Si vous cherchez à comprendre dans le détail les déterminants des cours en bourse , autant vous dire que vous n’avez pas fini de pédaler dans la semoule. Aveuglés par leur cupidité, les spéculateurs semblent préférer agir directement sur les cours, plutôt que d’estimer leur valeur future, s’épargnant ainsi des erreurs stratégiques et une attente pesante. Le jeu promet alors d’être amusant, car si juridiquement tout n’est pas permis, il semble n’y avoir rien de plus facile que de manipuler les cours de la bourse. Alors, pourquoi pas vous ?
Du trader de Swift Trade à l’imposteur aux 11 followers, une pratique à la portée de tous :
Vendredi 25 Septembre 2015 l’ex-trader de Swift Trade, Bill Nee, est mis en cause pour manipulation de cours par la Commission de l’AMF. Il ferait partie d’un réseau organisé utilisant la technique du « mille-feuille » ou « layering » en anglais. Celle-ci consiste à émettre une quantité importante d’ordres sur un marché, allant dans le même sens, ce qui provoque le décalage de la fourchette de cotation d’un titre pendant un laps de temps suffisant pour permettre aux traders d’opérer une transaction opposée, puis d’annuler tous les ordres.
Ces séquences, au nombre de 8 077, visant 27 valeurs du CAC 40, duraient environ 300 secondes, et auraient permis à Bill Nee d’empocher entre 140 000 et 590 000 euros de février à novembre 2009. De quoi financer une addiction à la poudre blanche !
Cependant, cette technique nécessite des connaissances aiguisées et du matériel à la pointe. Mais la manipulation de cours est un art qui peut se contenter d’une simple connexion internet… Le 29 janvier 2013, un tweet fait chuter le cours de bourse d’une entreprise du NASDAQ de 25% en quelques minutes seulement, alors que le compte, qui a plagié le nom de la société de bourse Muddy Waters, ne comptait que … 11 followers !
Un autre incident, en 2013 également, provenant du réseau social Twitter avait fait perdre 136,5 milliards de dollars à la bourse américaine. La raison ? Une soit-disant attaque de la Maison Blanche qui aurait blessé le président Barack Obama. Information qui s’est évidemment révélée être une intox.
Un autre incident, en 2013 également, provenant du réseau social Twitter avait fait perdre 136,5 milliards de dollars à la bourse américaine. La raison ? Une soit disante attaque de la Maison Blanche qui aurait blessé le président Barack Obama. Information qui s’est évidemment révélée être une intox.
Si l’objectif de ces malfaiteurs reste mystérieux, il est certain qu’ils peuvent remporter le gros lot ! Il suffit de profiter de la baisse brutale des cours pour acheter une grosse quantité de titres, et d’attendre que le cours remonte – soit par le démenti de l’information, ou simplement grâce à notre action sur le marché – pour les vendre. La plus-value est non négligeable. Tel George Sorros en 1992, nous pouvons simplement nous servir des magnifiques propriétés de l’offre et de la demande pour remporter une somme équivalente à plusieurs années de dur labeur, quitte à faire plonger une entreprise ou, pour les plus vaillants, un grand pays !
Les autorités sont noyées …
Les autorités publiques françaises ont mis en place une jurisprudence pour la manipulation des cours, et l’AMF a formulé l’interdiction de la technique du millefeuille, mais cela n’empêche en rien les manipulations. Pourquoi ? Car il est difficile de les repérer. En effet les exemples cités ne sont que de rares cas de manipulations identifiées par les autorités. Il faut savoir que l’affaire du trader chinois de chez Swift Trade a demandé pas moins de « Huit enquêteurs, quatre ans d’enquête, 625.000 documents, 14.000 tableaux excel, une pile de dossiers qui, imprimés, serait plus haute que la Tour Eiffel » comme nous l’indique ironiquement le journal les échos.
De plus, la manipulation de cours est extrêmement difficile à démontrer, même lorsque celle-ci a été remarquée. Ces manipulations passent désormais par du High Frequency Trading. Il suffit à un homme de modifier l’algorithme le temps de quelques secondes, il manipulera alors les cours sans courir le risque d’être détecté… ou presque !
Le site nanex dévoile des graphiques qui représentent les algorithmes suspects enregistrés dans différents marchés boursiers. On a ici affaire à du Quote Stuffing (manipulation de cours dans le cadre du High Frequency Trading). Selon eux, on pourrait en trouver des centaines tous les jours.
Ces fraudes pourraient être détectées mais, plongées dans un océan de manipulations en tous genres, les autorités rament. Le seul recours de l’AMF et des autorités financières internationales est alors de se montrer particulièrement sévères lorsqu’elles mettent enfin la main sur les fraudeurs.
Bourse Direct a ainsi été condamnée à 250 000 euros d’amende en 2014 pour ne pas avoir détecté la manipulation de cours opérée par un de ses clients, alors qu’une amende de 150 000 euros seulement avait été réquisitionnée par le collège de l’AMF. « En dépit de la multitude d’alertes paramétrées par la société, celle-ci n’était pas en mesure de les traiter efficacement, notamment en les croisant les unes avec les autres » a déclaré la cour des sanctions.
Quelques conseils :
Si vous comptez manipuler les cours de la bourse, vous avez plusieurs options. Soit vous êtes trader, alors faites-vous plaisir avec les nouvelles technologies (vous avez peu de chances d’être attrapé), sinon, sacrifiez un ami pour poster un faux tweet et faites votre affaire en tout anonymat ! Gordon Gekko disait dans le Wall Street » : « if you are not inside, you’re outside. », donc à vous de jouer !
Complément d'information et définitions juridiques
+Pour plus d’informations, nous vous invitons à jeter un œil à ces sites :
- Comment manipuler les marchés pour les nuls (et comment ne pas se faire manipuler…) ?
- Petit cours de manipulation des marchés
Le sénat français définit ainsi les manipulations de marché :
« Les manipulations de marché comprennent les manipulations de cours et la diffusion d’une fausse information » (http://www.senat.fr)
L’AMF interdit la technique du millefeuille dans l’article 6.3.1.3.2 interdisant qu’ « une quantité importante d’ordre passés porte sur de gros volumes de titres ». (http://www.amf-france.org)