La levée de boucliers syndicale que suscite la réforme du collège imposée par Najat Vallaud-Belkacem a de quoi surprendre. Qu’une formation estampillée à droite (elle s’en défend) comme le Syndicat national des lycées et collèges (SNALC) déclare refuser « une réforme désastreuse », passe encore. Mais que cette réforme suscite également la mobilisation de plusieurs des syndicats collectivistes grenouillant dans les parages de la Rue de Grenelle, voilà qui est plus surprenant.
La FSU de Bernadette Groison s’est pourtant rangée dans le camp du « non ». L’union de l’eau et du feu ? Pas tant que ça. Même si, depuis 2008, le syndicalisme scolaire est en voie de fragmentation, il reste majoritairement dominé par des formations de gauche. Lors des élections professionnelles de 2014, c’est la FSU qui a conservé la première place (35,5 % des suffrages), suivie par l’UNSA-Éducation (21,9 %), le FNEC-FP-FO, (13,6 %), le SGEN-CFDT (8,9 %) et la CGT Educ’action (5,5 %). Le SNALC n’apparaît qu’en 6e position avec près de 5,5 % des voix.
Les syndicats collectivistes mordent la main qui les nourrit. Mais pas trop fort. Car, ils sont largement gâtés par leur ministre de tutelle qui permet aux enseignants de disposer de temps libre pour leur activité syndicale. Coût de cette faveur : environ 82 millions par an. Après la FSU, championne toute catégorie avec 817 postes de syndicalistes en équivalent temps plein (ETP) pour l’année scolaire 2012-2013, ce sont l’UNSA (444 ETP), FO (166), la CFDT (156), la CGT (123) et Sud Éducation (117) qui profitent des plus gros avantages.
La mobilisation de la FSU contre la réforme du collège n’est pas dénuée d’arrière-pensées politiques. Elle intervient quelques mois après une « mobilisation » contre la nouvelle répartition des zones d’éducation prioritaire et un bilan critique de la réforme des rythmes scolaires. Depuis des mois, la FSU cherche à engager un bras de fer avec un gouvernement par lequel elle s’estime trahie.
Selon un sondage Opinion Way pour Le Figaro de juillet 2015, les enseignants sont à peine 21 % à se déclarer prêts à voter une nouvelle fois pour François Hollande alors qu’ils étaient 42 % à le soutenir en 2012. Portées par la stagnation des salaires et le discrédit frappant leur profession, les manifs anti Belkacem du printemps 2015 s’inscrivent aussi dans une tradition de confrontation bête et méchante. Depuis les années 1960, s’est engagée une dialectique négative avec, d’un côté des ministres de l’Éducation qui poussent leurs réformettes et, de l’autre des syndicats qui les bloquent.
« Développer une école plus juste socialement »
À l’université, bon nombre de professeurs ont soutenu l’interminable suite de «mobilisations» printanières qui se sont généralisées depuis mai 68. Même logique pour les enseignants du secondaire. Réformes Fontanet/Haby au milieu des années 1970, projet Devaquet en 1986, loi Fillon en 2005… Aujourd’hui, malgré l’émergence d’un courant syndical de droite, la majorité des enseignants reste attachée à l’esprit du plan Langevin-Wallon. Ceux- ci, technocrates proches du PC, ont transformé l’école en théâtre de lutte des classes au détour des années 1950. Les différences de niveaux entre élèves ont fini par être assimilées à des inégalités qu’il fallait niveler. Porté par
la gauche syndicale, ce courant progressiste a connu une victoire avec l’instauration du collège unique dans les années 70. La réforme du collège de 2015 est une nouvelle étape. Cette fois, on va jusqu’à supprimer les classes bilangues et les sections européennes jugées trop inégalitaires. « On préfère les indicateurs mesurant les écarts entre les meilleurs et les plus faibles (…) à des indicateurs mesurant en valeur absolue le niveau des élèves et leur progression (…) : c’est le signe d’un changement de priorité, l’éducation devant être, avant tout, créatrice d’égalité », résument Olivier Vial et Inès Charles-Lavauzelle dans un livre intitulé « L’école, malade de l’égalitarisme » (Éditions CERU).
Paradoxalement, c’est parfois au nom de cet égalitarisme radical que certains syndicats protestent contre la réforme Belkacem. Si FO, la CGT et Sud la rejettent, ce n’est pas parce qu’ils militent pour un retour à l’enseignement traditionnel. Mais, parce qu’ils redoutent que l’antiélitisme forcené de la réforme ne provoque la fuite des meilleurs élèves vers le privé, une nouvelle sélection sociale…
D’autres syndicats ont des visées ouvertement « boutique ». Ils redoutent par exemple que l’apparition de nouveaux « enseignements pratiques interdisciplinaires » (EPI) menace la spécialisation des enseignants. Ils sont aussi inquiets devant les 20 % de marge d’autonomie laissée aux chefs d’établissement à l’idée qu’elle crée une concurrence entre les établissements et une émulation entre les enseignants.
Et l’école dans tout cela ? Comme l’écrit l’UNSA il s’agit de « secouer les carcans d’un système sclérosé pour développer une école bienveillante et plus juste socialement ». Pour y parvenir autant changer les programmes et puis, pourquoi pas, arrêter d’enseigner le français au titre de ses difficultés discriminantes !
Henri Dumaine
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