Mer Méditerranée, Rabih Mroué

Publié le 08 octobre 2015 par Elisabeth1

Rabib Mroué occupe tout l’étage de La Kunsthalle de Mulhouse avec une exposition personnelle
Mer Méditerranée jusqu' au 15.11.2015


Elle rassemble à La Kunsthalle Mulhouse un ensemble d’œuvres de cet artiste majeur de la scène libanaise. Plasticien, performeur, metteur en scène et aussi acteur interprète, Rabih Mroué est un artiste pour qui le rapport au monde passe par la création, sans limite de genre. Son œuvre est un point de vue unique sur les enjeux contemporains du Proche-Orient, par extension du monde, qu’il rapporte avec émotion et sincérité.
Rabih Mroué place son regard là où la vie et les événements le mènent, jamais loin de sa terre natale, jamais loin de son entourage. Que ce soit comme acteur d’une histoire familiale riche d’épisodes drôles et douloureux ou comme témoin d’une situation géopolitique complexe et meurtrie, il propose des œuvres dans lesquelles il engage sa personne aussi bien physique que morale. En reprenant les images, les mots liés au proche orient et abondamment diffusés par les médias, en les saisissant et les réinjectant dans ses films ou ses photographies, il s’emploie à décaler le regard du spectateur qu’il implique volontiers à ses côtés. Ses œuvres rappellent l’importance de se sentir concerné par la réalité de l’actualité même si, au quotidien, les faits énoncés par les uns ou écoutés par les autres se bousculent et tombent souvent dans le piège de la banalité et de l’oubli. Avec Rabih Mroué, ces mêmes faits reprennent vie et corps dans un travail qui inscrit côte à côte l’information et le devoir de responsabilité. L’histoire contemporaine nous regarde autant qu’elle le regarde.

Libanais, il parle de son pays, des évènements qui s'y sont passés, de sa famille, de lui-même.

Plasticien, performeur, metteur en scène et aussi acteur interprète, Rabih Mroué est un artiste pour qui le rapport au monde passe par la création, sans limite de genre. Son œuvre est un point de vue unique sur les enjeux contemporains du Proche-Orient, par extension du monde.

L'exposition suit trois axes principaux :

Dès l'entrée une vidéo dans laquelle s'effondre un immeuble, puis à côté d'un collage intitulé Exodus, 2015, une vidéo où Rabih Mroué présente ses excuses :


Je soussigné, Rabih Mroué, vous présente publiquement à vous
tous et à tout le peuple libanais mes sincères excuses. D’abord,
je tiens à préciser que ma décision ne doit pas être comprise
comme une réaction, ou même une action. Depuis la fin de la
guerre, je suis obsédé par cette idée et ce besoin, mais…
Officiellement, la guerre civile libanaise s’est achevée en 1990, et
jusqu’à présent, aucun des responsables encore au pouvoir n’a
présenté d’excuses au peuple libanais pour ce qu’il a commis, à
l’exception d’une seule personne, comptée au nombre de ceux
qui ont perdu la guerre : Asaad Shaftari. En 2002, soit près de 12
ans après la fin de la guerre, Asaad Shaftari publie un court texte
dans un quotidien arabe où il présente ses excuses. Personne n’a
pris ses excuses au sérieux. Elles n’en demeurent pas moins les
premières excuses officielles présentées aux Libanais.
Comme tant d’autres citoyens, j’ai longtemps attendu des excuses
des politiques, mais en vain. C’est pourquoi j’ai décidé de
m’excuser pour tout ce que j’ai commis durant la guerre civile.
Cependant, je dois préciser que ceci n’est pas une confession ;
il y a une grande différence entre se confesser et présenter ses
excuses. Personnellement, je ne crois pas aux confessions.
Pourquoi ces excuses maintenant ? En fait, jusqu’à aujourd’hui,
je n’ai pas eu assez de courage pour franchir le pas. Peut-être la
peur et la lâcheté m’ont-elles toujours empêché de satisfaire ce
désir. À présent, il est plus que temps de m’excuser auprès de
vous, mes frères et soeurs, mes amis, camarades et compagnons,
mes ennemis.
Respectueuses salutations,
Rabih Mroué

Sans trop savoir pourquoi, je collectionne des portraits de moi
comme une personne disparue, recherchée dans des petites annonces
parues dans la presse locale . Je me suis toujours demandé
comment une personne pouvait disparaître, surtout dans
un petit pays comme le Liban, où l’on dit que tout le monde
se connaît, que la société est confessionnelle, communautariste,
tribale, etc.


