Marx faisait assez justement remarquer que la politique, c’est l’art de chercher les problèmes, de les trouver, de les sous-évaluer et ensuite d’appliquer de manière inadéquate les mauvais remèdes (il s’agissait de Groucho, hein, pas Karl – on est bien d’accord). Si cela peut passer partout dans le monde pour de l’humour, en France, c’est malheureusement une simple constatation.
Prenez par exemple un problème économique enquiquinant : le sort s’acharne apparemment sur certaines communes, mais il n’y a pas toujours assez de foncier là où on voudrait bâtir. Zut et flûte, comment résoudre cette épineuse difficulté ? Une méthode consiste à laisser faire les politiciens qui, immédiatement, poseront une hypothèse économique simpliste : s’il n’y a pas assez de foncier disponible, c’est parce que certains en stockent discrètement sans jamais le déstocker, pour provoquer une pénurie, et spéculent ainsi sur une hausse des prix.
Caricatural ? Allons. N’oubliez jamais qu’en Socialie, s’il y a pénurie, c’est forcément, obligatoirement parce que méchants capitalistes et d’avides spéculateurs stockent quelque chose quelque part, ou ne font pas fonctionner le marché comme il est envisagé par les dirigeants. Dès lors, muni de cette hypothèse simpliste, quelle peut bien être l’idée étatique elle aussi simpliste qu’on appliquera pour résoudre le problème ? Eh bien tabassons les marauds qui font de la rétention foncière, pardi ! Augmentons dans des proportions inouïes la taxe foncière sur les terrains bâtissables pas encore bâtis, histoire de bien calmer ces propriétaires / spéculateurs sans scrupules !
Le bilan ne se fait pas attendre : non seulement le problème initial n’est pas résolu (loin s’en faut) mais de nouveaux problèmes se font jour très vite, que seule une nouvelle législation encore plus invasive permettra de régler, avec la même efficacité que précédemment. Et plus concrètement, avec l’explosion de la taxe foncière, certains retraités, déjà pas franchement riches, se retrouvent … carrément ruinés.
Évidemment, ce qui est déjà un désastre humain ne serait pas tout à fait complet sans la petite touche finale de gâchis inutile que seul l’État et ses sbires fiscaux peuvent se permettre avec décontraction. Elle sera ajoutée lorsqu’on apprend que cette augmentation inique de la taxe ne touche finalement que 1730 victimes. Autrement dit comme le note Vincent Bénard dans son article, le terrible phénomène de rétention foncière est extrêmement marginal, et la « solution » proposée ne permettra absolument pas de résoudre le problème. Pire, elle va même pousser les propriétaires de terrains à retarder tant qu’ils peuvent leur demande de constructibilité, gelant un peu plus le parc foncier actuel.
Il faut se résoudre à l’évidence : à un problème posé de travers, sur lequel on a bâti des hypothèses idiotes qui ont provoqué la mise en place d’idées consternantes, on ne peut qu’assez rarement aboutir à un résultat flamboyant.
Et ce qui est vrai pour l’immobilier l’est pour à peu près tout le reste. Or, s’il est un domaine où les problèmes sont posés de travers et qui poussent nos élites auto-proclamées à pondre des hypothèses idiotes, c’est bien l’emploi en général et le combat contre le chômage en particulier. Et on a récemment eu l’illustration typique de ce comportement délétère : le chômage étant important, et se caractérisant à la fois par une mise en retraite anticipée trop fréquente des séniors et une absence d’emploi pour les juniors, et plutôt qu’essayer de comprendre les raisons derrière ces deux phénomènes, le gouvernement s’est attelé à créer un énième bidule ad hoc destiné, sur le papier, à soutenir l’emploi des jeunes et des séniors en favorisant la transmission entre les deux générations. C’était même l’engagement n°33 d’un certain François Hollande, alors candidat.
Un peu après l’élection du maître pédaloflambiste, vers mars 2013, le contrat de génération est lancé. Comme de juste et grâce à une habile simplification maintenant habituelle dans ce pays, la forme prise par ce contrat est notoirement plus complexe que le tutorat envisagé au départ : destiné aux entreprises de moins de 300 salariés, ce nouveau bricolage législatif donne droit à une aide annuelle de 4000 euros, pendant 3 ans maximum, pour l’embauche en CDI d’un jeune de moins de 26 ans et le maintien d’un sénior de plus de 57 ans. Pour faire encore plus simple, l’aide est doublée si l’entreprise recrute à la fois un jeune et un sénior. Et l’entreprise reçoit une tringle à rideaux en prime si le sénior est un nain unijambiste et le jeune un aveugle syphilitique adepte du base jumping en collants moulants roses.
Soit, j’exagère un peu, mais à peine : les contraintes pour bénéficier de cette énième usine à gaz vrombissante sont telles (accords syndicaux obligatoires, conditions complexes, parcours du combattant administratif, formulaires rigolos) que le bilan, après deux ans d’existence, est assez peu réjouissant. Là où on attendait 75.000 contrats pour l’année 2013, le total depuis sa mise en place et jusqu’à octobre 2015 est de 51.768 aides attribuées. C’est un flop.
Rassurez-vous : devant ce constat d’échec, le ministère du Travail n’envisage absolument pas de remodeler son dispositif, non mais et puis quoi encore, on ne change pas une équipe qui stagne. En fait, les fines lames du ministère ont analysé la situation et leurs conclusions sont formelles :
« Qualitativement, on a de bonnes retombées. Cela a permis de mettre en place dans les entreprises une réflexion sur la gestion des âges, la gestion prévisionnelle des emplois et compétences, les conditions de travail des séniors. De ce point de vue, on ne peut vraiment pas dire que c’est un échec. »
Eh ouais mes petits amis, le mouvement est en marche, la réflexion est lancée, la tendance est qualitativement amorcée. On a posé des jalons, on a dit des choses, on a expliqué des trucs, on a mis en place de grosses louchées de réflexion sur la gestion des âges, tout ça. Et quelque part, c’est très bien. Voilà voilà. Hem.
Moyennant quoi, depuis l’élection de François Hollande, le chômage des séniors a grimpé de 28% au sens de l’Insee, et de 45% selon Pôle emploi. Quant aux juniors, …
Immobilier ou emploi, le constat est le même : le gouvernement et ses « solutions » surannées, inadaptées qui manquent cruellement d’originalité ne font qu’empirer les problèmes. Eh oui, Françaises, Françaises, ouvrez les yeux : plus les politiciens combattent les inégalités, plus il en apparaît ! Plus ils cherchent à diminuer l’écart entre les riches et les pauvres, plus il grandit ! Plus ils veulent d’habitations, moins il y a de disponibles ! Plus ils s’occupent de créer de l’emploi, plus il s’en détruit ! Plus ils mènent la guerre contre le chômage, plus il y en a !
En toute logique, on devrait maintenant réclamer qu’ils ne fassent plus rien du tout.
Ou, alternativement, qu’ils mènent enfin une guerre contre l’emploi et contre la richesse, histoire de voir où ça nous mène…
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