Un arbre peut cacher une forêt. Quelques milliers d'extrémistes peuvent vouloir faire croire au monde qu'ils représentent à eux seuls une religion qui en rassemblent des centaines de millions.
Tel est le cas, par exemple, des djihadistes de Daech qui, par leur bonne connaissance des rouages de notre “société du spectacle” et leur judicieuse utilisation de nos médias, tentent de faire croire qu'ils sont l'islam.
Tel est le cas également, en Birmanie, de quelques milliers de bouddhistes nationalistes, moines ou simples birmans, haineusement regroupés sous la robe du moine Wirathu, ex-repris de justice pour haine raciale (condamné à 25 ans de prison en 2003 et remis en liberté en... 2010!), qui parviendraient presque à faire passer l'ensemble des bouddhistes et du peuple birman pour des racistes islamophobes.
"Le Hitler birman"
Il faut dire que le susnommé Wirathu sait bien y faire, a une grande gueule, des poses très photogéniques et le sens de la formule qui plait aux médias occidentaux. “Je suis le Hitler birman!“ lance-t-il aux journalistes venus l'interviewer, avant de se lancer dans un déluge de propos irrationnels et sensationnels tout à la fois, dans lesquels les musulmans sont comparés à “des porcs, des voleurs et violeurs de femmes et une race impure“.
Au mieux, le personnage mériterait des soins psychiatriques. Au pire, une nouvelle incarcération (que se garde bien de lui faire subir le gouvernement actuel qui continue de l'utiliser à bon escient pour semer haine et chaos).
Ce n'est pourtant ni l'une ni l'autre qu'il récolte mais plutôt le vif intérêt d'une partie de la presse occidentale qui lui donne grande importance en venant le rencontrer dans son monastère et publier de longs reportages sur lui.
Le très sérieux et respecté Times a même cru bon de lui consacrer sa célèbre couverture, comme s'il était une référence mondiale.
Bouddhisme, violence et perversion
Du coup, à l'étranger, on en viendrait presque à étiqueter le peuple birman qui se bat depuis si longtemps pour la démocratie et les droits humains, comme un peuple "raciste et islamophobe".
C'est parce qu'ils en ont assez de ces amalgames et de ce qu'ils estiment être une déformation calomnieuse de la réalité birmane et du bouddhisme birman qu'une vingtaine de moines a décidé de publier un livre, intitulé “Vibhajja Echo”, “L'écho de la raison”.
J'ai rencontré deux d'entre eux, Ashin Kovida et Ashin Issariya. Leur propos sont doux et leurs visages toujours paisibles et souriants mais on sent en eux une forte détermination.
”Personne ne devrait opprimer ni vouloir supprimer d'autres religions en faveur de la sienne, m'explique Ashin Kovida. Le Bouddha a enseigné comment supprimer l'avidité, la colère, la haine et l'ignorance. Le bouddhisme est une religion de non-violence.“
“Et les violences contre les Rohingyas d'Arakhan?” demandai-je.
“Toute violence faite au nom du bouddhisme est une perversion des enseignements de Bouddha!" s'exclame-t-il.
1000 familles rohingyas cachées et protégées dans les monastères bouddhistes
“Depuis toujours, continuent Ashin Kovida et Ashin Issariya, l'immense majorité des moines bouddhistes birmans oeuvre pour l'harmonie, le respect et la paix. Nous sommes descendus dans la rue contre l'ex junte militaire lors de la Révolution safran (révolution réprimée dans le sang), nous officions depuis toujours pour aider les plus défavorisés et donnons éducation gratuite à de nombreux enfants birmans.“
A tous? Vraiment? Sans distinction de religion ou d'ethnies?
“ Oui, répond immédiatement Ashin Kovida.“ Et de me montrer, sur son téléphone, plusieurs photos d'écoles bouddhistes dans lesquelles de jeunes musulmanes, têtes voilées, apprennent à lire et à écrire, sans distinction ni discrimination au milieu des autres enfants.
"Sait-on qu'au cours des violences anti rohingyas d'Arakan en 2012, nous avons caché et protégé plus d'un millier de familles musulmanes au sein de nos monastères“ ajoute-t-il?
Oui. Je le savais bien sûr et nous avons été un certain nombre à le faire circuler. Mais combien de journaux ou d'agences de presse en ont parlé?
Ce à quoi rêvent aujourd'hui toutes les Birmanes et les Birmans
A quelques semaines des élections, des discours racistes et anti-démocrates continuent à se faire entendre ici et là bien sûr (mais ni plus ni moins qu'en Europe par exemple!).
Mais la grande majorité du peuple birman et des moines bouddhistes soutiennent Aung San Suu Kyi et son parti, la Ligue Nationale pour la Démocratie, qui oeuvrent pour la paix et la réconciliation de tout le pays.(1)
Cela fait plus de 20 ans qu'il sont opprimés et laminés par la junte militaire ou ceux qui en ont pris le relai.
Ils en ont plus qu'assez de ces rumeurs, de ces haines, de ces coups bas, de ces manipulations, de ces violences et de cette ambiance d'insécurité permanente. Ils en ont plus qu'assez de ces wirathu, de ces semeurs de violences et de ces extrémistes de tous bords. (2)
Diviser pour régner, telle a toujours été la stratégie des généraux.
C'était hier.
Aujourd'hui, c'est d'union, de fraternité, de justice et de tolérance dont rêvent la grande majorité des Birmanes et des birmans, quels que soient leur ethnie, la couleur de leur peau ou leurs croyances.(3)
Pierre MARTIAL
Ecrivain-journaliste
Président de France Aung San Suu Kyi
POUR NOUS AIDER A VOUS INFORMER ET A SOUTENIR LE PEUPLE BIRMAN ET AUNG SAN SUU KYI, MERCI DE TOUT COEUR.
Aung San Suu Kyi, site français d'information et de soutien à Aung San Suu Kyi et à la Birmanie / Myanmar