En 1947, ce livre est le premier publié pour raconter l’expérience des camps de concentration. Primo Levi, résistant, arrêté en 1942, se déclare aux nazis comme “citoyen italien de race juive”. D’abord parqué avec les autres prisonniers, il est rapidement mis dans un train, debout, sans eau, pendant des heures, pour une destination inconnue. C’est alors qu’il découvre le Lager. Le camp de concentration le plus connu, le plus meurtrier. Peu à peu, il apprend comment survivre dans ce gigantesque laboratoire à deshumaniser. Le travail harassant et abrutissant, les interminables séances d’appel, la faim chronique et les humiliations banales… Et surtout, tout ces petits détails, cette chance, ces coincidences, ces miracles qui lui ont permis de survivre pour témoigner.
Ames sensibles s’abstenir, voici une littérature concentrationnaire particulièrement dure et crue. Sans pathos excessif, sans accusation, c’est une analyse du système concentrationnaire quasi médicale qui nous est servie et cela rend les choses presque encore plus insupportable. Il se place volontiers dans une posture d’observateur pour nous décrire un système social, politique, commercial, complètement à part, propre à l’univers concentrationnaire dont on peine à imaginer qu’il a pu exister à nos portes.
Pourtant l’empathie est bien là. Des envolées philosophiques, poétiques, lyriques ramènent cette part d’humanité que le narrateur cherche à conserver et à retrouver autour de lui. Et s’il décrit volontiers ce qu’il subit lui-même, la lourdeur des charges à porter, les pieds trempés et blessés, jamais il ne se pose en héros ou en exemple, et l’on ne peut douter qu’il doit sa survie à une série de circonstances insolemment chanceuse: son jeune âge, ses compétences de chimiste, l’aide d’un civil, jusqu’à sa présence à l’infirmerie au moment pile de l’évacuation du camp.
La lecture de Raphaël Enthoven, toute en sensibilité et en sobriété, accompagne à merveille cette histoire à la fois poignante et noble. Il est difficile de ne pas surinvestir une lecture aussi chargée et il s’en sort à merveille. Ecoutez un extrait sur la fiche de l’ouvrage sur le site Audiolib.
La note de Mélu:
Un grand témoignage.
Un mot sur l’’auteur : Primo Lévi ne devient écrivain qu’à son retour des camps de concentrations allemands, en 1947.
Titre original: Se questo è un uomo (traduit de l'italien).