Toutes ? non, car quelques villages et grandes villes résistent encore, avec leur boutiques indépendantes et bien achalandées.
Comme Nebular store, à Roanne., qui fête ses... dix ans d'existence.
Sympa, lorsque l'on sait de Ludo et Eddy ne font pas que ça, mais ont chacun un métier plus rentable à côté.
©Champagne Evangelion
Mais... qui s'en serait rappelé ? Effectivement, nos deux gérants, ingrats qu'ils sont, ;-), ont préféré cet été se payer un petit trip au Japon, plutôt que de sabler le champagne à la boutique.
Aaaah... que voulez vous.. nous n'avons pas les mêmes valeurs..
Quoi que... dans Nebular... vous l'aurez remarqué, il y a "Lard"*...
Et il ne m'en faut pas plus pour vous proposer, dans la thématique anniversaire, ma deux-centième chronique. (Celles-ci ont commencé en Juin 2010) :
Oink, le boucher du Paradis
John Mueller
Delirium
Mai 2015
... Etait-il écrit que je rédigerais cette 200 tième chronique avec un album mettant en scène et en couverture, un porc, regardant à travers un judas ?
C'est ce qu'à du aussi se poser comme question John Mueller, lorsqu'il a vu débarquer en librairies en 1992 le premier tome de son comics alors fraîchement écrit, chez l'éditeur Kitchen sink press…
Apparemment bien perturbé par son enfance passée dans un système scolaire assez rude, ce garçon a gardé un sentiment très fort de rébellion envers le système, et une grosse envie de raconter l'endoctrinement et l'abattage, carrément, des enfants dans ce milieu d'un autre âge d'après lui.
Tel un George Orwell, et sa Ferme des animaux, il nous embarque donc dans une métaphore très caricaturale et très violente (l'école privée est remplacée par "l'abattoir privé" 628), où les élèves sont remplacés par des porcs que l'on va abattre, …s'ils ne suivent pas la rigueur exigée, et ne se mettent pas dans le rang.
Le genre de phrase qu'on leur enseigne à longueur de journée : "L'ignorance c'est le bonheur. Le Bonheur, c'est le sacrifice. Le sacrifice est exigé" perturbe Oink , un jeune cochon, qui se pose trop de questions. Il risque donc de finir comme son ainé un peu plus tôt, décapité et haché frais car il avait osé se révolter.
Les gardiens, sorte de religieux catholiques extrémistes et fous d'un Dieu imaginaire, font appliquer leurs règles strictes par une armée de barbares à leur solde (les Anges). Et gare à ceux qui haussent le ton.
Un jour, pourtant, Oink, qui a grandi, va oser l'impensable, et tenter sa chance pour atteindre le paradis dont on lui a bourré le mou toute sa vie…
La scène en Flash forward du début.
John Mueller/Dark Horse/Delirium
Trop d'exagération, de grimaces, de couleurs glauques, de sang, rendent en effet un premier feuilletage rebutant.
Mais ce récit, qu'on pourrait qualifier de trop caricatural, ou simpliste, (il nous donne à voir en effet qu"une vision ici : celle des cochons, car le côté des prêtres nous montre surtout des fous en dehors de toute normalité ou équilibre), fonctionne cependant, grâce à l'énergie développée dans le récit, et la profondeur graphique des images. Les dialogues étant volontairement simplifiés au maximum, avec un langage inventé de toute pièce pour justifier la condition mi homme mi bête de ces esclaves mutants sans avenir, fabriqués par l'homme, pour le servir.
On se rappellera dans un le registre du cinéma, du film Sucher Punch (2011), qui nous montrait aussi un univers carcéral et (sensé être) éducatif, plombé par la noirceur, la souffrance et la torture, dont les victimes ne s'échappaient que par le rêve…
C'est un peu ce qu'il advient de Oink, qui, au final, après avoir exprimé toute sa colère et son indignation, dans de belles scènes de combats rapprochés, finit par partir ailleurs, vers son vrai paradis, comme s'il n'y avait qu'un échappatoire. Un peu sombre...
Les Pink floyd chantaient en 1982 : "We don't need your education we don't need your taught control", dans un film (The Wall), assez glauque, où la dictature était déjà bien montrée et dénoncée.
John Mueller l'aura donc fait à sa sauce, graphiquement, dans un bel album, aujourd'hui traduit en français(1).
(1) 104 pages couleurs, complétées par 22 pages de croquis et une galerie couleur d'artistes.
La fiche de l'album sur le site de Delirium
(*) La boutique voue en plus un culte aux cochons. (Cf leur carte de visite toute neuve et quelques dessins de dessinateurs amis accrochés aux murs).
200