Quel que soit le niveau de contrôle et d’autorité au Liban
(comme dans n’importe quel pays d’ailleurs), il y a toujours
des failles, des fissures dans lesquelles les gens disparaissent. Ils
fuient, ils se cachent, ils se perdent et parfois même commettent
des crimes sans laisser aucune trace.
Il me semble que nous, citoyens libanais, pour exister en tant
qu’individus, devons payer le prix fort, celui des enlèvements,
des disparitions, des meurtres ou de devenir des martyrs. Et
encore, je ne suis pas certain que cela suffise

Je ne raconte pas pour me souvenir. Au contraire, je le fais pour
être sûr que j’ai oublié. Ou du moins pour être sûr d’avoir oublié
certaines choses ; qu’elles se sont effacées de ma mémoire. Lorsque
je suis sûr d’avoir oublié, je tente d’identifier ce que j’ai oublié. Et
ce faisant, je commence à deviner et dire : peut-être, c’est possible,
probable, cela se pourrait, je crois, je ne suis pas sûr... Ainsi, je
réinvente ce que j’avais oublié d’après ce dont je me suis en fait
souvenu. Après un temps indéfini, je raconte à nouveau. Pas
pour m’en souvenir mais pour être sûr d’avoir oublié, au moins
en partie... et ainsi de suite.
Cette opération peut sembler répétitive, mais c’est l’inverse, c’est
un refus de revenir aux commencements ; et que savez-vous des
commencements ? Ainsi j’oscille sans cesse entre souvenir et
oubli, oubli et souvenir, souvenir et oubli jusqu’à ce que la mort
vienne. Je parie sur la mort pour me faire tout redécouvrir sous
un jour nouveau. Même s’il n’y avait rien de nouveau, cela serait
en soi une découverte.

 Puis par le passage d'une vidéo on se trouve  dans un espace où
Les manifestants syriens filment leur propre mort.

Je me suis retrouvé à naviguer d’un site Internet à l’autre à la
recherche d’informations sur la mort en Syrie. J’ai trouvé beaucoup
de choses, mais certaines vidéos m’ont particulièrement
saisi. Elles montrent le contact visuel entre un sniper et un
caméraman, au moment où la ligne de tir du fusil et l’objectif
de la caméra se rencontrent : double visée / double shooting.
On peut voir et entendre le tir du sniper, et au mouvement de
l’image on comprend que le caméraman s’écroule. RM

 Le 11 juillet 1982, durant le siège israélien de Beyrouth,
un bref accord de trêve fut conclu entre les parties palestiniennes
et libanaises d’une part, et l’armée israélienne
d’autre part, et pour cause : le match final de la coupe
mondiale de football.
La trêve était de deux heures environ, le temps du match.
Durant ces deux heures, aucun coup de feu ne fut tiré,
aucun incident sécuritaire ne vint ébranler l’accord.
Cette vidéo montre les 2 dernières secondes
de ce match qui opposait l’Italie à l’Allemagne.
Ces 2 secondes ont été étirées jusqu’à 2 minutes.
Ces 2 minutes sont accompagnées des 5 premières
mesures de la Suite N°6 de Bach.
Ces 5 mesures sont répétées 8 fois.
La durée de ce film représente la durée de la trêve.
Les 2 secondes étirées à 2 minutes représentent
les 2 heures de la trêve.
Essayez de ressentir ces 2 minutes
comme étant 2 heures.
2 heures sans guerre.
2 heures sans violence.
2 heures

 Puis il nous parle de ses proches, sa tante, son frère touché par une balle à l'âge de 18 ans, qui se rééduque, son grand père, immense amateur de littérature, qui a confectionné
pour son plaisir des fiches pour chacun de ses livres, et que Rabih a reconstitué pour l'occasion.

Longtemps, ma tante maternelle a enregistré la neige
parce qu’elle croyait qu’elle contenait des messages subliminaux
des ennemis du Liban. Elle s’évertuait vainement
à les décoder. Elle fit même appel à un spécialiste
en décryptage. Lui non plus ne trouva aucun message
secret. Avec le temps, elle est devenue dépendante de
ces écrans de neige, en oubliant cette histoire de messages
ennemis. Elle continue à faire des enregistrements,
qu’elle conserve. Peut-être aime-t-elle la neige,
et à Beyrouth il ne neige jamais. Peut-être voulait-elle
devenir danseuse et a-t-elle trouvé dans ces rapports sa
propre écriture chorégraphique.

La bibliothèque :
Le grand père possédait une bibliothèque de plus de 8000 livres.
Passé soixante-dix ans, sa vue baissa et il ne se souvint plus de
l’emplacement exact de chaque livre. Pour trouver un livre précis,
cela lui demandait beaucoup de temps et d’effort. Le père imagina
une solution : il demanda à sa fille (la soeur) de l’aider à mettre au
point un système de catalogage des livres…
Le livre :
En 1979, le père décida d’écrire un livre de mathématiques en
s’inspirant des théories de Fibonacci. Au moment où il s’y mit,
la guerre repartit de plus belle à Beyrouth. Le père persévéra
dans son projet, malgré la guerre civile qui tentait de contrarier
ses efforts intellectuels...
La nouvelle (Échec et mat) :
En 1989, le fils écrivit sa première nouvelle. C’était l’histoire
d’une famille enfermée dans leur maison pendant un échange
de tirs d’obus entre Beyrouth-Est et Beyrouth-Ouest…

Du 23 au 25 octobre, Lina Majdalanie propose, en parallèle à l'exposition, un programme de rencontres, performances et projections pour mieux comprendre les enjeux et la place du Liban dans le monde contemporain. Le programme précis sera dévoilé à l'ouverture de l'exposition.

Et enfin, le 24 et 25 novembre, en partenariat avec La Filature, Scène nationale - Rabih Mroué présentera Riding on a cloud.
Ils étaient déjà présents sur scène à la Filature, dans le cadre des Vagamondes,  33 tours et quelques secondes (2012),

Retrouvez les diverses manifestations et évènements liés à l'exposition
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