Il est né d’une mère normande et d’un père inconnu, si l’on peut dire. En fait, les canette du Val de Seine avaient toujours un œil bienveillant et la croupe facile pour les beaux canards sauvages qui avaient pour habitude de faire étape dans cette région particulière, vers Duclair, derrière les grandes falaises de craie blanche, à l’abri des vents du nord qui donnaient une température agréable au moment des migrations. Sensibles aux appels pressants des femelles, ces mâles vigoureux s’empressaient de rester fidèle à leur réputation d’aventuriers du coït. Curieusement, après leur passage, la ponte survenait rapidement et la couvaison était précoce. Ce mariage entre le sauvage et la basse-cour donna ainsi un vigoureux caneton à la forte poitrine, aux cuisses assez petites et au sang abondant. Comme souvent chez les oiseaux, le mâle est chatoyant (gris bleu, gris clair, bande bleue avec un filet blanc, tête verte et plastron blanc) tandis que la femelle est de plumage brun plus ou moins clair et le bec jaune.
René Garry, éleveur de son état, va s’acharner à retrouver la version originale en sélectionnant, et en nourrissant à l’ancienne ces canards. Résultat : un premier prix à l’Internationale d’Aviculture de Lille en 1922 et une reconnaissance de cette nouvelle race appelé dès lors le Canard de Rouen clair Garry.
L’arrivée des élevages industriels va marginaliser le canard de Rouen, trop gros, à l’avantage du canard de Barbarie et de Challans. Moins rentables, les élevages disparaissent pour n’en rester qu’un seul au début des années 2000. En 2012, la famille Boiteau annonce l’arrêt de l’élevage, le dernier de Normandie. Branle-bas de combat, mobilisation générale : il faut sauver le canard de Rouen !Le département de Seine Maritime, le Club de sauvegarde des races avicoles normandes, l’Ordre des Canardiers et son très actif Président Jean-Pierre Corlay, qui se bat inlassablement pour maintenir et promouvoir dans le monde la recette traditionnelle du Canard à la rouennaise, et des chefs ravis de voir revivre ce canard passionnant à cuisiner de diverses manières.
Aujourd’hui, une éleveuse a repris le flambeau pour maintenir la race. Godeleine Bain-Legault est une femme dynamique, volontaire et fière de son travail, suivi de près par toute une région qui la soutient. La Volaillère des Clos est un abattoir, par contre les canards sont élevés en plein air dans de larges enclos avec mares à quelques kilomètres de là. Abattage et découpe, vente sur place aux particuliers, envoi chez les détaillants et les chefs de la région et bientôt plus loin, vers Paris et plus encore. Les volatiles de 2,2kg à 2,5kg sont présentés entier, prêts à cuire, ou effilés (12 € le kilo). Un abattage artisanal avec des canards arrivés à maturité, qui gardent ainsi toutes leurs qualités de saveurs et de tendreté.
A savoir : elle relance également le fameux et rare Poulet de Gournay, race rustique à croissance lente. Une visite est indispensable
76450 Ouainville
Tél : 02 35 97 75 25
www.lavolailleredesclos.fr
L’Ordre des Canardiers édite un magazine officiel : Le Canardier
Contact : [email protected]
Pour tout savoir sur le Canard de Rouen et se régaler à sa lecture, un beau livre indispensable :
Le Canard de Rouen – Recettes et Traditions
De Bruno Bertheuil, enseignant, cuisinier et amateur passionné
Photos de Martin Greco Naccarato
Editions des Falaises
128 pages – 24 €
Lire la suite: Le Caneton à la rouennaise « Félix Faure »
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