Elisabeth Louise Vigée-Lebrun 1755 - 1842

Par Mpbernet

Des peintures de Madame Vigée-Lebrun, je ne gardais le souvenir que de compositions officielles de la Reine Marie-Antoinette, images de pure propagande d’une souveraine contestée, avec ses coiffures hyper crêpées et poudrées, son menton légèrement en galoche – héritage Habsbourg – et des yeux bleus trahissant une probable hypertrophie thyroïdienne … Et rien, jusqu’à cette première rétrospective (130 peintures), ne me laissait supposer l’étendue de son fantastique talent de portraitiste.

Voici une jeune femme très belle, bénéficiant dès son plus jeune âge des conseils de son père portraitiste doué mais loin de ses incroyables capacités, qui s’établit à son compte dès 19 ans, traverse l’époque la plus dangereuse de notre histoire en se hissant jusqu’aux plus hautes sphères sociales, uniquement grâce à son incroyable talent à saisir la ressemblance de ses modèles, tout en les sublimant … juste ce qu’il faut, et grâce à une inlassable activité. Marie-Antoinette qui en fit son portraitiste officiel en 1774 disait d’elle qu’elle était la seule artiste qui savait la représenter … 

Jusqu’à 1789, Elisabeth Vigée-Lebrun réalise les portraits de toute la haute noblesse de la France : ses tarifs sont très élevés et elle produit beaucoup, son mari marchand de travaux en tire la substantifique moëlle. Les messieurs sont ravis de pouvoir laisser leur épouse – ou maîtresse – poser de longues heures souvent peu vêtues en compagnie d’une femme et à l’occasion, de se faire portraiturer eux mêmes en grand appareil, ordre de Saint Louis au revers et au col. Mais Elisabeth Vigée-Lebrun s’attache aussi à croquer ses contemporains dans la fougue de l’instant : extraordinaire portrait du peintre Hubert Robert (1788).

Les sourires des femmes, leurs toilettes vaporeuses qui les mettent irrésistiblement en valeur, avec une touche évidente d’élégance et d’érotisme, les costumes de fantaisie comme celles de sultanes n’éclipsent pas cependant les délicieuses images d‘enfants comme cette petite fille qui sort une pelote de laine rouge d’un grand sac bordé de galons ou le double portrait des enfants royaux …

 

Elisabeth Vigée-Lebrun met en lumière la nouvelle tendance : celle qui pousse les mères à s’occuper personnellement de leurs enfants, comme elle se montre elle-même serrant dans ses bras sa fille adorée Julie.

Elle peint ainsi la reine de France en robe de gaulle(*) – simple mousseline de coton blanc, vêtement d’intérieur – et fait scandale mais aussitôt, toutes les femmes adoptent cette tenue, à travers toute l’Europe.

Je n’oublie pas que ces nombreux autoportraits – ainsi que nous l’apprend Philippe Abastado – constituent à l’époque la meilleure des promotions puisque le client est aussitôt en mesure d’apprécier la ressemblance entre peinture et modèle …

Le 6 octobre 1789, comprenant que ses accointances avec la famille royale deviennent dangereuses, elle part avec sa fille vers Rome pour raire son « grand Tour ». Hélas, les événements politiques la contraindront à rester éloignée de Paris pendant les douze années suivantes, où elle sillonne l’Europe et portraiture toutes les célébrités, malgré des tarifs faramineux. Une occasion pour nous, face à toutes ces images marquées d’un style impeccable, maîtrisé dès la jeunesse, de constater combien l’élégance des toilettes, le style français dominent tout ce qui compte de Paris à Rome, de Vienne à Saint-Pétersbourg. J’adore les portraits de Lady Hamilton en Sybille et en Bacchante, la plus belle femme de son temps, passion d’Horatio Nelson, et aussi celui de Germaine de Staël en Corinne, certainement très améliorée.

Je pense avec horreur aussi à cette superbe image de Madame de Polignac choisie pour l’affiche de lexposition, avec sa capeline fleurie, ou les autoportraits – celui au ruban rouge – ou celui de la duchesse de La Rochefoucauld chapeautée de bleu, dotée pourtant d’un long nez mais dont l’intelligence affleure à travers le doux regard…

Louise-Elisabeth Vigée-Lebrun revint à Paris en 1802 et reprit sa carrière auprès de la bonne société impériale et européenne, et auprès de ses fidèles : Greuze, Hubert Robert, Brongniart et Ménageot qui l’avait accueillie à Rome. Elle avait eu la douleur de perdre la fille unique dans des circonstances atroces. En rédigeant ses souvenirs, elle laisse un témoignage particulièrement riche sur la société de ce temps et l’évolution vers le Romantisme. C’était une femme libre et un des plus grands artistes de son siècle. Cette exposition lui rend un bel hommage, parfaitement justifié.

Elisabeth Louise Vigée-Lebrun, exposition dans les Galeries Nationales du Grand Palais – entrée derrière la statue du Général de Gaulle – jusqu’au 11 janvier – 13€ - Fermé le mardi.

(*) pour toute explication sur la robe en gaulle (avec 2 l mais rien à voir avec le Général), ne pas manquer de consulter le blog de Popeline - Les Petites Mains, à la dat du 9 juin 2009.