Titre original : The Visit
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : M. Night Shyamalan
Distribution : Olivia DeJonge, Ed Oxenbould, Deanna Dunagan, Peter McRobbie, Kathryn Hahn…
Genre : Épouvante/Horreur/Comédie
Date de sortie : 7 octobre 2015
Le Pitch :
Becca et son petit frère Tyler décident d’aller passer un semaine chez leurs grands-parents, qu’ils rencontrent pour la première fois. Très chaleureux, ces derniers sont ravis de faire la connaissance de leurs petits-enfants, qu’ils accueillent dans leur grande ferme. Les choses se corsent quand les gamins s’aperçoivent que mamie et papy sont complètement timbrés. Tout particulièrement à la nuit venue…
La Critique :
Si vous faites bien attention, un peu plus haut sur cette même page, nous avons estampillé le film, horreur et épouvante (normal), mais aussi comédie. Car bien que vendu comme un truc flippant, The Visit, ce n’est pas possible autrement, a aussi été pensé comme une bonne vieille pantalonnade, avec des gags, soit plutôt discrets ou sujets à l’appréciation de chacun (comprendre : on peut trouver ça drôle ou non), soit très directs, via des répliques et des situations plutôt très drôles, qui ne peuvent pas être le fruit du hasard. Et autant le dire tout de suite, The Visit est même plus drôle qu’il n’est effrayant. À vrai dire, quelques scènes s’avèrent bien sûr assez tendues, mais le scénario semble pressé de désamorcer régulièrement la tension avec un gag ou une ligne de dialogue. Et ce jusqu’à la fin, avec ce générique au diapason qui permet à The Visit de s’achever avec un sourire. Autrement dit, nous sommes loin de Blair Witch.
M. Night Shyamalan est de retour ! Et pas du tout où on l’attendait même si au bout d’un moment, à forcer d’enfiler les échecs cuisants, il fallait aussi se douter que le cinéaste serait obligé de revoir sa stratégie. La sienne fut donc de s’associer avec le très productif Jason Blum de BlumHouse, le nouveau patron de l’horreur discount, dont les productions coûtent en général moins de 5 millions de dollars (on lui doit Paranormal Activity, Sinister, mais aussi Unfriended, The Gallows…). C’est ainsi qu’après son dernier plantage en date, soit l’arrêt de sa série Wayward Pines, au bout d’une saison, l’ex-enfant chéri de Hollywood a décidé, un peu forcé on s’en doute, de revenir à quelque chose de plus modeste. Le found footage, avec son faible besoin en dollars, s’est alors imposé et Shyamalan de sortir des placards une histoire vieille de quelques années, au sujet de la rencontre entre deux enfants et leurs grands-parents. Une sorte de relecture moderne d’Hansel & Gretel en somme, pour une tentative assez étrange de regagner le cœur d’un public fermé comme une huître, après avoir dû supporter successivement Phénomènes, Le Dernier Maître de l’Air, et After Earth. Ce n’était pas gagné…
On s’aperçoit d’emblée que The Visit n’est pas réalisé par le premier apprenti cinéaste venu. Pas forcément ravi de retrouver Shyamalan derrière un tel projet (même si, ne l’oublions pas, le grand Barry Levinson est aussi passé par là avec The Bay), force est de reconnaître que son film bénéficie néanmoins de son savoir-faire, en cela qu’il reste lisible en permanence (pas de caméra qui remue dans tous les sens), et que la photographie assure le job. En prenant comme prétexte que les enfants au centre de l’histoire réalisent un documentaire pour ensuite l’offrir à leur mère, le film ne tombe pas trop dans les gros clichés gerbants propres aux found footages. On ne voit par exemple jamais la minuterie du caméscope, ni le petit point rouge à l’écran, et parfois, on en vient à oublier qu’il s’agit d’un found footage. Bonne nouvelle. Le scénario aussi fait le maximum pour expédier vite fait les plus gros clichés propres à ce genre d’exercice, même si on ne coupe pas à tout non plus.
Viennent ensuite les grands-parents, et avec eux les frissons présumés, vendus sur l’affiche. Mais non, au lieu de ça, The Visit préfère faire sourire et verser bizarrement dans le mélo. Il appuie sur la corde sensible en soulignant le traumatisme de ces enfants abandonnés par leur père quelques années plus tôt et laissés aux bons soins d’une mère courage (jouée par l’excellente Kathryn Hahn). Ils rencontrent leurs grands-parents et veulent marquer le coup. Et tant pis si mamie gerbe partout la nuit et que papy porte des couches qu’il entasse dans la remise au fond du jardin. Et vas-y que je te multiplie les répliques du genre « ça pue du cul ici », en face desquelles il est impossible de ne pas sourire sans très bien savoir si il s’agit de lard ou de cochon. D’un côté le long-métrage nous cause d’une famille dysfonctionnelle avec une sincérité un peu désarmante et de l’autre il fait rire. Petit à petit toutefois, l’épouvante s’invite à la fête. Quand la nuit tombe, les grands-parents sombrent dans la folie. Parfois c’est drôle, d’autres fois, beaucoup moins. De temps en temps, on ne sait plus trop si il faut en rire ou en frissonner.
En gros, The Visit résulte du boulot d’un mec qui -positivement- n’en a plus rien à foutre. Shyamalan le sait, il est attendu au tournant. Les critiques comme une certaine frange du public n’attendent qu’une chose : le voir se planter une nouvelle fois et commenter jusqu’à plus soif. Il mélange donc les genres, adoptes les us et coutumes du found footage et à la fin, nous offre un cocktail certes bizarre, mais à n’en pas douter couillu et finalement original. Il parle de la famille, profite du talent de ses acteurs pour communiquer une certaine authenticité, et orchestre un curieux manège bien plus cohérent qu’il n’y paraît.
Pour ce qui est de foutre les jetons, The Visit marque des points à plusieurs reprises, mais comme mentionné plus haut, il ne s’attarde jamais trop long longtemps sur la peur. Sorte de conte retors et malin, le film aime déstabiliser son audience au risque de s’attirer les foudres de ceux qui ne goûteront pas au mélange. De retour à quelque chose de plus modeste, Shyamalan en profite pour s’amuser et retrouve une certaine flamboyance dans l’écriture, comme en témoigne son twist, aussi simple qu’efficace. The Visit prend alors des airs de légende urbaine. Le genre qu’on se raconte au coin du feu, l’été, en grillant des marshmallows. Bien rythmé, il n’est jamais ennuyeux.
Tout le monde sera d’accord, The Visit n’est pas un grand film. Shyamalan est revenu par la petite porte après le plantage d’After Earth. Mais au moins, il n’a pas salopé le boulot. Délesté de la pression des studios et de leurs gros budgets, il nous a emballé ici un petit truc tout à fait divertissant qui s’impose, n’ayons pas peur des mots, comme un des meilleurs found footages vus depuis très longtemps. Un long-métrage dont l’opportunisme consiste justement à utiliser des codes à son avantage, sans céder aux grosses facilités et à l’arrivée, à faire preuve d’une singularité en somme toute assez franche pour se démarquer.
Une bonne petite partie de campagne en compagnie de grands-parents complètement tarés, qui ne manque pas de sel.
@ Gilles Rolland