables. Car les techniques d’imageries médicales les plus sophistiquées ne permettent pas d’observer et de comprendre le phénomène.
Pour Phakyad Rinpoché, la réponse est limpide : son intense pratique de la méditation l’a soigné. Et sauvé de l’amputation. C’est en tous les cas la première fois dans l’histoire médicale et celles des miracles recensés par l’Eglise qu’une repousse osseuse a lieu.
(source : Psychologies magazine)