Les éditions Caractères publient Comme un rire de lumière du poète anglais Charles Tomlinson, dans une traduction de Michèle Duclos.
Peler la pomme
Il y a les portraits et les natures mortes.
Et il y a peler la pomme.
Et puis ? La peler lentement,
De dessous le jaune-frais
Le blanc-froid émergeant. Et… ?
Le bond de la pelure concentrique
Déroulant complètement le blanc,
La lame cachée, divisant.
Il y a les portraits et les natures mortes
Et les premiers, parce qu’"humains"
Ne sont pas supérieurs aux secondes, et
Ni l’un ni l’autre n’a moins de poids
En geste humain, que peler la pomme
Avec une tranquillité humaine.
La lame fraîche
Sépare entre la fraîcheur, la peau de la pomme
Exigeant une reconnaissance.
Paring the apple
There are portraits and still-lives.
And there is paring the apple.
And then? Paring it slowly,
From under cool-yellow
Cold-white emerging. And...?
The spring of concentric peel
Unwinding off white,
The blade hidden, dividing.
There are portraits and still-lives
And the first, because "human"
Does not excel the second, and
Neither is less weighted
With a human gesture, than paring the apple
With human stillness.
The cool blade
Severs between coolness, apple-rind
Compelling a recognition.
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Tout l’après-midi
Tout l’après-midi les ombres ont construit
Une ville à elles à l’intérieur des rues,
Corrigeant précautionneusement les perspectives
Avec des diagonales sombres et réduisant
Les trottoirs à des passerelles, à d’étroits escaliers
Eclairée comme si elle était un navire
Cette ville-bis. Mais les enjambements
Noirs appuyés comme des échelles à l’assaut
Escaladent les façades et les relient à la terre,
Confondant les escaliers de secours déjà pris
Dans un réseau ambigu de lattes. Vous touchez
Les formes glissantes pour trouver de quel lieu il s’agit
Et barbouillez un doigt avec la cendre du temps
Qui souffle à travers l’ombre à la fois de l’obscurité
Et de la lumière, qui décape toutes les avenues
Pour grêler les murs, monter des cours, des cages d’escalier
Et ternie la cime aztèque du Chrysler.
All Afternoon
All afternoon the shadows have been building
A city of their own within the streets,
Carefully correcting the perspectives
With dark diagonals, and paring back
Sidewalks into catwalks, strips of bright
Companionways, as if it were a ship
This counter-city. But the leaning, black
Enjambements like ladders for assault
Scale the façade and tie them to the earth,
Confounding fire-escapes already meshed
In slatted ambiguities. You touch
The sliding shapes to find which place is which
And grime a finger with the ash of time
That blows through both, the shadow in the shade
And in the light, that scours each thoroughfare
To pit the walls, rise out of yard and stairwell
And tarnish the Chrysler’s Aztec pinnacle.
Charles Tomlinson, Comme un rire de lumière, traduction de l’anglais de Michèle Duclos, préface de Michael Edwards, dessins de Charles Tomlinson, édition bilingue, éditions Caractères, 2015, pp. 20-21 et 72-73
Bio-bibliographie de Charles Tomlinson