Les femmes peuvent-elles consommer un tout petit peu d’alcool pendant la grossesse? Existe-t-il un niveau très faible de consommation sans effet pour le bébé ? Des experts rappellent les données d’études sur ce sujet parfois controversé. Mais le message est à nouveau sans ambiguïté : » L’alcool n’est pas essentiel pour le bien-être d’une femme enceinte et est nocif pour le bébé. Le seul conseil éthique qui peut être donné est l’abstinence complète d’alcool pendant la grossesse « . Cet examen de la preuve, présenté dans le British Médical Journal va plus loin. Il précise qu’il n’existe aucune preuve d’un niveau en deçà duquel la consommation d’alcool est sans danger pour le bébé.
Cet article d’examen et d’opinion signé Mary Mather, pédiatre à la retraite, et Kate Wiles, chargé de recherche en médecine obstétrique au Guys and St Thomas NHS Trust, rappelle, à nouveau, le risque dramatique de syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF) avec son retard mental, ses troubles du développement, ses anomalies du comportement et le risque de faible poids de naissance. L’article souligne que pourtant, dans certains pays, les recommandations restent ambiguës. Ainsi, au Royaume-Uni, le ministère de la Santé recommande que les femmes enceintes évitent l’alcool mais précise tout de même un niveau apparemment "sûr" : si une femme » choisit de boire », elle devrait ne pas boire plus de 4 unités par semaine. Le NICE britannique (équivalent de notre HAS) recommande, quant à lui d’éviter l’alcool durant les 3 premiers mois de grossesse. Enfin, le Collège royal des gynécologues et obstétriciens précise que les effets de » petites quantités d’alcool » ne sont pas démontrés.
Il existe pourtant un consensus international : Près de 4.000 documents ont été publiés confirmant la tératogénicité de l’alcool. En revanche, précisons-le, il n’existe aucune preuve scientifique d’un bénéfice de l’alcool pour le développement embryonnaire et fœtal. Ses effets indésirables pour le fœtus ont été démontrés par des études cliniques, des études comportementales et épidémiologiques, incluant le syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF), le retard mental, les anomalies du développement et du comportement et le faible poids de naissance.
Au moins 1% des naissances vivantes sont affectées par l’exposition prénatale à l’alcool, reconnu comme une cause majeure bien qu’évitable de malformations congénitales et de handicap, de syndrome de Down, de paralysie cérébrale, de syndrome de mort subite du nourrisson, de fibrose kystique et de spina-bifida.
Mais quand et comment se développent les dommages au fœtus ? Les femmes enceintes se posent la question mais ce processus reste mal connu et peut varier en fonction de chaque grossesse individuelle. En particulier, le niveau d’alcool et le moment où les dommages au fœtus se produisent est inconnu et susceptible de varier d’une grossesse à un autre. Entrent en ligne de compte les facteurs nutrition, génotype, phénotype, l’origine ethnique, le métabolisme et le tabagisme aussi.
ØCela n’exclut pas, néanmoins, l’absence de seuil démontré en deçà duquel la consommation d’alcool reste sécuritaire pour la mère et l’enfant.
Et cela en dépit d’avis contradictoires sur le nombre d’unités d’alcool sans danger pour les femmes enceintes, notamment au Royaume Uni. Car si les études n’apportent aucune preuve solide que consommer de l’alcool dans les limites conseillées après 12 semaines de grossesse est nocif pour le fœtus, elles n’apportent pas de preuve non plus d’un seuil sûr à 100%.
Il existe également une incertitude considérable autour de la relation entre la consommation d’alcool et certaines conditions associées.
Ainsi, les études sur les effets de l’alcool pendant la grossesse sur le développement de l’enfant sont compliquées par des facteurs de confusion tels que le statut socioéconomique et le tabagisme.
Enfin, les études ne peuvent pas déceler de faibles effets sur le développement du cerveau.
» Pourtant, l’absence de preuves n’équivaut pas à une preuve de l’absence de préjudice « .
L’importance d’un message clair :
Toutes "prescription" pendant la grossesse doit émaner d’un rapport bénéfice-risque, rappellent les auteurs. Pour l’alcool idem. Et ici la balance penche très nettement du côté des risques. D’autant que l’alcool n’est pas essentiel au bien-être d’une femme enceinte ! Cependant quelques obstacles doivent être surmontés dans la communication du professionnel à la patiente :
- Premier obstacle, la notion d’unité d’alcool mal comprise par les femmes enceintes mais aussi les professionnels de la santé.
- Second obstacle, la preuve scientifique peut être parfois » floue « .
La communication d’un message globalement flou et pas suffisamment fort a des conséquences dramatiques :Une étude prospective du Royaume-Uni a montré que la proportion de femmes qui boivent de l’alcool pendant la grossesse est de 79%, 63%, et 49% respectivement aux premier, second et troisième trimestre de grossesse. Une récente étude a révélé qu’une femme sur 3 consomme de l’alcool et une sur 10 pratique le binge drinking durant sa grossesse.
Cependant, en dépit de certaines zones de doute, les professionnels de santé doivent communiquer sur les dangers et non sur les limites de la preuve actuelle.
» C’est à nous, scientifiques de résoudre ces incohérences et de présenter la preuve d’une manière claire et sans ambiguïté « .
» Nous avons publié une série de conseils parfois contradictoires. C’est notre faute, pas celle des femmes. La solution est de ne nous soustraire à notre responsabilité par des conseils confus, mais de confirmer la nécessité d’une abstinence totale. Nous devons résoudre nos incohérences, puis présenter la preuve d’une manière claire et sans ambiguïté. Ce qui ne signifie pas qu’il faille dissimuler que la preuve aujourd’hui ne peut pas toujours fournir une réponse claire et sans ambiguïté « , concluent les auteurs.
Source: BMJ 2015;351:h5232 06 October 2015 Should women abstain from alcohol throughout pregnancy?
Lire aussi :ALCOOL durant la grossesse, une femme sur 3 n’y résiste pas –
ALCOOL et GROSSESSE: Pourquoi l’abstinence doit être totale -