Un film de François Ozon (2014 - France) avec Romain Duris, Anaïs Demoustier, Raphaël Personnaz, Aurore Clément, Isild Le Besco
Monsieur Ozon, mon sauveur !
L'histoire : Claire et Laura sont amies depuis l'enfance, très proches l'une de l'autre, inséparables. Laura épouse David ; Claire épouse Gilles. Mais Laura est malade et meurt, laissant David seul, inconsolable, avec un bébé de six mois. Claire, elle-même dévastée par la mort de son amie, se terre chez elle. Puis se décide à aller voir David, ayant promis à Laura qu'elle veillerait toute sa vie sur lui et leur petite fille. Stupéfaite, elle découvre David habillé en femme. Il lui explique qu'il a toujours eu ce désir, qu'il ne faisait ça qu'à la maison, que Laura était au courant, qu'il ne faisait rien de mal. Et puis il a la sensation que son enfant a besoin d'une présence féminine... D'abord choquée, Claire s'habitue pourtant très vite à sa nouvelle amie, qu'elle baptise Virginia quand elle en parle à son mari. Dans Virginia, elle retrouve bientôt toute la tendresse, toute l'amitié, et plus si affinités, qu'elle éprouvait pour Laura...
Mon avis : Et ben voilà ! Me voilà repartie comme en 40 ! Grâce à l'ami François, qui est l'un de nos meilleurs réalisateurs. Je n'ai pas aimé tous ces films, mais c'est normal, il en faut pour tous les goûts ; même mon cher Woody peut me décevoir parfois. Ils peuvent tous avoir un coup de mou, ou bien peuvent aborder un sujet qui ne me plaît pas, tout bêtement. Bref... après les lamentations d'hier, grâce à vos commentaires d'encouragements et, cerise sur le gâteau, ce joli film, je reprends mon bâton de pélerin sur le chemin du cinéma !
J'ai beaucoup, beaucoup apprécié cette oeuvre (adaptation d'une nouvelle de Ruth Rendell). L'histoire m'a enchantée. D'abord tous ces troubles de l'identité sexuelle, ça me touche beaucoup. Non seulement la personne est hyper mal dans sa peau et doit beaucoup souffrir, mais elle se heurte à l'incompréhension, voire la haine de son entourage. C'est la double peine. Alors que, si on y réfléchit bien, qu'est-ce que ça peut faire, un changement de sexe ? Un homme qui se sent mieux en femme, une femme qui se sent mieux en homme ; un homo, un hétéro... franchement, moi, quitte à choquer certains, ça ne me pose aucun problème !
Certes, je ne suis pas psy. Mais j'ai une grande défiance envers les psys, donc je n'écoute leurs avis qu'avec une grande prudence. Je suis peut-être complètement à côté de la plaque, mais il me semble par exemple qu'un enfant élevé par deux hommes, ou par deux femmes, peut grandir de façon tout à fait équilibrée, du moment qu'il est aimé. C'est ça le plus important, l'amour. Nous commençons à avoir les premiers témoignages d'enfants élevés par des couples homos. Pour le moment, ils semblent dire que les seuls problèmes qu'ils ont rencontrés... c'est l'intolérance des personnes extérieures. Les fils de Jodie ont l'air très fans de leur maman.
Le film, revenons-y, est particulièrement piquant car nous avons là un homme qui n'a jamais auparavant présenté de "troubles", car il les cachait soigneusement, comme un petit plaisir coupable et secret, qui aime se travestir en femme. Juste ça. Il n'est pas gay, il aime les femmes ; mais il voudrait en être une. Et avoir une relation "lesbienne" avec une autre femme. Disons qu'il est à la fois fille et garçon. Un peu comme Vincent McDoom, qui explique ça très bien et avec beaucoup de cran. Or cet homme, veuf, élève une petite fille. Et là, ça vous choque le spectateur. Problème d'adulte qui va forcément déteindre sur l'enfant. Ben non. Moi je crois que si la personne est bien dans sa peau, qu'elle sait expliquer les choses, l'enfant n'y verra aucun souci, et c'est ce que la fin du film nous montre. Maintenant... je ne suis pas psy !
Romain Duris est PARFAIT ! Il n'a pourtant pas un visage féminin, c'est un vrai mec, et sexy en plus. Et bien il m'a franchement épatée, parce qu'on y croit complètement ! Il ne fait pas du tout "grande folle", il marche avec classe (avec les talons, et il a de jolies gambettes), il a un sourire extraordinaire (ce qui n'est pourtant pas gagné, avec sa mâchoire prognathe). Mieux, lorsqu'il est en garçon (en société), il est tout aussi crédible. Ca me rappelle Dustin dans Tootsie, qui était formidable, en homme ou en femme.
Le deuxième personnage est tout aussi troublant. Anaïs Demoustier est un amour de fille, jolie comme un coeur. On ne voit d'abord que ça, sa féminité. Or on s'aperçoit peu à peu qu'elle s'habille toujours en garçon manqué (sauf au bureau où, convention oblige, elle porte des jupes), et que son amitié envers Laura était plutôt de l'amour. Dans les flash-backs, on comprend qu'elle était en totale admiration pour son amie, qu'elle vivait dans son ombre, dans son souffle, qu'elle était amoureuse, jalouse de ses petits amis, heureuse de la consoler quand ils la quittaient, et qu'elle s'est mariée un peu par dépit lorsque Laura a épousé David.
L'évolution de Claire est aussi déconcertante pour elle que pour nous. Au début, on la voit, toute mignonne, hétéro, et hyper choquée quand elle découvre David habillé en femme. Puis elle a l'impression de retrouver Laura, leur complicité entre filles, leur amitié. Et puis elle fait des rêves homos : son mari et David, elle et Laura... Elle perd pied, jusqu'à découvrir peu à peu qui elle est vraiment.
J'ai vraiment trouvé toute l'histoire et la psychologie des personnages extrêmement bien vue, finement dévoilée, brillamment décrite, très bien interprété (à part Raphaël Personnaz avec qui j'ai du mal, un peu trop transparent à mon avis). Réalisation impeccable, belles images, humour, rythme...
Le film est troublant, dérangeant. Ce n'est pas une comédie comme Tootsie, c'est une véritable question existentielle qui est posée. Et Ozon le fait extrêmement bien (il porte bien son nom, cet homme !). Il est dans son élément, l'identité sexuelle est un thème fort dans toute sa filmographie, et il traite le sujet avec une immense délicatesse, beaucoup d'intelligence et d'humanité. Dommage, le début, qui raconte l'amitié de Laura et Claire, est un petit peu longuet.
Presse et public ont beaucoup aimé. 560.000 entrées. Et je vais reprendre mes petites citations, parce qu'elles me manquent. Télérama : "Jamais, (...) (Ozon) n'avait misé avec autant de force et d'élégance sur l'ambiguïté." - 20 minutes : " François Ozon signe un film original et culotté, bourré de générosité, d'humour et d'un sens de l'émotion savamment dosé." - Les Inrocks : "Ozon brasse tous ces questionnements, travestissements, hypothèses sexuelles, glissements d’identité, suspense sentimental, avec une virtuosité confondante" - Première : "Foisonnant, drôle et retors, le film passionne, questionne et bouscule. Et ce, bien après sa conclusion."
La parole à ceux qui n'aiment pas (rares) : Le Parisien "Né d'un chemin de traverse du sensible, le film prend l'autoroute des clichés. Jusqu'à finir estampillé mariage pour tous sur fond de banlieue résidentielle pour publicité immobilière."